Donald Trump sur une scène devant le drapeau américain.
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Le plaidoyer sur la diversification des marchés n’est pas nouveau, mais les menaces de l’administration Trump semblent avoir été la bougie d’allumage qui a incité plusieurs entrepreneurs québécois à sonder les occasions d’affaires ailleurs qu’aux États-Unis.

C’est du moins ce qu’a constaté le président d’Investissement Québec International, Hubert Bolduc.

« Ça fait longtemps qu’on bûche pour être capable d’encourager les entreprises à regarder d’autres marchés, a raconté le dirigeant en entrevue en marge du dévoilement des résultats d’Investissement Québec International, lundi. La roue commence à tourner. Puis ça, je pense que ça va être intéressant dans les prochaines années de voir l’évolution de ça. »

Le bras financier du gouvernement québécois a accompagné 4 405 entreprises dans leurs démarches d’exportation au cours de l’exercice 2024-2025, qui se terminait le 31 mars dernier. Ce chiffre se compare à 4055 accompagnements l’an dernier.

Au cours des derniers mois, l’intérêt des entrepreneurs pour les marchés autres que les États-Unis a considérablement augmenté, selon Marie-Eve Jean, vice-présidente des exportations chez Investissement Québec. « Il y a une tendance qu’on veut certainement continuer de maintenir. »

Notre imposant voisin du sud demeure tout de même un incontournable, malgré les tensions commerciales. Cette année encore, plus de la moitié (59 %) des ventes effectuées par les entreprises soutenues par Investissement Québec ont été réalisées auprès des consommateurs américains, ce qui démontre l’importance de ce marché.

Il faut un certain temps avant que les démarches des entrepreneurs se traduisent en ventes, a nuancé Marie-Eve Jean. « Quand on est en exportation, les résultats ne sont pas immédiats. Évidemment, ça prend du temps, 12, 18, 24 mois. »

Il serait illusoire de croire que nos entreprises vont complètement se sevrer du marché américain, selon Hubert Bolduc.

« On ne peut pas pendant des décennies concentrer nos efforts sur un marché qui est, somme toute, relativement similaire au marché québécois, puis du jour au lendemain espérer avoir une substitution équivalente de ventes fermes sur les marchés européens qui sont plus complexes, qui sont difficiles, qui nécessitent plus de temps (à percer) », a prévenu Hubert Bolduc.

Les résultats d’Investissement Québec International démontrent également l’effet des menaces du président américain, Donald Trump, sur les activités des entrepreneurs québécois.

Les ventes fermes des entreprises accompagnées ont atteint 4,3 milliards de dollars (G$) au cours de l’exercice 2024-2025, en baisse par rapport aux 5,1 G$ l’an dernier. « Il y a quand même eu une incertitude qui s’est installée par les derniers mois de l’année 2024 dans le premier trimestre de 2025 », a reconnu Marie-Eve Jean.

Au-delà de la filière batterie

L’institution a aussi enregistré une baisse de la valeur des investissements étrangers qu’elle attire dans la province. Ses activités de prospections et d’accompagnement ont permis d’attirer 82 projets pour un montant de 6,45 G$, comparativement à 13,1 G$ à la même période l’an dernier.

Cette forte baisse de la valeur des investissements n’a toutefois pas de liens avec l’incertitude économique, a précisé le vice-président des investissements directs étrangers, Daniel Silverman.

Les projets annoncés de la filière batterie, dont l’issue de quelques-uns demeure incertaine, avaient gonflé les résultats de l’exercice 2023-2024. En 2022-2023, la valeur des projets soutenus s’élevait à 6 milliards de dollars, soit un montant similaire à celui de l’année précédente.

Investissement Québec adopte en ce moment une approche plus ciblée pour les projets qu’elle tente d’attirer. « Ce n’est pas le volume, c’est la qualité des projets pour compléter les chaînes de valeur, puis compléter les écosystèmes qu’on cherche à l’instant, a expliqué Daniel Silverman. Alors c’est plus stratégique, c’est plus ciblé, c’est plus chirurgical. »

En février, le PDG de Montréal International, Stéphane Paquet, avait constaté que l’incertitude entourant les actions de Donald Trump avait donné « un coup de froid » aux intentions d’investissements dans la grande région de Montréal, lors d’un dévoilement des résultats de l’organisme sans but lucratif.

La situation se serait quelque peu réchauffée, si l’on se fie aux commentaires de Hubert Bolduc.

La proximité du marché américain, accessible grâce aux accords de libre-échange, a longtemps été un argument pour attirer les entreprises étrangères au Canada. Avec les tensions commerciales entre les États-Unis et le Canada, des observateurs se sont inquiétés de voir les sociétés internationales choisir les États-Unis en plus grand nombre.

D’un autre côté, l’attitude belliqueuse de Donald Trump semble avoir ébranlé la confiance des partenaires commerciaux envers les États-Unis. « Je dirais que les deux se sont un peu annulés quand on compare l’attractivité du Québec par rapport aux États-Unis », a avancé Hubert Bolduc.

« Ce n’est pas scientifique mon affaire, a-t-il nuancé, mais à entendre, les commentaires des entrepreneurs, des entreprises avec qui on parle, c’était pas mal ça qui se dégage. »