
Jeremy Glaser (JG) : Alors que l’intérêt pour les dividendes continue à croître, de nombreux investisseurs se demandent si ce style de placement leur convient et comment construire un portefeuille d’actions à dividendes. Nous avons aujourd’hui avec nous Josh Peters, rédacteur du bulletin Morningstar DividendInvestor et directeur de la stratégie des actions à revenu, qui vient nous donner quelques conseils.
Josh, merci de vous joindre à nous.
Josh Peters : Tout le plaisir est pour moi.
JG : Commençons par ceux à qui les placements en dividendes conviennent; quels devraient être vos objectifs avant de commencer à investir dans les dividendes? Qui, selon vous, devrait envisager une stratégie comme celle-ci?
JP : Je pense que ce type de placement convient à quiconque va finir par avoir besoin d’un flux de revenu pour la retraite, ce qui signifie la plupart d’entre nous. Peut-être que certaines personnes bénéficient toujours de régimes de pension à prestations déterminées et que leur retraite sera prise en charge, mais nous devons pour la plupart nous résoudre à accomplir cette tâche difficile que, il faut le dire, on n’enseigne pas vraiment à l’école, et certainement pas à tout le monde : comment économiser suffisamment d’argent pour la retraite, puis convertir ces économies en un flux de revenus? Les dividendes ne sont évidemment pas la solution miracle, soit pour économiser pour la retraite, soit pour y générer un flux de revenu, mais ils sont en bonne position pour apporter une très grande partie de la réponse à la plupart des gens. On y combine le rendement total — l’appréciation du capital et une protection contre l’inflation obtenues sur le marché boursier — à la composante prévisible de revenu que l’on ne peut autrement se procurer qu’avec les placements à revenu fixe. Pouvoir faire simultanément les deux est assez précieux.
JG : Mais les compagnies à dividendes ne représentent qu’une petite part du marché. Comment savez-vous que c’est vraiment sur cette option que vous devriez vous concentrer pour financer votre retraite plutôt qu’envisager d’autres domaines à croissance un peu plus rapide ou des compagnies qui en sont aux premiers stades de leur cycle de croissance?
JP : Parfois, il est vraiment payant de supprimer les dividendes de l’équation et, dans le doute, de s’abstenir; en d’autres termes, à supposer que mon association avec cette entreprise soit de longue haleine, est-ce que je la comprends? Est-ce qu’elle s’engage dans une activité commerciale avec laquelle je n’ai aucun problème, qui m’est évidente et que je peux prédire avec une relative certitude sur le long terme? Son bilan financier est-il solide? Ou est-ce une compagnie broche-à-foin qui tombera en miettes lorsque l’économie ralentira ou que le marché boursier s’effondrera? Est-ce que l’équipe de direction affecte ses capitaux efficacement? C’est là que les dividendes commencent à revenir dans la conversation. Assurent-ils au moins un peu de croissance? Parce qu’il y a très, très peu d’actions dont le dividende pourrait justifier à lui seul qu’on les détienne. Vous avez vraiment besoin de cette croissance. Vous avez besoin de qualité. Vous avez besoin d’attributs économiquement défensifs, selon moi, pour une large portion de votre portefeuille.
Certains investisseurs ont beaucoup plus l’esprit d’entreprise, et ils veulent trouver le prochain Facebook ou le prochain Google. C’est normal. Ce n’est pas un problème pour certaines personnes de faire cela avec seulement une portion de leur portefeuille. Mais lorsqu’on examine ce type d’entreprises — bien établies, bien financées, bien gérées, fournissant un rendement direct aux actionnaires — et qu’on se fie à l’avantage pratique de collecter ce dividende, soit en le réinvestissant, soit en l’utilisant pour financer des retraits, on s’aperçoit tout d’un coup que ce sont les types de sociétés dans lesquelles on voudrait probablement investir de toute façon en raison de leurs caractéristiques de risques et de leur simplicité. Pour ma part, je suis assez séduit par Apple. Apple verse maintenant un dividende, et vient tout juste de l’augmenter à nouveau. Mais une société comme Apple avec un dividende, ce n’est pas la même chose qu’une société comme General Mills avec un dividende. Je n’ai pas une confiance totale dans les perspectives qu’offre la société, même sur les cinq ans qui viennent, en regard de ses parts de marché pour des produits comme les téléphones intelligents et des marges bénéficiaires connexes.
Quant à General Mills, je suis certain que la compagnie produira toujours des Cheerios dans 50 ans. Aussi, quand vous commencez à penser à ces relations à long terme qu’il faut avoir avec une compagnie dans laquelle vous allez investir pour qu’elle pilote la croissance de votre portefeuille pendant de nombreuses années, ces entreprises plus prévisibles, même si elles n’offrent pas la composante d’une forte croissance, présentent les caractéristiques de risque et le rendement total qui, selon moi, devraient être au coeur de votre portefeuille.
JG : C’est ça ce que nous recherchons sur ces longues périodes. Quelles attentes de rendement les investisseurs doivent-ils avoir pour poursuivre une stratégie comme celle-ci?
JP : Eh bien je pense qu’on commence par ce que le marché dans son ensemble pourrait offrir. Et une hypothèse générique de rendement total à long terme, je dirais, pour les actions américaines, pourrait être de 9 %, ce chiffre étant composé d’un rendement en dividendes de 2 %, puis de 7 points de pourcentage pour la croissance des dividendes à long terme ainsi que d’une augmentation du flux de revenu avec le temps. Et dans ces chiffres, peut-être de 2 à 2,5 % représentent le taux d’inflation et le reste la croissance réelle des dividendes eux-mêmes. Une grosse partie peut tout simplement être financée par des rachats d’actions. Ainsi, on ne s’en remet pas à une croissance économique énorme en général pour que les chiffres tombent juste. Mais une partie du problème est qu’historiquement, les dividendes n’ont pas augmenté au rythme de 7 % par an pendant bien longtemps.
À examiner ces 50 à 60 dernières années, la conjoncture de l’après-guerre, le chiffre pourrait être de 6 %, et c’était une période où le taux d’inflation était plus élevé qu’aujourd’hui — disons, une inflation moyenne de 4 % alors qu’en ce moment nous avons du mal à atteindre les 2 %. Aussi, si on parle d’un investisseur indiciel misant par ignorance sur les résultats que l’on obtient en effectuant une affectation générique aux actions américaines, 9 % pourrait être trop — particulièrement maintenant, après six ans d’un marché haussier où les prix ont beaucoup augmenté. Ensuite, je commence à penser que c’est peut-être 9 %, peut-être 8 %, peut-être 7 %, même en tant qu’investisseur à long terme. Est-ce que cela m’empêcherait de vivre si c’était 6 %? Mais alors, que pouvez-vous faire avec votre stratégie de placement choisie et le type de compagnies que vous détenez? Que pouvez-vous faire pour peut-être faire monter ce chiffre? Je pense que l’une des meilleures choses que vous pouvez faire est de chercher ces compagnies à rendement élevé. Pas les compagnies générant des 10, 12, 15, voire 20 % (celles qui sont extrêmement risquées, ou leurs dividendes sont sur le point d’être diminués ou supprimés) mais de 3 à 5 % : je considère cela comme un rendement adéquat. Le portefeuille que je gère pour Morningstar génère à l’heure actuelle un rendement légèrement inférieur à 4 %; c’est en fait un rendement historiquement normal pour le marché américain.
Donc, si j’ai un portefeuille qui a un rendement assez normal dans cette perspective à long terme, et je pense toujours que je peux en extraire une augmentation du dividende d’environ 5 % à long terme, je pense que je peux avoir une perspective plus optimiste, projeter peut-être 9 % ou peut-être même un peu plus pour un rendement total à long terme, parce que tant d’informations ont déjà été prises en compte en cette forme beaucoup plus prévisible de revenu dès le départ. C’est donc quelque chose même pour les gens qui sont plus axés sur la croissance ou l’accumulation de richesse, notamment dans une situation d’imposition différée où vous pouvez réinvestir vos dividendes. Et vous (pas la compagnie, mais vous), vous avez la possibilité de déterminer ce qui arrive à cette portion des bénéfices de la compagnie. Avoir une base plus prévisible pour commencer à formuler vos hypothèses de rendement pour votre portefeuille est un grand avantage. Et si ces compagnies présentent aussi un risque modéré, ce qui est certainement aussi une grande composante de notre stratégie de portefeuille, tant mieux. Un faible bêta non seulement devrait être corrélé à de meilleurs revenus ajustés selon le risque, mais c’est plus facile lorsque les choses deviennent difficiles et que les investisseurs tendent à faire ces erreurs forcées qui leur nuisent vraiment à long terme.
JG : Si vous débutez dans les investissements ou avez peut-être de l’argent dont vous ne faites rien après avoir vendu vos placements durant la crise ou à une autre période, quelle est la bonne façon de recommander ou de commencer à investir dans les actions à dividendes? Lorsque vous examinez des évaluations qui ont atteint leur juste valeur ou sont surévaluées à l’heure actuelle (qui ne présentent donc que peu d’aubaines), comment commencez-vous à construire ce portefeuille?
JP : Question difficile. Je ne vais pas l’éviter, mais commencer par dire que c’est peut-être la question la plus difficile aujourd’hui, parce que nous revenons de très loin par rapport au creux de 2009, et même de là où nous étions en termes d’évaluations en 2011 et en 2012. Le marché a augmenté énormément au cours des dernières années, et la croissance a été très forte. Les actions deviennent de plus en plus chères, les rendements en dividendes baissent ou se maintiennent bien que les dividendes aient beaucoup augmenté — notre ratio C/B augmente bien plus pour que la croissance sous-jacente des bénéfices. On paie donc plus, mais on n’obtient pas nécessairement plus.
Cela dit, l’un des avantages, selon moi, des actions à revenu plus élevé (et c’est important), est que ce dividende tend à faire office de point d’ancrage. Ça aide — ce n’est pas une garantie, mais ça aide — à garder le prix de l’action à un niveau raisonnable de sa valeur intrinsèque. Elle peut être un peu surévaluée ou un peu sous-évaluée, mais il est très rare pour les compagnies de produits de base ou de services publics ou pour les partenariats de compagnies d’oléoducs d’être évaluées de façon extravagante, parce que leurs flux de trésorerie sont trop stables, ressemblent trop à des obligations pour agir comme une de ces actions de réseau social qui éclate aujourd’hui, comme Twitter ou autre.
Donc, à ce stade, je suis toujours disposé à dire que le bon moment d’adopter une stratégie de dividendes est quand vous réalisez que les objectifs de la stratégie sont la meilleure possibilité, qu’ils s’alignent sur vos objectifs financiers à long terme. Et si vous préférez choisir seulement les actions les moins chères qui peuvent se conformer à cette stratégie, c’est une option parmi d’autres; mais alors vous devez être très prudent et vous assurer que votre portefeuille est suffisamment diversifié. De plus, vous feriez peut-être bien d’envisager d’étaler vos achats d’actions sur une période de plusieurs mois — peut-être une année — mais cela ne va pas nécessairement vous garantir de meilleurs prix en chemin. Honnêtement, il se pourrait bien que cela soit tout simplement plus facile à supporter psychologiquement.
Peut-être que la stratégie la plus facile est de dire : « Cette stratégie est la bonne pour moi. Je suis satisfait du revenu qu’offre aujourd’hui le portefeuille que j’aimerais construire. J’ai confiance en ses perspectives de croissance, et si le marché chute dans l’avenir, j’aurai la possibilité de réinvestir les dividendes, peut-être à un prix inférieur. » Mais lancez-vous donc. Il n’y a pas de réponse miracle à cette question, vous devez vous-même trouver ce qui vous convient le mieux. Mais vous lancer tout simplement, à la suite d’une décision prise à l’égard de vous-même et de ce qui ne vous pose pas problème et en fonction de vos objectifs stratégiques, et vous inquiéter moins de ce qui sera plus ou moins à la mode sur Wall Street dans les six ou neuf prochains mois, pourrait être en fait la meilleure façon de vous y prendre.
JG : Josh, merci de vous être joint à nous aujourd’hui.
JP : Merci, Jeremy.