L'énergie nucléaire convient-elle à un portefeuille de placement durable?
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La plupart des discussions sur la manière dont les sociétés de services publics créent de l’électricité portent sur les carburants fossiles et les énergies renouvelables. Le nucléaire paraît souvent exclu des débats. Pourtant, il demeure une composante clé de la production d’électricité aux États-Unis, en générant environ 20 %.

Les investisseurs voient traditionnellement l’énergie nucléaire comme du tout bon ou du tout mauvais. Elle reste généralement exclue des fonds qui privilégient délibérément les facteurs environnemental, social et de gouvernance. Mais à défaut d’exclure les sociétés de services énergétiques qui utilisent l’énergie nucléaire, comment les investisseurs devraient-ils percevoir la participation à l’énergie nucléaire d’une société de services publics avec le changement climatique en toile de fond? C’est le sujet d’un récent travail de recherche effectué par les analystes des actions de services publics de Morningstar et Sustainalytics.

Cette étude affirme que le principal avantage de l’énergie nucléaire par rapport à d’autres sources d’électricité est sa très faible teneur en carbone par rapport à celle des énergies renouvelables, et, cela pourrait en surprendre quelques-uns, ses antécédents en matière de sécurité. D’un autre côté, l’énergie nucléaire comporte des inconvénients évidents et familiers, comme la menace d’une exposition fatale aux radiations si une catastrophe nucléaire venait à se produire, le manque de solutions d’entreposage des déchets rétroactifs à long terme et la consommation intensive d’eau. Sur cette toile de fond, les investisseurs qui évaluent les sociétés de services énergétiques participant à l’énergie nucléaire devraient tenir compte de leur teneur en carbone, leurs politiques et procédures de gestion des déchets radioactifs et leurs antécédents de sécurité opérationnelle.

Ses faibles émissions carboniques font du nucléaire un contributeur de choix aux objectifs de réduction des émissions, à la fois pour les sociétés de services publics et le pays dans son ensemble. Les sociétés de services énergétiques ayant une plus forte proportion de nucléaire dans leur production énergétique génèrent moins d’émissions de carbone. Les sociétés de services publics qui ont une participation faible, voire inexistante à l’énergie nucléaire, doivent compter davantage sur le charbon ou le gaz naturel pour la production d’électricité de base, ce qui se traduit par des émissions de carbone plus élevées. Construire plus de centrales nucléaires n’est pas viable sur le plan financier ou politique, mais maintenir la production nucléaire existante permet aux sociétés de services énergétiques de jouer le rôle qui leur est dévolu à chacune dans la réalisation des objectifs de réduction d’émissions de carbone contenu dans l’Accord de Paris. La principale façon offerte à toutes les sociétés de services publics de réduire leurs émissions de carbone est de réduire aussi leur dépendance au charbon et le remplacer par le gaz naturel et les énergies renouvelables, mais celles qui participent à l’énergie nucléaire partent d’un niveau plus bas. Cela les place en meilleure posture pour répondre aux normes plus strictes qui régiront les émissions de carbone et aux attentes supérieures des investisseurs en matière d’amélioration des performances en ce domaine, ces deux exigences étant à long terme inévitables aux États-Unis.

Cela dit, la gestion des déchets présente de graves risques pour les exploitants d’installations nucléaires, à cause de l’incapacité politique de prendre une décision à long terme pour le combustible nucléaire usagé. Cela exige que les exploitants entreposent sur place des quantités croissantes de combustible usagé, en plus de gérer leurs déchets faiblement radioactifs. Alors que les exploitants des installations nucléaires ont de solides antécédents en matière de sécurité, une faille dans l’entreposage pourrait être désastreuse pour leur réputation actuelle et future. Même si un incident s’avérait présenter un impact réel minimal, il aurait certainement de lourdes répercussions sur la réputation des sociétés concernées et de l’industrie en général.

Les investisseurs peuvent différencier les sociétés de services énergétiques engagées dans l’énergie nucléaire en évaluant leurs pratiques de gestion des déchets. Les données de Sustainalytics montrent que certaines sociétés de services énergétiques américaines sont mieux préparées que d’autres à gérer les risques écologiques liés à la gestion des déchets. Xcel Energy (XEL) obtient le score le plus élevé parmi 20 sociétés de services énergétiques couvertes par Sustainalytics et les analystes de Morningstar, suivie par Entergy (ETR), le deuxième plus grand exploitant d’énergie nucléaire aux États-Unis. Les plus faibles scores reviennent à Great Plains Energy (GXP) et Westar Energy (WR), deux compagnies qui projettent de fusionner l’année prochaine.

L’étude suggère que la sécurité opérationnelle des centrales nucléaires aux États-Unis est bien meilleure qu’on ne le pense généralement, au vu des gros titres générés par les trois accidents de réacteurs nucléaires qui se sont produits dans le monde depuis 1979. Les ouvriers du charbon, du gaz naturel et même de l’énergie hydroélectrique ont connu une mortalité bien supérieure à celle du nucléaire. Selon le repérage fait par Sustainalytics des incidents opérationnels, il s’est produit 56 incidents à faible risque au cours des trois dernières années parmi les 20 sociétés de services publics évaluées, dont aucun n’a atteint le niveau d’un incident grave. Par contre, Entergy a été responsable de 23 de ces incidents à faible risque, soit 41 % du total.

Pour nous résumer, les avantages de l’énergie nucléaire comprennent sa contribution à la baisse des émissions de carbone et à son palmarès général dans le domaine de la sécurité. Les inconvénients du nucléaire comprennent la question encore en suspens de l’entreposage des déchets radioactifs à long terme, l’exposition aux radiations qui pourrait survenir à la suite d’un accident majeur, et l’utilisation de grandes quantités d’eau. Ces risques substantiels découragent certains investisseurs de placer leur argent dans des sociétés de services publics participant au nucléaire. Mais les investisseurs qui ne disqualifient pas totalement une participation au nucléaire peuvent utiliser plusieurs mesures (émissions de carbone, gestion des déchets et historique en matière de sécurité) pour différencier les sociétés de services publics qui font appel au nucléaire. Exelon (EXC), PG&E (PCG), et Xcel Energy sont les chefs de file de l’exploitation du nucléaire à cause de leurs pratiques robustes de gestion des déchets et de leur longue tradition de pratiques d’exploitation sécuritaires.