« Malgré tous les efforts déployés par les grandes banques centrales depuis sept ans, l’expansion de l’économie mondiale demeure anémique et en deçà de la croissance potentielle, alors que l’inflation demeure inférieure aux cibles », a déclaré Luc de la Durantaye, directeur gestionnaire, répartition de l’actif et gestion des devises, Gestion d’actifs CIBC, jeudi, lors d’un événement organisé par Investissements Renaissance.
Le scénario le plus vraisemblable demeure celui d’une faible expansion de l’économie, mais sa probabilité a diminué à 50 % selon Luc de la Durantaye.
En conséquence, le scénario d’un retour à la normale au niveau mondial s’avère « nettement moins probable, étant donné les facteurs défavorables auxquels l’économie mondiale continue de faire face », dit-il.
Luc de la Durantaye estime plutôt à la hausse la probabilité d’assister à un ralentissement de la croissance économique mondiale, en raison notamment du fait que « la marge de manoeuvre à l’égard de la politique monétaire a diminué, car toutes les principales banques centrales ont adopté des politiques non traditionnelles. »
« Il est néanmoins important que l’économie puisse croître et se replacer parce que dans le cas d’une nouvelle récession mondiale, les banques centrales n’ont plus d’actifs pour intervenir et les limites de ce que les politiques monétaires peuvent faire ont été atteintes », signale Luc de la Durantaye.
Il évoque à cet effet les récents programmes d’assouplissement quantitatif de la Banque centrale européenne (BCE) et de la Banque du Japon (BdJ), dont les effets en ce qui a trait à l’amélioration des conditions des marchés financiers ont été plutôt mitigés.
« Les banques centrales ont beaucoup agi sur les marchés, la plupart ayant ramené leurs taux tout près de zéro, à zéro et même au-delà. Toutefois, les investisseurs veulent-ils en arriver à une situation à taux négatif où ils doivent financer la garde de leur argent », questionne Luc de la Durantaye.
Le rôle crucial des pays émergents
Alors que les pays émergents représentent la moitié de l’économie mondiale, ils ont généré en 2014 et 2015 près de 70 % de la croissance du PIB mondial.
« Cette solide croissance dans les pays émergents a amorti l’effet du ralentissement observé dans le monde développé, qui a amorcé une phase de désendettement », constate Luc de la Durantaye.
Celui-ci craint toutefois que le début du resserrement de la politique monétaire de la Fed et la vigueur du dollar américain entraînent des effets négatifs sur la croissance économique des pays émergents, puisqu’au cours des six dernières années, la dette en devise américaine des pays émergents a fortement augmenté.
« Depuis 2008, la dette étrangère libellée en dollars américains des quatre pays du BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine), qui représentent 30 % de l’économie mondiale, a plus que doublé, passant de 714 milliards de dollars américains à 1,8 billion », signale-t-il.
Luc de la Durantaye croit toutefois que l’appréciation du dollar américain pourrait inciter la Fed à réévaluer la pertinence de commencer à relever les taux au courant des prochains mois. Il classe d’ailleurs le dollar américain au nombre des « monnaies les plus surévaluées ».
« La divergence entre la Fed et les autres banques centrales a conduit à une forte appréciation du dollar américain, ce qui rend les sociétés américaines moins concurrentielles. Tous ces facteurs annoncent un plafonnement des marges bénéficiaires, en croissance depuis le début des années 1980 », mentionne Luc de la Durantaye.
La situation dans les pays émergents a fortement changé depuis que la Fed a commencé sa politique de taux d’intérêt nuls, selon Luc de la Durantaye. « Les actions des marchés émergents s’échangent à 8,1 fois notre mesure des bénéfices corrigés des variations cycliques, en comparaison avec 15,1 pour les actions du monde développé », dit-il.
La plupart des gens ne veulent pas investir dans les pays émergents, ce qui rend l’évaluation faible. C’est donc là qu’il faut chercher les opportunités.
« Je ne dis pas qu’il faut aller mettre 100 % de notre portefeuille en Indonésie, dont la devise est l’une de celles qui est le moins susceptible de perdre de la valeur par rapport à la devise américaine. Mais compte tenu du fait que certains taux européens sont négatifs, il faut aller chercher de la croissance quelque part et les perspectives à long terme demeurent bonnes pour les marchés émergents », analyse Luc de la Durantaye.