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La Banque du Canada devrait annoncer mercredi une nouvelle hausse de son taux directeur.

L’annonce très attendue sera suivie d’un discours de la première sous-gouverneure de la banque centrale, Carolyn Rogers.

En juillet, la Banque du Canada a relevé son taux directeur d’un point de pourcentage, à 2,50 %, sa plus forte augmentation unique depuis août 1998. Plusieurs analystes financiers prévoient qu’elle relèvera à nouveau son taux mercredi, possiblement de 0,75, afin de lutter contre l’inflation qui se situe à son plus haut niveau depuis des décennies.

Le taux d’inflation s’est établi à 7,6 % en juillet après avoir été de 8,1 % en juin. Malgré ce léger ralentissement, le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, a affirmé dans un texte d’opinion publié le 16 août dernier que l’inflation restait une préoccupation majeure et qu’il était déterminé à ramener le taux à 2 %.

En attendant, la banque centrale espère qu’en augmentant le coût de la dette, les dépenses dans l’économie ralentiront et que l’inflation diminuera.

Karyne Charbonneau, directrice générale des études économiques de la Banque CIBC, croit que la hausse du taux directeur, mercredi, pourrait être la dernière avant un moment. À son avis, d’ici le mois prochain, la situation économique du Canada pourrait être suffisamment confortable pour que la banque fasse une pause.

Les experts l’attendent

L’inflation semble avoir atteint un sommet au pays, mais elle reste très élevée et une nouvelle hausse importante des taux d’intérêt de la Banque du Canada mercredi est largement attendue.

Cependant, certains économistes croient que cette hausse pourrait être la dernière avant un moment.

« Nous croyons que d’ici octobre, nous serons peut-être dans une position suffisamment confortable pour que la banque puisse faire une pause et examiner comment l’économie réagit », a estimé Karyne Charbonneau, directrice générale des études économiques de la Banque CIBC.

La décision de septembre sur le taux directeur de la banque centrale survient à un moment crucial pour l’économie canadienne.

« L’inflation a baissé un peu au Canada, mais elle demeure beaucoup trop élevée, a écrit Tiff Macklem. Nous savons que nous avons encore du pain sur la planche. Nous n’abandonnerons pas avant d’avoir ramené l’inflation à la cible de 2 %. »

Certaines des grandes banques canadiennes prévoient que la banque centrale augmentera le taux d’intérêt directeur de trois quarts de point de pourcentage, mercredi, pour le porter à 3,25 %.

Dans un discours très suivi il y a quelques jours, le président de la Réserve fédérale américaine, Jerome Powell, a livré un message clair sur son propre cycle de hausse des taux, affirmant que la Fed imposerait probablement des hausses de taux d’intérêt plus importantes dans les mois à venir. Son message avertissant que la banque centrale américaine restera dynamique dans le dossier des taux d’intérêt a amené certains observateurs à se demander si la hausse de la Banque du Canada pourrait s’élever à un point de pourcentage complet le 7 septembre.

L’impact sur des ménages endettés

La banque a relevé son taux directeur en juillet d’un point de pourcentage complet, sa plus forte augmentation unique depuis août 1998, poursuivant une série de hausses entamée en mars. Il avait passé les deux années précédentes à 0,25 %, le niveau auquel la banque l’avait abaissé au début de la pandémie.

Des taux d’intérêt plus élevés font grimper le coût des prêts dans l’ensemble de l’économie, pour les Canadiens et les entreprises. La banque centrale espère qu’en augmentant le coût de la dette, les dépenses dans l’économie ralentiront et l’inflation diminuera.

Cependant, l’économiste David Macdonald, du Centre canadien de politiques alternatives, prévient que la cadence rapide des hausses pourrait avoir de graves répercussions en raison du niveau élevé d’endettement des entreprises et des ménages dans l’économie.

Dans sa dernière analyse, David Macdonald a souligné que la dette du secteur privé s’élevait à 225 % du produit intérieur brut du pays. En comparaison, la dernière fois que la banque a relevé ses taux d’intérêt aussi rapidement remonte à 1995, lorsque la dette du secteur privé s’élevait à 142 % du PIB.

Ce niveau d’endettement plus élevé, dit-il, rendra plus difficile la réalisation de l’« atterrissage en douceur » souhaité par la banque, où les hausses de taux d’intérêt font baisser l’inflation sans déclencher de récession.

« Ce que je voulais vraiment faire ressortir dans cette analyse, c’est le fait que la dette du secteur privé est beaucoup plus élevée aujourd’hui qu’elle ne l’était dans les années 1980 (et) les années 1990 et les périodes précédentes où nous avons vu ce genre d’augmentation rapide des taux, a expliqué David Macdonald. Et cela est important, bien sûr, parce que ce n’est pas seulement le taux d’intérêt qui compte, le taux d’intérêt est facturé sur quelque chose. Il est facturé sur la dette du secteur privé. »

Des solutions de la part du gouvernement?

David Macdonald a appelé à des solutions alternatives pour calmer l’inflation, qui proviendraient du gouvernement fédéral plutôt que la politique de la banque centrale.

Certaines de ses recommandations incluent la modification des règles de souscription de prêts hypothécaires pour les investisseurs, afin de refroidir les prix des logements, et l’extension du nouvel impôt sur les bénéfices excédentaires des sociétés au-delà des institutions financières.

Cependant, Christopher Ragan, de l’École de politique publique Max Bell de l’Université McGill, a fait valoir que la banque centrale était la mieux placée pour assumer la responsabilité de maintenir des taux d’intérêt bas.

« Il y a de très, très bonnes raisons pour lesquelles nous avons une banque centrale indépendante sur le plan opérationnel, qui essaie de cibler l’inflation, plutôt que les gouvernements, car les gouvernements dans le passé ont fait un très mauvais travail à cet égard », a-t-il souligné.

Christopher Ragan a affirmé que l’indépendance de la Banque du Canada lui permettait d’agir avec force face à l’inflation, alors que toute intervention gouvernementale serait hautement politique. Néanmoins, l’expert admet que faire baisser l’inflation avec des hausses de taux d’intérêt est douloureux.

« C’est en fait pourquoi il est si important de ne jamais laisser l’inflation grimper en flèche, a affirmé Christopher Ragan. Parce que ce n’est pas seulement qu’une inflation élevée est mauvaise, c’est que réduire une inflation élevée pour en faire une faible inflation fait très mal. »