Une tirelire tentant de fuir le coronavirus.
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Le trésor public québécois a attrapé le virus de la COVID-19, qui est en train de gruger ses réserves et de l’affaiblir.

À ce jour, on prévoit qu’en quatre ans, de 2019-2020 à 2022-2023, le gouvernement Legault aura dû dépenser près de 21 milliards de dollars (G$), uniquement pour contrer les effets de la pandémie sur l’économie du Québec et son réseau de la santé.

C’est ce que conclut la vérificatrice générale, Guylaine Leclerc, dans son rapport annuel 2020-2021, déposé mercredi à l’Assemblée nationale.

Avec ses 10 000 morts, le Québec avait déjà payé un lourd tribut à la crise sanitaire, mais tout indique que ce ne sera pas suffisant, le virus ayant entrepris en parallèle d’affaiblir ses finances publiques.

Pour la période indiquée, en arrondissant les angles, on parle d’un ajout budgétaire de 8 G$ au réseau de la santé, pour des dépenses reliées de près à la pandémie, dont la moitié du montant dilapidé en achat d’équipements de protection individuelle.

À lui seul, l’avènement de la télésanté, un nouveau service permettant aux médecins de traiter leurs patients à distance, a généré une facture d’un demi-milliard de dollars en quelques mois, de mars à novembre 2020.

Confronté à une pénurie criante d’employés pour répondre aux besoins, Québec aura aussi consacré plus de 2 G$ en embauche de personnel dans le réseau de la santé, qu’on pense aux milliers de préposés aux bénéficiaires formés en catastrophe, de même qu’en augmentations salariales.

Pour soutenir l’économie, plombée par la pandémie, on parle d’environ 8 G$ de fonds publics consentis, soit environ 2 G$ sous forme de subventions aux entreprises, 3 G$ en prêts et près de 3 G$ en devancement de projets d’infrastructure.

Un bémol cependant: la vérificatrice générale constate qu’une faible proportion de l’enveloppe de subventions annoncée pour soutenir les entreprises avait été réellement versée au moment de publier le rapport, soit seulement 273,6 M$ des 2,1 G$ promis.

La vérificatrice rappelle que de février à avril 2020, l’Institut de la statistique a calculé que le Québec avait perdu 825 900 emplois. Le taux de chômage a bondi de 4,5 % à 17,6 %, « un sommet historique ». L’enveloppe budgétaire réservée aux travailleurs et aux particuliers est évaluée à 2,5 G$.

Plusieurs audits à venir

Elle a retenu neuf dossiers spécifiques reliés à la pandémie qui feront l’objet d’audits à mener par son équipe, dont l’analyse des critères retenus pour aider les entreprises, la vérification des dépenses énormes consacrées aux équipements de protection personnelle (sous l’angle de l’équilibre à respecter entre l’assouplissement des règles et le prix jugé « acceptable »), la planification de l’hébergement de longue durée, l’impact du délestage et des 140 000 chirurgies reportées, l’accessibilité aux services de santé mentale et l’impact financier de la télésanté.

« Si on les a identifiés (ces dossiers), c’est qu’on a considéré qu’ils étaient suffisamment importants » pour mener des audits, dont les conclusions pourront constituer une « valeur ajoutée » aux yeux des parlementaires, a fait valoir Guylaine Leclerc en conférence de presse.

La situation de crise sanitaire a justifié un allègement des règles contractuelles en vigueur. Questionnée sur l’à propos d’un tel changement de son point de vue, Guylaine Leclerc a jugé qu’il était trop tôt pour évaluer si oui ou non le gouvernement avait profité de la situation pour dépenser sans compter, sans tenir compte des meilleures pratiques. Il faudra attendre le résultat de ses travaux.

Chose certaine, quand le Vérificateur général entreprend une nouvelle enquête, c’est qu’il existe une « préoccupation » reliée à la saine gestion des fonds publics, a observé Guylaine Leclerc.

« Tous les mandats qu’on fait, c’est parce qu’on a des préoccupations », a-t-elle dit, en donnant l’exemple des vérifications à venir sur le prix payé par l’État pour acquérir des millions de masques chirurgicaux.

Une dette sous-évaluée de 12,4 G$

Dans son rapport, Guylaine Leclerc note par ailleurs que, ces dernières années, le gouvernement du Québec a eu tendance à sous-estimer systématiquement son taux d’endettement, ne privilégiant pas les meilleures pratiques comptables.

Elle lui reproche essentiellement d’omettre d’inclure dans ses états financiers 12,4 G$ de subventions reliées aux paiements de transfert versés par le gouvernement fédéral.

Ce faisant, le Québec « utilise des données financières et budgétaires erronées, qui embellissent sa situation financière », selon la vérificatrice.

Mardi, le ministre des Finances, Eric Girard, a annoncé qu’il allait se conformer à sa recommandation de corriger la situation, en ajoutant 12,4 G$ à la dette nette du Québec dans les livres comptables.

Du nouveau portrait qui se dessine une fois le changement effectué, il ressort que le Québec est désormais la deuxième province canadienne la plus endettée au pays, derrière Terre-Neuve-et-Labrador, avec une dette nette équivalant à 39,9 % de son PIB, soit 10 points de plus que la moyenne des provinces.

La baisse des dépenses liées à la COVID-19 en 2022

Le directeur parlementaire du budget estime que la part des dépenses fédérales liées à la pandémie devrait baisser de 86 % au cours du prochain exercice par rapport à 2020-2021, alors que le Canada commence à assouplir les mesures sanitaires.

Dans un nouveau rapport publié mercredi, le bureau d’Yves Giroux indique que le gouvernement prévoit 22,7 G$ de dépenses liées à la COVID-19 au cours de l’année à venir, comparativement à environ 159,5 G$ à ce jour.

Une partie de la baisse est attribuable à une chute prévue des dépenses au chapitre de l’aide aux particuliers.

En 2020-2021, on estime que 122 G$ ont été versés aux Canadiens par le biais de programmes d’aide au marché du travail, comme la Prestation canadienne d’urgence, la Prestation canadienne de la relance économique (PCRE) et l’assurance-emploi bonifiée.

Pour 2021-2022, cette enveloppe serait de moins de 43 G$, si l’on présume que ces mesures d’aide seraient graduellement abandonnées.

Le rapport du directeur parlementaire du budget est basé sur le budget des dépenses déposé au Parlement le mois dernier et ne tient pas compte du prochain budget, qui ne sera peut-être présenté qu’en avril.

« Alors que nous nous éloignons des premiers jours de la pandémie mondiale, les dépenses prévues pour la réponse du gouvernement à la COVID-19 sont passées à 22,7 G$, soit une baisse de 136,8 G$ par rapport aux estimations pour 2020-2021, écrit Yves Giroux. Toutefois, ces estimations ne reflètent pas les nouveaux postes de dépenses qui seront annoncés dans le budget 2021. »