Les banques canadiennes sont sous-évaluées, dit Mark Thomson de Beutel
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Mark Thomson, directeur général des actions et président du conseil d’administration à Beutel, Goodman & Co., dit que les actions des banques à charte canadiennes ne reçoivent pas la reconnaissance qu’elles méritent étant donné que leurs contributions dominent les bénéfices agrégés de l’Indice composé S&P/TSX.

Il attribue cela, en partie, aux « commentaires négatifs formulés par des vendeurs à découvert des actions des banques canadiennes à l’extérieur du Canada ». Cela, dit-il, « paralyse la valeur des actions bancaires canadiennes ».

M. Thomson signale qu’il y a un gros écart entre la pondération de 22,3 % de l’ensemble des banques canadiennes dans l’Indice composé et leur contribution de 51,1 % à la totalité des bénéfices de l’indice. Le secteur des services financiers, dans l’ensemble, a un poids de 35,6 % dans l’indice et représente 61,6 % de ses bénéfices.

Par contre, dit-il, le secteur canadien de l’énergie, avec une pondération de 20,1 % de l’indice, représentait 2,4 % de l’ensemble de ses bénéfices. Les matériaux, avec une pondération de 14,1 %, y représentaient 3,4 %.

« Les actions aurifères, qui sont un des moteurs principaux du marché boursier canadien depuis le début de l’année, représentent en majeure partie des compagnies peu rentables où les actions sont chères. » (Les actions aurifères ont une pondération importante dans le secteur des matériaux.)

Selon M. Thomson, les détracteurs des actions bancaires canadiennes « extrapolent » au Canada les problèmes qu’a dû confronter le système bancaire américain. « Ce sentiment négatif a même gagné certains analystes couvrant les banques canadiennes au Canada. »

Pour M. Thomson, les grandes banques à charte canadiennes « représentent des entreprises stables qui génèrent beaucoup de capital ». Depuis les années 90, les grandes banques canadiennes, dit-il, ont à la fois amélioré la qualité de leurs portefeuilles de prêts et réduit leur dépendance sur leurs activités de prêt en faveur de leurs activités générant des frais.

En ce moment, dit-il, quelque 45 % du carnet des prêts pour les banques sont représentés par des hypothèques garanties par des assureurs hypothécaires, contre 25 % dans les années 90. De plus, dit-il, le revenu provenant des frais bancaires représente 50 % de leur revenu total net à l’heure actuelle contre 30 % dans les années 90. « Somme toute, les commentaires négatifs sur les banques ont été établis à partie d’une matrice défaillante, et cela procure des occasions de placement. »

Au dernier compte, Beutel Goodman avait des actifs sous gestion de 37 milliards de dollars (G$), à la fois dans des portefeuilles d’actions et des titres à revenu fixe. Gestionnaire traditionnelle axée sur la valeur, Beutel a pour discipline de sélection d’actions « de les acheter à un rabais substantiel par rapport à la valeur estimée de l’entreprise sous-jacente, d’après la valeur actuelle des flux de trésorerie futurs ».

Le portefeuille phare d’actions canadiennes à grande capitalisation de la firme a des actifs sous gestion de 15 G$. Cela inclut le fonds d’actions canadiennes Beutel Goodman, auquel l’équipe Morningstar de recherche sur les gestionnaires a octroyé une cote Or, la cote la plus élevée.

La stratégie de ce portefeuille est « d’acheter des actions qui généreront un rendement total minimum de plus de 50 % au cours des trois prochaines années », dit M. Thomson. L’équipe, explique-t-il, vend automatiquement un tiers des avoirs une fois que l’action a atteint le prix cible de l’équipe, puis réévalue l’action.

Le portefeuille canadien à grande capitalisation a une surpondération au secteur des services financiers depuis quelque temps. Il détient actuellement une participation de 41,6 % à ce secteur contre 35,6 % pour l’indice. À l’autre extrême, le portefeuille est nettement sous-pondéré dans les secteurs de l’énergie et des matériaux. Ces secteurs représentent ses deux plus importantes sous-pondérations.

Les deux plus grandes pondérations en portefeuille, de près de 9 % chacune, sont la Banque Toronto Dominion, avec un dividende de 3,85 % au dernier compte, et la Banque Royale du Canada, dont le dividende était de 4,1 %.

Chacune de ces deux banques, dit M. Thomson, détient environ 25 % du marché bancaire canadien, soit un total de 50 % de ce marché. « Leur part de marché respective fournit à chacune un levier opérationnel considérable. » Les banques sont « bien gérés et ont généralement prouvé qu’elles étaient de bonnes intendantes du capital ».

Toutefois, ajoute M. Thomson, l’acquisition par la Banque Royale de la société américaine City National Corp. pour 5 G$ a été conclue au début de novembre l’an dernier, à une évaluation qui était « plutôt élevée ».

Une société financière non bancaire qui fait aussi partie des 10 principaux avoirs du portefeuille à grandes capitalisations canadiennes de Beutel Goodman est Brookfield Asset Management. Cette société a toute une gamme d’activités qui comprend la gestion d’actifs, l’immobilier, les énergies renouvelables et les infrastructures. « C’est une structure complexe, quelque peu impénétrable, qui exige donc une analyse particulièrement approfondie », dit M. Thomson.

Selon l’équipe de recherche sur les actions de Beutel Goodman, l’action se négocie à « un rabais important par rapport à sa valeur sous-jacente déterminée par la somme de ses différentes parts ». Une autre caractéristique de la compagnie que M. Thomson affectionne est que « le directeur général Bruce Flatt et d’autres membres de l’équipe de direction ont de grosses mises financières dans l’action, ce qui les aligne entièrement sur les intérêts de leurs porteurs de parts ».

Le portefeuille à grandes capitalisations canadiennes Beutel Goodman détient une légère surpondération dans le secteur des valeurs industrielles, avec 9,7 % contre 8,4 % pour l’indice. Ses plus importants avoir sont les deux compagnies ferroviaires, qui dominent leur secteur : Canadien National et Canadien Pacifique.

« Ce sont de bonnes entreprises qui ont de bons gestionnaires et génèrent beaucoup d’argent », dit M. Thomson. Leurs bénéfices sont à l’heure actuelle légèrement déprimés, dit-il. « Leur volume d’activités et leurs revenus sont en baisse, ce qui reflète une baisse du transport de marchandises, mais leurs actions sont à un bon prix. »

Concernant le secteur des matériaux, M. Thomson dit que les seules compagnies qui « gagnent leur coût du capital et génèrent de solides flux de trésorerie disponibles avec le temps dans ce secteur sont les spécialistes des engrais et produits agricoles ». Le portefeuille canadien à grande capitalisation détient des participations à Agrium et Potash Corp. of Saskatchewan.

Entre les des deux, M. Thomson dit préférer Agrium, qui est « à la fois un producteur d’engrais et un détaillant de produits agricoles ». Les activités de commerce au détail représentent quelque 50 % des bénéfices d’Agrium, dit-il, et elles sont capables de « générer des bénéfices et des flux de trésorerie disponibles exceptionnels durant notre horizon de placement de trois ans ». En ce moment, selon lui, les prix des produits agricoles chimiques sont bas. De nouveaux fournisseurs s’annoncent et, du côté de la demande, le prix des grains est comprimé, note-t-il. « Mais je m’attends à ce que le marché absorbe cette nouvelle offre au cours des prochaines années. »

Les actions des biens de consommation discrétionnaires représentent 12,1 % du portefeuille et 6 % de l’indice. Ici, M. Thomson mentionne Magna International, le géant mondial des pièces automobiles. « Cette compagnie a une clientèle de base diversifiée et a vu une amélioration importante de ses opérations sous l’égide de Donald Walker, président directeur général, dit M. Thomson. M. Walker a aussi orienté la firme vers une approche plus conviviale pour les actionnaires, dit-il. Au cours des deux dernières années, la compagnie a payé des montants importants en dividendes aux actionnaires et s’est embarquée dans de gros programmes de rachats d’actions. »

En ce moment, dit M. Thomson, les investisseurs sont préoccupés par le cycle du secteur automobile, notamment aux États-Unis, et la possibilité que les bénéfices de Magna aient atteint leur apogée. On craint aussi l’impact que pourra avoir le vote du Brexit au Royaume-Uni sur la compagnie, dit-il. « Mais même si le revenu de Magna est stagnant, son excédent en capital et l’amélioration de ses marges bénéficiaires sur la scène européenne interviendront au bénéfice des actionnaires. » De plus, dit-il, l’évaluation de l’action « est bien inférieure à ce que suggère l’apogée des bénéfices de la société ».

Dans le secteur des biens de consommation de base, qui constitue 5 % du fonds et 4,2 % de l’Indice composé, M. Thomson a réduit ses avoirs dans les actions des deux grandes chaînes de supermarchés : Les Compagnies Loblaw et Metro. « J’aime toujours le domaine de l’épicerie de détail, mais c’était une question d’évaluation, dit-il. Les actions ont atteint nos prix cibles et, conformément à la discipline que nous nous sommes fixés, nous avons vendu le tiers de nos avoirs. »