Au 26 mars, le ratio cours/valeur comptable (C/VC) de l’action canadienne médiane n’a augmenté que très peu, de 1,25 trois mois plus tôt à 1,3. C’est toujours bon marché, puisqu’au cours des 30 dernières années, cette mesure s’est très rarement située au-dessous de 1,4. Même au cours de la récession de 1991, l’une des plus graves au Canada depuis des décennies, le multiple cours/valeur comptable du marché a été de 1,07 fois à son minimum.

Le faible ratio C/VC de l’ensemble du marché est principalement dû à la chute spectaculaire du prix du pétrole, qui a provoqué la dégringolade des actions énergétiques. Si l’on exclut le secteur de l’énergie, le ratio C/VC médian des autres 580 plus grandes actions au Canada est de 1,45, ce qui est historiquement proche du minimum normal de l’évaluation des actions canadiennes. Cela représente clairement une valeur exceptionnelle pour les investisseurs dans la plupart des actions canadiennes.

Quant à ce que les investisseurs en retirent, le rendement des capitaux propres (RCP) médian des actions canadiennes, après déduction du rendement des bons du Trésor, est légèrement plus élevé que 4 %, ce qui est également normal d’un point de vue historique. Si les estimations de bénéfices effectuées par les analystes d’actions pour 2015 se réalisent et que les rendements des bons du Trésor restent constants, cette valeur s’élèvera à 4,6 %, ce qui est parfaitement raisonnable. Mais il ne faut pas oublier qu’une hausse inattendue des taux des bons du Trésor nuirait aux actions en entraînant une baisse du RCP net.

La croissance des bénéfices, qui alimente le RCP, est source de préoccupation. La croissance moyenne des bénéfices d’une année sur l’autre pour les actions canadiennes se situe actuellement à un taux très respectable de 4,5 %. Toutefois, si les estimations des bénéfices effectuées par les analystes pour le trimestre actuel se réalisent, leur croissance augmentera d’un dérisoire 0,2 %. Par conséquent, il est inquiétant de voir que la croissance du RCP au niveau du marché risque de se détériorer au cours des trimestres à venir si la croissance des bénéfices devient négative. On peut toutefois présumer que les évaluations actuelles du marché incorporent en partie le ralentissement, et peut-être même la réduction, de la croissance des bénéfices cette année.

Ce qui complique encore les choses, c’est que les estimations des bénéfices diminuent si rapidement que la croissance des bénéfices annoncée d’une année sur l’autre pourrait être négative d’ici la mi-mai. La révision des estimations des bénéfices moyens sur trois mois a chuté de -9 % en décembre (ce qui était déjà mauvais) à -21 %. Pour bien situer cette tendance catastrophique, il n’y a eu que trois moments au cours des 30 dernières années où les révisions des estimations trimestrielles ont été pires : la récession de 1991, la période qui a suivi les attaques terroristes du 11 septembre aux États-Unis en 2011, et la crise financière de 2008-2009.

Là où la sévère détérioration actuelle des révisions des bénéfices est la plus évidente, c’est dans le secteur pétrolier et gazier. Aux dernières nouvelles, la moyenne des révisions des estimations pour le secteur est de -56,7 %! Si l’on exclut l’impact des révisions négatives des analystes dans le secteur de l’énergie, la révision des estimations moyenne des 580 plus grandes compagnies canadiennes est de -5,5 %. C’est seulement légèrement pire que la fourchette « normale » de 3 % à -5 %. (Les analystes sont presque toujours trop optimistes initialement, puis finissent par être obligés de réduire leurs estimations.)

Pour l’ensemble du marché canadien, il paraît improbable que des gains importants soient dégagés à court terme, même si les médiocres mesures des bénéfices ont déjà été largement prises en compte par les investisseurs. Il va probablement falloir plusieurs mois, voire plusieurs trimestres, pour que les bénéfices et les estimations des bénéfices se stabilisent.

Mais la contrepartie de cette situation est constituée par les évaluations très faibles du marché boursier canadien une fois exclues les actions du secteur pétrolier, et les révisions normales des prévisions de bénéfices. Cela suggère qu’à un certain moment, les investisseurs patients seront amplement récompensés parce que l’amélioration des bénéfices entraînera la normalisation des évaluations. Entre-temps, les actions canadiennes ont un potentiel baissier limité en raison du niveau déjà si bas des évaluations.