Une homme d'affaire qui réfléchit penché sur son téléphone sur un fonds transparent de graphiques boursiers,
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Malgré les faibles rendements des obligations à échéances plus longues, les gestionnaires actifs de fonds n’hésitent pas à s’aventurer plus loin le long de la courbe de rendement. Bien que les cours des obligations à long terme soient vulnérables face aux hausses des taux d’intérêt, ce risque doit être soupesé en fonction de la lenteur de la croissance mondiale et de l’assouplissement potentiel de la politique monétaire par les banques centrales.

Pour sa part, Paul Sandhu, président et chef de la direction de Marret Asset Management, une filiale de CI Financial, de Toronto, affirme que la tendance dominante s’oriente vers des taux d’intérêt plus bas, un contexte dans lequel les obligations peuvent prospérer. « Nous avons été optimistes quant aux taux d’intérêt mondiaux depuis environ cette période de l’an dernier », dit-il. Les mandats de Marret, spécialisé dans le revenu fixe, incluent le FNB d’obligations de qualité supérieure CI First Asset (CI First Asset Investment Grade Bond ETF), de 740 millions de dollars (M$), et le FNB amélioré d’obligations gouvernementales CI First Asset (CI First Asset Enhanced Government Bond ETF), de 704 M$.

Les prévisions de Marret sur les taux d’intérêt sont principalement basées sur son analyse des données économiques des marchés développés et de la Chine, qui constituent environ 70 % du produit intérieur brut (PIB) mondial. La politique monétaire des banques centrales de ces pays représente un deuxième facteur déterminant.

En troisième, la firme analyse les évaluations actuelles du marché obligataire. « C’est une question de prix et de compréhension, d’examen des marchés des contrats à terme, de ce qui a réellement cours dans les marchés, dans une perspective de hausses des taux ou de baisses des taux, dit Paul Sandhu. Nous apportons des ajustements à court terme à notre duration sur une base de gestion active dans le but de générer de l’alpha supplémentaire du côté des taux d’intérêt pour nos clients. »

La duration, qui est exprimée en nombre d’années, représente une mesure de la sensibilité des prix des obligations aux changements des taux d’intérêt. Toutes choses étant égales par ailleurs, une augmentation des taux d’intérêt d’un point de pourcentage entraînera la diminution du prix d’une obligation d’un point de pourcentage par année de duration. Par exemple, l’Indice des obligations universelles FTSE Canada (FTSE Canada Universe Bond Index) a actuellement une duration d’à peu près huit ans, ce qui implique qu’une hausse d’un point des taux du marché ferait plonger l’indice de huit points de pourcentage.

Inversement, des taux d’intérêt qui chutent entraînent une hausse du prix des obligations. Marret prévoit que le rendement sur 10 ans des bons du Trésor américain – un indicateur des taux à long terme – diminuera jusqu’à environ 1,25 % au cours des 12 prochains mois, une baisse par rapport à la fourchette de 1,65 % à 1,95 % dans laquelle il se négocie actuellement. Marret considère que le ralentissement de la croissance mondiale se poursuivra pour passer sous la barre des 3 %, une baisse tirée par l’Asie et l’Europe qui s’étendra à l’Amérique du Nord.

Dans ce contexte macroéconomique, Paul Sandhu affirme qu’il y aura des politiques monétaires « accommodantes « . « Les banques centrales devront maintenir les taux actuels, ou dans quelques régions du monde peut-être continuer à les baisser, si notre prévision de croissance ou notre perspective de croissance se concrétise comme nous le pensons », dit-il.

Malgré tout, Marret a abaissé les durations des deux FNB First Asset à la fin d’octobre à environ six ans, bien au-dessous de l’indice FTSE Canada. « Nous avons atteint notre cible à court terme là où nous pensions que les taux d’intérêt pouvaient se diriger à court terme », dit Paul Sandhu.

Fiera Capital, de Montréal, un autre important gestionnaire de titres à revenu fixe qui utilise le concept d’une fourchette de négociation pour la duration obligataire, gère le FNB Horizons Actif obligations canadiennes (Horizons Active Canadian Bond ETF) de 68 M$. L’équipe de Revenu fixe gestion tactique de Fiera, dirigée par le gestionnaire de portefeuille principal, Christopher Laurie, utilise un modèle « propriétaire » qui intègre des indicateurs fondamentaux et techniques pour évaluer les tendances des taux d’intérêt. Pour le FNB Horizons obligations canadiennes (Horizons Canadian bond ETF), Fiera fera varier la duration de plus ou moins trois ans par rapport à l’indice de référence.

En date du 31 octobre, la duration était plutôt agressive à 9,5 ans, soit un an et demi de plus que l’indice FTSE Canada, et en hausse par rapport à 8,9 ans à la fin de septembre. Entre temps, des transactions opportunistes avaient brièvement fait plonger la duration près du neutre par rapport à l’indice, dit Jane-Marie Rocca, vice-présidente et gestionnaire principale, Revenu fixe, chez Fiera Capital, à Toronto. « Nous sommes toujours en train de suivre le marché de façon active et de négocier, dit-elle. Même quand notre scénario principal pourrait fonctionner, nous envisageons d’autres possibilités. »

Du fait que les obligations du gouvernement du Canada constituent la majeure partie de l’allocation des FNB de Horizons, sa stratégie consiste principalement à prévoir les tendances des taux d’intérêt et à faire des prédictions profitables quant à la duration. Le positionnement le long de la courbe de rendement ainsi que l’obtention de rendement par la détention d’obligations provinciales, municipales et de sociétés en sont les autres éléments.

Toutes les durations ne sont pas équivalentes, explique Tom O’Gorman, vice-président et directeur, Revenu fixe, chez Franklin Bissett Investment Management, de Calgary, filiale de Franklin Templeton Investments, de Toronto. Parmi les mandats de Tom O’Gorman se trouve le FNB Franklin Liberty Core Plus Bond, de 29 M$, qui a une stratégie identique au fonds commun de placement (FCP) de 2 G$ du même nom dont le FNB détient des parts.

Alors que les obligations gouvernementales de première qualité sont principalement liées aux taux d’intérêt, ceci n’est pas nécessairement vrai pour les autres obligations comme les obligations de sociétés de première qualité ou les obligations à haut rendement, dit Tom O’Gorman. « La duration ne traduit pas toute la réalité, parce que, avec ses obligations, il y a un écart de crédit [lié à la qualité de crédit de l’émetteur], lequel écart peut se déplacer dans la direction opposée à celle où vont les taux d’intérêt. »

Bien que Tom O’Gorman s’attende à ce que la Banque du Canada suive l’exemple des États-Unis et baisse les taux d’intérêt à court terme, le FNB Franklin a amorcé novembre avec une duration légèrement inférieure à l’Indice FTSE Canada. « Nous voulons être défensifs », dit Tom O’Gorman, notant que le fonds cherche aussi à générer des rendements par des stratégies de crédit et un positionnement sur la courbe de rendement. Au 31 octobre, 45 % du portefeuille était composé d’obligations de sociétés, dont une petite portion d’obligations à haut rendement, par rapport à 24 % en obligations du Canada. « Les écarts de crédit amortissent les changements de taux d’intérêt », dit Tom O’Gorman.

Il ajoute que la duration reste importante dans une perspective de diversification, même avec les faibles rendements actuels. « C’est l’unique vrai facteur négativement corrélé aux marchés boursiers, dit-il. Alors, si les marchés boursiers sont à un sommet historique, c’est probablement une bonne chose d’avoir de la duration pour vous protéger si vous avez une vente massive [dans le marché des actions.] . »

Paul Sandhu, de Marret, souligne l’importance de la gestion de la duration, estimant que la duration est responsable des deux tiers de la volatilité d’un portefeuille d’obligations de sociétés de première qualité. « Nous avons remplacé le risque de crédit par le risque de duration dans nos portefeuilles parce que nous estimions qu’[en] 2019, la duration ajouterait davantage aux rendements que ne le ferait le crédit dans les mandats de première qualité », dit-il. Il qualifie les obligations des entreprises d’« un peu cher », ajoutant que vers la fin du cycle économique « les obligations de sociétés deviennent vulnérables à un ralentissement de l’économie ».

Jane-Marie Rocca, de Fiera, observe qu’alors que le rendement des obligations du Canada à 30 ans était récemment de 1,75 %, le faible gain obtenu pour une longue duration devrait être considéré dans une perspective mondiale. « Si on le compare aux taux en vigueur dans le monde, c’est énorme », dit-elle en faisant référence à des pays comme l’Allemagne et le Japon dont les rendements à long terme sont négatifs.

« C’est très difficile de retirer un revenu d’une obligation du gouvernement du Canada à 1,75 %. Mais nous ne négocions pas à des taux négatifs comme c’est le cas dans d’autres régions du monde », poursuit Jane-Marie Rocca, en ajoutant que les obligations devraient toujours occuper une position centrale dans la répartition d’actifs. « Assurez-vous simplement que vous avez une bonne diversification entre toutes vos stratégies. »