Les gestionnaires insistent sur des bilans solides pour leurs avoirs énergétiques.

Table ronde sur les actions à revenu : première partie

Table ronde sur les actions à revenu : deuxième partie

Question : Parlez-nous du secteur canadien malmené de l’énergie.

Peter Frost, vice-président principal et gestionnaire de portefeuille chez Placements AGF: Le marché boursier canadien traite les compagnies différemment selon la solidité de leur bilan. Un bon exemple en est la compagnie énergétique intégrée Suncor Énergie, qui s’est relativement bien défendue dans cette conjoncture difficile.

Q : Comment vos portefeuilles sont-ils positionnés dans ce secteur?

Michèle Robitaille, directrice générale et spécialiste des mandats d’actions à revenu chez Guardian Capital LP : Le Fonds BMO de revenu mensuel élevé investit un peu plus de 20 % dans l’énergie. La moitié de cette pondération consiste en une participation aux sociétés de production, et l’autre moitié aux sociétés d’infrastructure et d’oléoducs. Nous avons ajouté un peu à notre participation aux infrastructures énergétiques vers la fin de 2015, car certains de ces avoirs ont été survendus à la suite de la liquidation des actions des sociétés d’infrastructure énergétique. À ce stade-là, nous avons ajouté Enbridge et Pembina Pipeline.

PF : Je détiens Pembina dans le Fonds de revenu mensuel élevé AGF.

Jason Gibbs, vice-président et gestionnaire de portefeuille chez Gestion d’actifs 1832 : Le Fonds Scotia de dividendes canadiens détient une participation à Pembina, Enbridge et TransCanada Corp.

Q : Michèle, les producteurs?

MR : Nous avons une participation importante à ARC Resources, Cenovus Energy, Crescent Point Energy Corp. et Vermilion Energy. Compte tenu de la faiblesse du prix des marchandises et de l’incertitude quant à combien de temps cette situation va durer, nous nous concentrons sur les survivants probables. Tout dépend de la solidité des bilans et des compagnies qui sont entrées dans ce marché baissier en étant bien armées pour y résister ou qui ont depuis lors pris des mesures pour se défendre. Par exemple, Cenovus a émis des actions et vendu des terrains. ARC est l’un des rares producteurs d’énergie qui n’ont pas encore eu à rajuster leur dividende. Son équipe de direction est prudente et elle participe à la formation de Montney (en Colombie-Britannique et en Alberta), qui sont parmi les meilleurs avoirs fonciers dans ce secteur.

Q : Jason?

JG : Je suis prudent dans ce secteur. J’ai réduit la participation du portefeuille à l’énergie l’année dernière. Le Fonds Scotia de dividendes canadiens a une pondération de 11 % dans ce secteur. Il a une participation de 5 % dans les producteurs énergétiques et de 6 % dans les compagnies d’infrastructure. Il est difficile de prédire le prix du pétrole. Comme le disaient Peter et Michèle, il faut se concentrer sur les compagnies qui ont le meilleur bilan et qui peuvent survivre dans une conjoncture de faiblesse du cours des marchandises. J’ai réduit la participation du portefeuille à l’énergie l’année dernière. Parmi ces producteurs, j’investis dans Suncor, Canadian Natural Resources et Vermilion.

La faiblesse du cours des marchandises a clairement eu un impact sur les sociétés d’infrastructure énergétique. Elles continueront d’afficher une bonne croissance au cours des prochaines années à mesure qu’elles boucleront leurs commandes, mais leur croissance sera limitée après 2020. Cela dit, les ratios de ces actions ont énormément baissé au cours des derniers mois. Les primes de croissance des sociétés d’infrastructures se sont perdues dans leurs évaluations. À la dernière clôture, le rendement en dividendes de TransCanada était de 4,6 %, et de 4,7 % pour Enbridge. Les dividendes sont attrayants.

PF : Cela donne à penser que les dividendes et les flux de trésorerie sont viables. Parmi les producteurs de pétrole, je pense que les compagnies de grande capitalisation de qualité supérieure qui versent des dividendes essaieront de protéger leurs dividendes et de réduire leurs dépenses en capital. Je ne pense pas que le pétrole va rester à 30 $US le baril à long terme. Il y aura beaucoup de réductions des dépenses en capital dans le monde.

Q : Les compagnies de services énergétiques?

MR : Nous investissions dans Mullen Group. Nous avons vendu l’action au quatrième trimestre de 2015. Nous avions peur que Mullen réduise son dividende. La compagnie a annoncé une baisse de son dividende à la mi-décembre, après que nous avons vendu l’action.

JG : Les compagnies de services sont un peu trop cycliques pour moi.

PF : J’investis dans ces compagnies. Un des avoirs concernés, par exemple, est la société américaine Schlumberger, l’une des plus grandes compagnies de services pétroliers au monde. J’investis aussi dans ShawCor, qui fournit des revêtements d’oléoducs et qui est en train d’élargir ses services d’oléoducs. C’est une compagnie mondiale. J’y investis depuis pratiquement le début de ma carrière. Ses dividendes se sont accrus au fil du temps.

Le secteur de l’énergie représente quelque 18 % du Fonds de revenu traditionnel AGF et du Fonds de revenu mensuel élevé. Au niveau de l’infrastructure, mes plus gros avoirs sont Keyera Corp. et AltaGas. Ils sont présents dans les deux fonds équilibrés. Ils ont affiché une croissance solide de leurs dividendes.

PF : Keyera a une équipe de direction solide. La compagnie récolte le bénéfice d’initiatives visant à stimuler la croissance, et elle a augmenté ses dividendes à deux reprises en 2015. AltaGas est une société hybride de services publics, d’énergie et de traitement du gaz naturel. Ses actifs me plaisent.

Parmi les producteurs, les grandes capitalisations dans lesquelles j’investis au titre du Fonds de revenu traditionnel sont Suncor et CNQ. Dans le Fonds de revenu mensuel élevé, dans lequel je recherche un meilleur rendement, je privilégie les compagnies qui ont un bilan solide et un faible coût du pétrole léger. J’investis dans Vermilion, Bonterra Energy et Whitecap Resources.

Q : Les services publics?

JG : Il est toujours bon d’investir dans ce secteur à long terme, car il joue la défensive. Ce sont des entreprises simples qui ont des rendements en dividendes et une croissance des dividendes supérieurs à la moyenne. C’est une bonne période pour la construction et la reconstruction des infrastructures, et ces compagnies en profitent. Un nouvel avoir du portefeuille du Fonds Scotia de dividendes canadiens est Hydro One. J’ai participé à l’offre publique d’achat de novembre 2015 à 20,50 $ par action. C’est un chef de file des services publics en Ontario, qui a près de 14 millions d’habitants. La compagnie a des marges de profit élevées. L’action affiche un rendement en dividendes d’environ 4 %. Parmi les avoirs des services publics en portefeuille, j’investis aussi dans Fortis et Brookfield Infrastructure Partners L.P.

MR : Nous continuons d’investir dans Brookfield Renewable Energy Partners et Northland Power. Nous avons vendu notre participation à Emera. Nous pensions que l’action devenait un peu trop chère.

PF : J’investis dans Fortis, Brookfield Infrastructure et un peu dans Canadian Utilities.

Q : Les télécommunications?

JG : Les télécommunications sont des placements assez sûrs, particulièrement dans cette conjoncture. Il y a trois compagnies, TELUS Corp., BCE et Rogers Communications, qui contrôlent 90 % du marché canadien. Il y a des barrières à l’entrée élevées dans ce marché, et les sociétés ont un pouvoir de fixation des prix.

PF : Je pense que 2016 sera une bonne année pour les actions canadiennes des télécommunications. Leurs évaluations se sont beaucoup contractées à la suite de l’annonce faite en décembre par Shaw communications de son offre d’achat de WIND Mobile pour un montant de 1,6 milliard de dollars (G$).

JG : Si cette transaction a lieu, ce ne sera pas aussi important pour l’industrie que l’indiquait la chute du cours des actions en question. La capitalisation boursière totale des trois grandes compagnies est d’environ 100 G$. Il faudra aussi à Shaw/Wind quelques années pour bâtir une infrastructure qui soit à la hauteur de celle de la concurrence.

Q : Par ailleurs, Corus Entertainment Inc. a récemment annoncé qu’elle rachèterait Shaw Media, qui détient Global Television et plusieurs chaînes spécialisées, à Shaw Communications pour un montant de 2,7 G$.

JG : Cela aidera Shaw Communications à financer l’acquisition de WIND. Cela rend aussi les deux compagnies plus spécialisées dans leur domaine, Shaw Communications se concentrant sur les services par câble et sans fil et Corus sur le contenu.

Q : Quels sont vos avoirs principaux dans le secteur des services de télécommunications canadien?

PF : J’investis dans BCE. Je l’ai ajoutée il y a environ six mois dans les deux fonds équilibrés AGF. À l’époque où nous l’avons achetée, nous pensions que ses évaluations par rapport aux autres actions des télécommunications étaient plutôt bonnes. Nous avons assisté à la stabilisation de ses activités de lignes fixes. J’investis dans Shaw Communications, qui est considérée comme appartenant au secteur de la consommation discrétionnaire.

JG : On ne peut pas vraiment qualifier les grandes compagnies de télécommunications canadiennes d’actions axées sur la valeur, mais elles sont devenues plus raisonnables après l’annonce de Shaw. Le Fonds Scotia de dividendes canadiens investit dans Telus, Rogers et BCE. Telus a la plus grande pondération. Nous avons légèrement élagué les actions l’année dernière avant l’annonce de Shaw car leurs évaluations étaient parfois exagérées.

MR : Nous détenons Shaw Communications et Telus, qui sont nos plus gros avoirs des télécommunications. Dans l’ensemble, les télécommunications sont une source solide et constante de dividendes et affichent une bonne croissance de ces derniers. Même si cette croissance venait à ralentir dans les prochaines années, ces actions continueraient d’être un secteur défensif du marché.