La divergence des politiques monétaires est une conséquence naturelle du recul important des prix des ressources, et il faut s’y attendre, a déclaré le gouverneur de la Banque du Canada, Stephen S. Poloz, lors d’une allocution prononcée jeudi à l’hôtel de ville d’Ottawa.
La chute des prix des ressources a entraîné une baisse marquée des termes de l’échange des pays producteurs de ressources comme le Canada, a expliqué le gouverneur. Ce choc inverse les tendances observées au pays ces dix dernières années, et les décideurs devraient favoriser les ajustements économiques nécessaires, a-t-il ajouté.
Même si certaines mesures peuvent adoucir l’impact de la chute des prix du pétrole, il n’y a pas une mesure simple à prendre pour corriger le problème, a mentionné le gouverneur Poloz, qui a abaissé le taux directeur de la banque centrale deux fois au cours des 12 derniers mois pour tempérer l’effet de la baisse du prix du pétrole.
« Le processus d’ajustement économique peut être difficile et douloureux pour les individus, et il y a des politiques qui peuvent adoucir ces impacts. Mais au bout du compte, l’ajustement économique doit se faire », a-t-il expliqué.
Jeudi, il a souligné le fait que le dollar canadien a dégringolé en même temps que le prix du pétrole, retrouvant sa valeur d’il y a une décennie.
Tout comme en 2002, a-t-il fait remarquer, les changements économiques complexes ont également mené à une augmentation des dépenses de consommation et une baisse de l’emploi et de l’investissement dans les secteurs des ressources naturelles. Les autres secteurs, cependant, ont vu une augmentation de l’emploi et de l’investissement.
Mercredi, le dollar canadien a clôturé à 71,02 cents U.S., son plus bas taux depuis 2003. Le prix du pétrole, lui, avait plongé à moins de 34 $ US le baril, son plus bas prix depuis 2008. Stephen S. Poloz a rappelé qu’en 2002, le baril était à 25 $ US.
« Ce n’est pas une coïncidence si le dollar canadien est au même niveau qu’en 2003 et 2004 – le prix du pétrole est aussi au même niveau qu’à cette époque », a souligné le gouverneur Poloz qui n’a pas manqué de vanter les avantages d’un dollar canadien bas.
Politique monétaire indépendante
Selon Stephen S. Poloz, le relèvement du taux directeur effectué le mois dernier par la Réserve fédérale américaine se révèle d’ailleurs la première étape d’un long processus vers la normalisation de la politique monétaire aux États-Unis, et bien que cela aura des implications pour le Canada et ses marchés financiers, la Banque du Canada est bien outillée pour réagir.
« Elle dispose d’un certain nombre d’outils – traditionnels et non traditionnels – pour atténuer les risques entourant sa cible d’inflation et le système financier canadien, s’ils venaient à se matérialiser », a affirmé le gouverneur de la Banque du Canada.
« C’est précisément la raison pour laquelle les pays choisissent de se doter de taux de change flexibles », selon lui.
La dépréciation de la monnaie agit par le truchement de trois canaux. Premièrement, elle compense en partie la chute des prix des produits de base. Deuxièmement, elle aide à favoriser la croissance des secteurs hors ressources grâce au raffermissement des exportations. Troisièmement, et cela est moins souhaitable, elle fait subir les effets de la perte de revenu à l’économie dans son ensemble, a-t-il fait valoir.
Néanmoins, « un taux de change flexible n’est pas une panacée en matière de politiques », a affirmé le gouverneur Poloz. D’autres politiques peuvent aussi servir d’amortisseurs « tout en encourageant les ajustements à long terme qui s’imposent, y compris l’adoption de politiques budgétaires et la prise de mesures destinées à rendre les marchés du travail plus souples ».
« Nous avons déjà vécu cette situation, a conclu le gouverneur. La Banque du Canada continuera à mener une politique monétaire indépendante, ancrée par sa cible d’inflation, et elle se servira des outils à sa disposition pour gérer les risques qui se présenteront. »
Photo Bloomberg
Avec la Presse Canadienne