Placement de valeur ou de croissance : lequel est le meilleur?
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Historiquement, le placement axé sur la valeur, choisir des actions qui se négocient à un prix plus faible que la valeur intrinsèque de la compagnie, a surpassé le placement axé sur la croissance, qui consiste à investir dans des compagnies ayant des perspectives de bénéfices supérieures.

Cette tendance se reflète dans les écarts de rendement des indices fondés sur le style. Aux États-Unis, l’Indice Valeur Russell 1000 a affiché un rendement de 12,1 % en dollars américains depuis sa création le 31 décembre 1978 jusqu’en juin cette année, soit plus d’un point de pourcentage de plus, annuellement, que le rendement de 10,9 % de son homologue axé sur la croissance, l’Indice Croissance Russell 1000.

Au Canada, la tendance a été comparable, comme l’indiquent les données compilées par les fournisseurs d’indices fondés sur le style. L’Indice MSCI Canada Croissance a affiché un rendement total, comprenant le réinvestissement des dividendes, de 8 % depuis son lancement en décembre 1974, contre 11,4 % pour l’Indice MSCI Canada Valeur.

Sur une période beaucoup plus courte, l’écart de rendement est encore plus grand entre l’Indice de croissance Dow Jones Canada Select, qui a affiché un rendement annuel moyen de 3,7 % depuis sa création en juin 1997, et l’Indice de valeur Dow Jones Canada Select, avec un rendement de 10 % pendant la même période.

Malgré ces résultats à long terme, Thierry Vallée, gestionnaire de portefeuille principal et responsable des portefeuilles d’actions canadiennes auprès d’Investissements Russell Canada, remet en cause la notion selon laquelle la valeur est un style de gestion supérieur.

Il n’y a pas de garantie, fait remarquer M. Vallée, qu’un style particulier se surclasse par rapport à un autre pendant une période déterminée. Il y aura inévitablement des périodes où la croissance surpassera la valeur. Ce fut le cas, par exemple, sur le marché américain pendant la période de dix ans terminée le 30 juin. Pendant cette période, l’Indice Croissance Russell 1000 a affiché un rendement de 8,8 % en dollars américains, surclassant le rendement de 6,1 % de son homologue axé sur la valeur.

Qui plus est, dit M. Vallée, ni l’orientation valeur ni celle de croissance ne devraient être perçues comme le véritable moteur de rendement des placements. C’est plutôt la qualité des sociétés détenues. Il décrit la qualité comme l’élément essentiel d’une entreprise prospère et donc d’une discipline éprouvée de sélections de titres.

Un levier financier optimal, des marges d’exploitation robustes et des gestionnaires compétents qui prennent de bonnes décisions de rentabilité à long terme sont par exemple des attributs de qualité. Pourtant, ces attributs s’appliquent aussi bien aux investissements de valeur que de croissance.

Si la qualité est le moteur des rendements, l’accent que mettent les investisseurs axés sur la valeur sur la qualité pourrait justifier leur meilleure performance à long terme. « Nous pensons qu’avec le temps, la valeur se surclassera, dit M. Vallée. Mais si l’on prend une bonne gestion axée sur la valeur et une bonne gestion axée sur la croissance, les choses ne sont pas aussi tranchées. »

Une direction solide est souvent ce qui attire les investisseurs vers les compagnies de croissance. M. Vallée dit que l’utilisation du levier financier et l’affectation des bénéfices peuvent être de bons indicateurs de solidité pour la direction d’une compagnie de croissance.

Une compagnie de croissance devrait progresser plus rapidement que ses homologues, et elle affichera souvent un ratio cours-bénéfices élevé, indiquant que les investisseurs misent sur ses prévisions de bénéfices futurs.

Les compagnies de croissance présentent aussi l’occasion de réaliser des rendements élevés sur des périodes relativement courtes, mais comportent des risques supplémentaires. Par exemple, un des avoirs de l’Indice Croissance Russell 1000 est CVS Health Corp., qui a affiché un rendement annuel composé de 20,3 % pendant la période de trois ans terminée le 30 juin. Toutefois, pendant la période de 12 mois terminée le 30 juin, l’action a baissé de 7,2 %.

La croissance est associée à une forte expansion des ventes et des marges d’exploitation. Le risque est que les investisseurs très exigeants exerceront des pressions sur la direction d’une compagnie pour qu’elle répondre à des attentes élevées. Cela aboutit souvent à une décision malavisée qui favorise ainsi la croissance aux dépens de la qualité.

Une façon d’évaluer la qualité d’une action de croissance est d’examiner son levier financier. Cela revient non seulement à comparer le ratio d’endettement d’une compagnie par rapport à d’autres, mais aussi à déterminer si son niveau d’endettement (et les dates d’échéance de ses prêts) entravera à l’avenir ses initiatives de croissance stratégique.

La qualité d’une compagnie de croissance peut aussi être déterminée en analysant les sources de financement et l’utilisation de sa dette. La croissance par acquisitions est chose courante chez les compagnies de croissance, mais elles doivent résister à la tentation de vouloir croître au-delà de leurs capacités.

Par exemple, Valeant Pharmaceuticals International a augmenté son levier financier, avec une dette à long terme dépassant les 30 milliards $US suite à de nombreuses acquisitions, notamment celle de Bausch & Lomb pour un montant de 8,6 milliards $US en 2013 et de Salix Pharmaceuticals pour un montant de 11 milliards $US en 2015. Ceci a mené à plus de 41 milliards $US en achalandage et en actifs incorporels inscrits à son bilan, qui risquent de subir des radiations substantielles.

L’affectation des bénéfices, qu’il s’agisse d’un versement aux investisseurs, d’un réinvestissement dans l’entreprise ou du remboursement d’une dette, est crucial pour les compagnies de croissance. Il est très important de comprendre les tendances de la direction, particulièrement en ce qui concerne la gestion des liquidités.

Par exemple, la direction d’une compagnie de croissance pourrait prendre la décision prudente de rembourser une dette à intérêts élevés plutôt que de verser des dividendes aux actionnaires. Mais cela pourrait aussi être l’une des caractéristiques d’une compagnie de valeur.

Que l’on penche vers la croissance ou la valeur, il est impératif de fonder le style de gestion que l’on préfère pour ses placements sur la qualité.