Un tas de bitcoins.
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Depuis août, c’est le branle-bas de combat chez les gestionnaires d’actifs américains afin de lancer le premier FNB national qui suit le bitcoin. En août dernier, depuis qu’un dirigeant de la Securities and Exchange Commission (SEC) a ouvert la porte à une potentielle autorisation par le régulateur américain d’un FNB de bitcoins basé sur des contrats à terme sur ce cryptoactif, différents gestionnaires sont sur les rangs pour y parvenir.

Le marché canadien des FNB de cryptomonnaies est unique en ce sens qu’il offre depuis février des FNB à la fois basés sur des bitcoins et des ethers en « détention physique » et des FNB basés sur des contrats à terme. Même les investisseurs semblent préférer les FNB du premier mode de détention. Alors pourquoi la SEC privilégie-t-elle les FNB construits à partir de contrats à terme? Valeurs mobilières TD a tenté d’y répondre dans une récente analyse des principales différences entre les deux types de FNB. En voici les cinq principales.

1) La compensation

Les transactions sur les contrats à terme sont validées et finalisées par l’intermédiaire des chambres de compensation, qui est un intermédiaire souvent utilisé sur les marchés dérivés. Les contrats à terme sur bitcoin les plus couramment négociés par les mainteneurs de marché et les émetteurs de fonds de bitcoins sont négociés et compensés sur le Chicago Mercantile Exchange (CME), qui est réglementé par la Commodity Futures Trading Commission (CFTC), note Valeurs mobilières TD. La compensation du CME garantit que les contrats à terme sur Bitcoin soient compensés, qu’une marge appropriée est détenue et que les actifs requis soient livrés à l’acheteur.

« Les chambres de compensation ont servi de garde-fou aux investisseurs en contrats à terme avec succès pendant de nombreuses années, mais elles ne sont pas à toute épreuve. La récente déroute du pétrole brut qui a conduit les contrats à terme réglés en espèces à s’échanger dans le négatif donne une petite idée de ce qui pourrait mal tourner dans le pire des scénarios », fait valoir l’équipe d’analyste de Valeurs mobilières TD.

La compensation de bitcoins physiques s’effectue automatiquement via la chaîne de blocs au lieu d’un intermédiaire, les mineurs validant les transactions tout au long de la journée pour assurer le transfert des bitcoins aux acheteurs et des espèces au vendeur. « La blockchain est l’épine dorsale de la cryptographie et est restée relativement sûre et fiable pour la plupart des échanges institutionnels de bitcoins. Les deux options de compensation ont parfaitement fonctionné au Canada jusqu’à présent », lit-on dans le document la TD publié en août.

2) La garde de valeurs

Les contrats à terme sur bitcoins sont le plus souvent conservés par des dépositaires importants, expérimentés et réglementés qui gèrent une grande variété d’actifs. Ces dépositaires sont considérés comme très sûrs et subissent rarement des violations de quelque nature que ce soit. Les bitcoins, quant à eux, sont détenus par une variété de plateformes et place boursières de différentes tailles, avec différents niveaux de protection et souvent non réglementés du point de vue de la conservation, apprend-on dans le document de la TD.

« Dans la plupart des cas, les Bourses sont souvent le dépositaire des actifs détenus. C’est là que le bitcoin fait le plus souvent l’objet de manchettes négatives, car une violation du code ou la révélation des codes des portefeuilles permet d’accéder aux portefeuilles froids ou chauds qui assurent la garde de ces bitcoins physiques », observent les auteurs de la note.

Or, les FNB qui détiennent des bitcoins physiques ont fait plus d’efforts pour protéger les actifs de leurs investisseurs. Au Canada, Gemini est le sous-dépositaire de tous les FNB Bitcoin. Gemini est réglementé aux États-Unis, assure partiellement ses actifs, dispose de procédures sophistiquées pour protéger les codes des portefeuilles et est très expérimenté dans ce domaine, selon le document de la TD.

« Les deux options de garde ont bien fonctionné jusqu’à présent au Canada, mais la garde de cryptomonnaies est considérablement plus récente et moins testée. La garde serait notre plus grande préoccupation d’investisseur avec les FNB à détention physique », peut-on y lire.

3) Protection contre les manipulations

Les contrats à terme sur bitcoins se négocient sur des bourses réglementées, tandis que les bitcoins peuvent se négocier sur une variété de bourses, dont beaucoup ne sont pas réglementées, selon Valeurs mobilières TD. Les bourses de cryptomonnaies ont historiquement été en proie à la manipulation des prix, c’est pourquoi les FNB de bitcoins utilisent des indices sophistiqués pour atténuer ces risques. Les contrats à terme du CME utilisent également des indices sophistiqués pour leur prix de référence.

« Ces indices sont construits de telle sorte qu’ils atténuent les risques de manipulation sur une seule bourse à un moment donné. Les problèmes de manipulation des prix seraient similaires pour les contrats à terme et les bitcoins physiques et, à ce jour, ils ont suscité peu de préoccupations », apprend-on dans l’analyse de Valeurs mobilières TD.

4) Limites de prix

Le bitcoin n’a pas de limites de prix. Après tout, les cryptomonnaies ne s’échangent pas sur une bourse centralisée ou ne sont pas réglementées. Cela permet aux FNB à détention physique de toujours suivre l’évolution de l’actif sous-jacent, quelle que soit sa volatilité. En revanche, les contrats à terme sur bitcoin sont soumis à des limites de prix, principalement pour protéger les chambres de compensation et leurs membres contre les pertes financières dues à l’incapacité d’un participant à honorer ses engagements et pour promouvoir un marché ordonné, selon la note de la TD.

« Les limites de prix des contrats à terme représentent un véritable défi pour les mainteneurs de marché et les investisseurs, car elles peuvent entraîner l’arrêt de la création de FNB et/ou le découplage de la valeur du FNB avec celle de son actif sous-jacent. En période de détresse et de volatilité, les mainteneurs de marché sur les FNB basés sur les contrats à terme seront confrontés à un plus grand risque de détenir des stocks pendant de longues périodes de volatilité, ce qui se reflétera dans la liquidité et les écarts de prix sur le produit. La récente déroute des cryptoactifs a démontré ce scénario. Du point de vue de la tenue de marché (et des investisseurs), c’est l’un des plus grands pièges des FNB de bitcoin basé sur des contrats à terme », rapporte la note de Valeurs mobilières TD.

5) Courbe des contrats à terme

Les FNB de cryptomonnaies en détention physique ne sont pas touchés par la forme de la courbe des contrats à terme sur cette cryptomonnaie. L’un des inconvénients des FNB basés sur des contrats à terme est le risque de devoir reconduire les contrats à terme du mois précédent à l’échéance suivante pour maintenir l’exposition cible au bitcoin, tel que le mentionnait récemment Finance et Investissement.

On parle ici du risque de roulement. En effet, comme les obligations, ces contrats ont une échéance. Lorsqu’un négociateur détient un contrat à terme qui arrive à échéance durant le mois, il se départit généralement de son contrat et fait un roulement en se procurant un contrat d’échéance plus longue afin de maintenir son exposition cible. Cela se complique quand le prix à terme d’un contrat est plus élevé que le prix actuel. On parle alors d’un effet contango, ou « report », ce qui est assez commun dans l’univers des contrats à terme de marchandises (comme l’or ou l’argent) puisque celui qui vend le contrat à terme veut être rémunéré, pour le stockage notamment.

« Comme pour les autres produits basés sur des contrats à terme, cela crée un frein naturel pour le FNB si les contrats à terme restent en contango, ce qui peut entraîner une sous-performance importante », préviennent les analystes de Valeurs mobilières TD.

Cet effet négatif ou positif dépend de la forme de la courbe des contrats à terme sur Bitcoin et peut varier dans le temps. Les FNB basés physiquement seraient exposés au risque de roulement sur une journée ou quelques jours maximum, car de nombreux teneurs de marché utilisent les contrats à terme pour se couvrir, mais les FNB basés sur les contrats à terme sont exposés en permanence aux contrats à terme, étant donné leur mandat.

« Une courbe de contrats à terme constante en contango conduira les FNB basés sur des contrats à terme à sous-performer à long terme par rapport aux FNB basés sur des contrats physiques », lit-on dans la note de la TD.