Il faudra peut-être attendre des décennies pour savoir qui a raison, mais le fait que deux géants de la technologie soient si passionnés par l’IA veut dire une chose pour les investisseurs : ce marché va être énorme. Selon une recherche publiée par Statista, les revenus de l’IA au niveau mondial devraient bondir, de 2,4 milliards de dollars (G$US) en 2017 à près de 60 G$US d’ici 2025.

Qu’est-ce qui caractérise une action d’IA? En ce moment, l’IA est généralement une expression passe-partout que l’on utilise quand on parle d’automation, de robotique, d’avalanches de données et d’autres innovations liées à la technologie. De certaines façons, l’IA est tout cela, mais là où le marché est en croissance, c’est dans le domaine de l’IA plus avancée, dont une grande partie n’a pas encore vu le jour. On trouve entre autres dans cette catégorie les voitures sans conducteur, l’analyse prédictive, les robots faisant le travail de bureau, etc.

« Beaucoup de ces choses-là, comme les voitures sans conducteur, sont encore loin d’être une réalité », dit Abhinav Davuluri, analyste d’actions pour Morningstar.

Mais ces inventions inspirées par l’IA vont bel et bien arriver, et de nombreuses sociétés ont déjà recours à l’IA, la plupart d’entre elles dans les produits qui touchent le consommateur. La technologie à commande vocale, comme Alexa d’ Amazon (AMZN) ou Google Home d’ Alphabet (GOOG) sont de bons exemples de mises sur l’IA ces temps-ci. Facebook, Alphabet et Amazon, qui recueillent d’énormes quantités de données sur leurs utilisateurs, utilisent l’IA pour améliorer leurs recherches et leur interaction avec les clients.

« Il est encore très tôt et la plupart des applications sont destinées aux consommateurs, qui ne sont pas nécessairement monétisées au maximum, dit M. Davuluri. Beaucoup de sociétés songent encore à la meilleure manière de s’y mettre. »

À mesure que les sociétés réalisent à quel point il est intéressant de donner aux gens les choses qu’ils veulent avant qu’ils ne les veuillent, davantage de firmes vont acheter ou investir dans des outils d’IA.

« De façon générale, l’IA applique de la technologie, des algorithmes et des programmes aux problèmes existants et leur trouve de meilleures solutions », dit Walter Price, gestionnaire de portefeuille à Allianz Global Investors spécialisé dans le secteur technologique. « La programmer et la développer devient beaucoup plus facile, et les gens sont déterminés à l’utiliser pour résoudre de nouveaux problèmes. »

Peu de choix parmi les mises pures

Bien qu’investir dans les sociétés de l’IA semble aller de soi (il est difficile de trouver des gens qui ne pensent pas que l’IA est l’avenir), c’est aussi beaucoup plus compliqué qu’il n’y paraît. Il n’y a pas beaucoup de sociétés qui soient des mises pures, car la plupart des petites sociétés axées sur l’IA se font acheter par d’autres sociétés, ou elles se satisfont de l’argent de capital-risque qu’elles collectent et préfèrent rester privées.

Dans la plupart des cas, investir dans l’intelligence artificielle signifie posséder Amazon, Google, Facebook, IBM (IBM) et Intel (INTC) : des sociétés qui évoluent aussi dans beaucoup de secteurs extérieurs à l’IA. Pour la plupart d’entre elles, l’IA n’est qu’une petite partie de ce qu’elles font actuellement. Bien qu’Intel ne décompose pas ses chiffres, selon M. Davuluri, l’IA représenterait moins de 5 % du revenu de la société. Ce chiffre va augmenter ces prochaines années, pour Intel et d’autres.

« C’est un secteur qui devrait croître très vite » dit-il.

En comparaison, la société de semiconducteurs NVIDIA (NVDA), considérée comme une des mises les plus pures du secteur, a explosé ces dernières années. Le prix de l’action a monté en flèche depuis 2012 (1 500 %, contre 78 % pour l’indice S&P 500). Les revenus ont aussi grimpé de près de 125 % à 10 G$US sur cette même période lors de l’exercice 2017, alors que les bénéfices par action dilués ont augmenté de 270 %.

À croissance élevée, évaluations élevées

Un des autres problèmes que l’on rencontre en jouant sur la corde de l’IA est celui des évaluations. Au moment d’écrire ces lignes, NVIDIA a un ratio C/B de 56, alors que celui d’Amazon est de 249. Toutefois, comme pour bien des sociétés technologiques, il est difficile de les évaluer à partir des bénéfices courants seulement. Elles ont des évaluations astronomiques à cause de la promesse de leurs rendements futurs. Si l’IA finit bel et bien par changer la vie autant que beaucoup l’espèrent, payer un ratio C/B de 56 pour NVIDIA sera une bagatelle.

Pour les investisseurs, il ne s’agit peut-être pas de décider si on devrait miser sur la mode de l’IA ou non, mais quand. Toutes les révolutions technologiques passent par le même cycle : folie, dépression, puis adoption. Scott Burns, chef des solutions de gestion d’actifs à Morningstar, dit que nous en sommes probablement à la période de folie. À un stade ou à un autre, les sociétés commenceront à rater leurs cibles et le sentiment de l’investisseur va se retourner.

« Il y a une différence entre la croissance importante que l’IA nous réserve pour l’avenir et la qualité de placement qu’elle représente actuellement, dit-il. La croissance ne se fait jamais en ligne droite. »

M. Price pense aussi que les actions sont montées en épingle en ce moment et prend NVIDIA pour exemple. Il a pris une participation à la société il y a deux ans et pensait que le cours de l’action ne ferait que doubler. Depuis cet achat, il a connu un essor de plus de 500 %.

« Elle est devenue une des sociétés de semi-conducteurs les plus chères au monde, mais on en attend beaucoup à ce stade », dit-il.

Pour M. Davuluri, l’occasion est réelle, mais il préférerait que les investisseurs achètent à un moment de baisse de l’action plutôt que d’entrer dans le jeu dès maintenant. Ce n’est pas la peine d’attendre que NVIDIA chute jusqu’à 45 $US, mais peut-être convient-il d’attendre que l’action ait chuté de 15 %.

« Soyons patients, et quand il se produit une liquidation ou un mauvais trimestre ou qu’il y a une petite correction, voilà où se dessinent des occasions séduisantes », dit-il.

Faites vos jeux

Bien qu’il faille peut-être encore un peu de temps pour que le marché pique du nez, les investisseurs intéressés par l’IA devraient commencer à se décider sur les secteurs à choisir. L’IA est présente dans deux sous-secteurs principaux : les semi-conducteurs et tout le reste. Les sociétés de semi-conducteurs, comme Intel et NVIDIA, créent les puces utilisées pour mettre cette technologie en action.

Les autres acteurs, comme Google, Amazon, IBM et Facebook, sont engagés dans plusieurs initiatives d’IA, mais comme nous l’avons vu, il y a bien d’autres choses qui les occupent. La clé, c’est de savoir lesquelles bénéficieront le plus de l’IA, que ce soit pour faire progresser leurs propres opérations ou pour élaborer des produits qu’ils pourraient vendre à d’autres.

« Les groupes les plus compétents dans l’IA sont les Google, Amazon, Microsoft (MSFT) et compagnie, dit M. Price, mais il faut voir les données fondamentales dans ce secteur et ce que l’IA y jouterait. »

Alphabet et Amazon sont toutes deux intéressantes, ajoute M. Daviluri. Alphabet a l’air d’être la plus branchée des deux, avec plusieurs produits liés à l’IA à l’étude. Amazon pourrait bénéficier de l’IA d’autres manières. Par exemple, sa division Amazon Web Services qui vient de démarrer et qui est la seule partie profitable de la société représente pour beaucoup de compagnies l’endroit de stockage de prédilection sur le nuage. Plus elle a de données stockées sur ses serveurs (et l’IA a besoin d’énormément de données pour fonctionner), plus ce segment des affaires d’Amazon va se développer.

Du côté des puces, Intel présentera une occasion sitôt que l’action aura un peu baissé, dit M. Davuluri. Il aime bien certaines acquisitions de la société liées à l’IA; Intel a acheté la société d’apprentissage profond Nervana en août 2016 pour environ 400 M$US, par exemple, et pense que la société devrait avoir pas mal changé dans cinq ou 10 ans alors que l’IA deviendra une partie plus grande de son activité commerciale.

Qualcomm (QCOM), elle aussi, a un avenir intéressant, dit M. Davuluri. Elle est très engagée dans la téléphonie intelligente, et si elle a eu de mauvais résultats, c’est en raison de sa bataille juridique avec Apple (AAPL), mais elle va probablement commencer à mettre au point des puces davantage destinées à l’IA.

« Ce n’est pas une mise pure, mais c’est un nom qu’il faut garder à l’esprit », dit-il. Il se négocie en ce moment même dans la fourchette des quatre étoiles, ce qui suggère que ses actions sont sous-évaluées. »

Les investisseurs qui cherchent à posséder un panier de titres d’IA pourraient se tourner vers le FNB Global X Robotics & Artificial Intelligence (BOTZ), en augmentation de plus de 50 % depuis le début de l’année. Le portefeuille comprend NVIDIA, la société japonaise de capteurs Keyence, et Intuitive Surgical (ISRG), une compagnie de robotique dans le secteur des soins de la santé. Les analystes de Morningstar ne couvrent pas ce produit, qui n’est pas coté.

Les investisseurs à l’âme un peu plus aventureuse qui veulent bénéficier de l’IA d’une façon différente pourraient considérer le FNB Horizons Actif IA actions mondiales (MIND), un produit lancé plus tôt dans la semaine qui est entièrement géré par un système d’intelligence artificielle évolutive. La société promotrice de ce FNB, Horizons ETFs Management (Canada), le décrit comme le premier de ce type dans le monde.

Quoi qu’il en soit, le message pour les investisseurs est le suivant : faites vos jeux, attendez la plupart du temps un repli boursier pour y aller, et regardez les rendements s’accumuler.

« Nous n’en sommes pas encore au stade de la déception, mais ça va peut-être venir sous peu, dit M. Price. Mais dans ce cas, on pourra gagner plus d’argent au stade de la réalité.