Et ce n’est pas plus compliqué que de signer un document avant de l’avoir rempli, plutôt qu’après.

«Avec la pratique courante qui est de signer un document après l’avoir rempli, les « dommages » ont déjà été faits», estiment les experts derrière l’étude Signing at the beginning makes ethics salient and decreases dishonest self-reports in comparison to signing at the end.

Pour ces chercheurs*, pas de doute possible. «[…] tout de suite après avoir menti, les gens utilisent rapidement des stratagèmes mentaux afin de justifier leurs gestes.»

Pour contrer cet effet, les experts proposent «un changement subtil quant à l’emplacement de la signature [sur un formulaire], qui aurait un effet notable sur l’honnêteté.» Même une indication aussi simple à l’effet que votre parole est en cause «aurait un effet considérable sur le comportement», affirment-ils.

La recherche

Pour en arriver à cette conclusion, l’équipe s’est attelée à réaliser deux expériences.

D’abord, les chercheurs ont convié trois groupes de cobayes en leur promettant deux choses. Un, ils étaient rémunérés pour répondre à des questions d’habiletés mathématiques. Deux, ils recevaient une compensation pour leurs frais de déplacement. Enfin, les trois groupes devaient remplir une déclaration sur l’honneur afin de facturer leurs frais. Un groupe (A) signait avant de remplir le formulaire, le B, après l’avoir rempli, et le groupe C, ne signait tout simplement pas.

Conclusion, au moment de facturer, 37% du groupe A avait triché, contre 79% du groupe B, et 64% du groupe C.

Ensuite, un autre test, à grande échelle cette fois, a été conduit.

Les chercheurs ont étudié des soumissions d’assurances auto pour lesquels les individus devaient indiquer le chemin parcouru. Plus les conducteurs effectuaient de longues distances, plus les primes augmentaient. Un groupe signait la soumission avant, l’autre, après l’avoir rempli.

Encore là, les individus qui devaient signer après, parcouraient, étrangement, des distances 10% plus longues que ceux qui signaient avant. Une différence de prime d’environ 97$ US.

Une méthode universelle

Un truc ultrasimple qui aurait un effet majeur afin d’assurer la décroissance du nombre de déclarations frauduleuses. « Ça s’applique à tous les contrats », soutient la professeure Nina Mažar, de l’Université de Toronto, qui a participé à la recherche. « Je ne comprends vraiment pas pourquoi les contrats ne sont pas bâtis de cette façon », s’étonne-t-elle. «Mais bon, les recherches académiques ne sont pas largement diffusées. C’est peut-être pour ça».

L’équivalent de prêter serment en cour

Les conclusions de cette recherche ont été reprises par le Cabinet Office du Royaume-Uni, soit à peu près l’équivalent du bureau du Conseil privé au Canada. Selon l’équipe britannique : «la majorité des gens sont honnêtes la plupart du temps. […] Et parce que les individus ont le désir inhérent de respecter leurs valeurs, il est possible d’encourager l’honnêteté en rappelant aux gens leur désir d’être honnête […]»

Et pour leur rappeler, rien de mieux qu’une signature, qui ne serait ni plus ni moins l’équivalent que de prêter serment dans une cour de justice, signale le rapport : «signer au début d’un document, c’est l’équivalent de prêter serment en cour. «Vous jurez de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité ?» Alors que la majorité des formulaires gouvernementaux requiert une signature à la fin, déplacer celle-ci en haut de page pourrait être une façon simple et peu coûteuse de réduire la fraude.»

Une solution viable à long terme?

«Je ne suis pas convaincu qu’un changement d’emplacement de signature aurait un effet à long terme», croit Luc Marcil, premier directeur principal, juricomptabilité et enquête chez Raymond Chabot Grant Thornton. «La répression, c’est une chose. Mais fondamentalement, si le système est injuste, et que les salariés sont clairement désavantagés, peut-être que c’est ça qui alimente la fraude.»

*Lisa L. Shu (de la Kellogg School of Management de la Northwestern University), Nina Mažar (de la Rotman School of Management de l’Université de Toronto), Francesca Gino et Max H. Bazerman (de la Harvard Business School), Dan Ariely (de Duke University), et Daniel Kahneman (de Princeton)