Le gouvernement fédéral et les premiers ministres du Canada exagèrent largement les avantages de l’élimination des barrières commerciales intérieures, affirme le Centre canadien de politiques alternatives dans un nouveau rapport.
Le rapport de ce groupe de réflexion pointant à gauche examine les mesures prises par Ottawa et les provinces pour éliminer les lourdeurs administratives, les qualifiant de « théâtre politique » qui ne contribuera guère à atténuer les dommages causés par la guerre commerciale du président américain, Donald Trump, ni à stimuler l’économie.
Le premier ministre canadien, Mark Carney, s’est engagé, tout au long des élections du printemps, à forger une « économie canadienne unique » avec les premiers ministres en éliminant les barrières commerciales intérieures et en augmentant la mobilité de la main-d’œuvre en réponse aux droits de douane imposés par Donald Trump.
Le rapport, intitulé « Les nouveaux vêtements des premiers ministres », examine les modifications législatives et autres proposées par le gouvernement fédéral et les provinces.
Il conclut que les élus ont cité « très peu d’exemples concrets d’obstacles » pour appuyer des mesures législatives susceptibles d’éliminer les outils réglementaires destinés à « soutenir le développement économique local et à garantir des normes élevées en matière de biens, de services et de certification du travail ».
Marc Lee, économiste principal au sein du groupe de réflexion et coauteur de l’étude, a déclaré que les Canadiens devaient « réduire considérablement » leurs attentes quant à l’expansion du commerce intérieur et a averti que le risque d’une annulation rapide de nombreuses réglementations protectrices n’en valait pas la peine.
« Même s’il y a des gains mineurs à réaliser, ils sont loin des pertes que nous constatons actuellement dans le commerce canado-américain. Cela ne remplace pas vraiment la lutte contre les droits de douane imposés par Trump », a-t-il expliqué.
Le cabinet de la ministre du Commerce intérieur, Chrystia Freeland, soutient que le commerce interprovincial est un « moteur essentiel » de l’économie et qu’il a besoin d’être stimulé, compte tenu des tensions commerciales actuelles avec les États-Unis.
« L’amélioration du commerce intérieur et la suppression des barrières seront des outils clés pour contrer l’impact des droits américains », a déclaré Laura Scaffidi, directrice des communications de Chrystia Freeland.
« Nous avons dit aux Canadiens que nous serions prêts et que nous défendrions les intérêts canadiens, et nous le faisons. »
Ce rapport fait suite à une vague d’activités commerciales ces derniers mois, notamment l’adoption de nouvelles lois, la signature de protocoles d’entente entre les provinces et la suppression de règles de l’Accord de libre-échange canadien. Tout cela vise à faciliter le transport de biens et de services entre les provinces.
Certains de ces changements visent à faciliter la vente de bière, de vin et de spiritueux entre les provinces, par exemple en autorisant la vente directe d’alcool aux consommateurs.
Les ministres du Commerce intérieur du pays se réunissent mardi à Québec pour discuter des prochaines étapes, qui devraient inclure une révision de la réglementation du secteur du camionnage.
Chrystia Freeland a cité des études selon lesquelles les barrières au commerce intérieur équivalent à un droit de douane de 7 % que le Canada s’impose à lui-même, et que leur suppression pourrait stimuler l’économie jusqu’à 200 milliards de dollars (G$).
Un fantasme ?
De l’avis du coauteur du rapport, Marc Lee, cela semble peu probable.
« Si la suppression des barrières porte des fruits faciles à récolter, ils ont déjà été récoltés depuis longtemps, a-t-il affirmé. Et cette idée que nous allons obtenir 200 G$, c’est du fantasme. »
L’un des problèmes de l’analyse du coût des règles provinciales susceptibles d’entraver le commerce est le manque de données. Il n’existe pas de liste exhaustive des obstacles au commerce intérieur au Canada, ni même de consensus sur leur nature.
La gestion de l’offre, par exemple, pourrait être considérée par certains comme un obstacle interprovincial, puisqu’elle repose sur un système de quotas.
Le gouvernement fédéral a récemment adopté le projet de loi C-5, qui vise notamment à faciliter la vente de biens ou le travail dans d’autres provinces.
Il y parvient en éliminant les exigences fédérales là où des exigences provinciales similaires sont déjà en vigueur, comme les exigences en matière d’efficacité énergétique pour la vente d’appareils électroménagers.
Les métiers spécialisés, par exemple, sont confrontés à des réglementations provinciales qui se chevauchent, ce qui peut obliger les travailleurs à suivre à nouveau une formation technique sur le même sujet.
Le rapport du Centre canadien de politiques alternatives indique toutefois que seuls environ 6 % des travailleurs canadiens exercent des professions sous réglementation fédérale, ce qui signifie que la nouvelle loi aura peu d’impact sur la plupart des employés.
De nombreux détails de la nouvelle loi seront précisés dans les règlements des prochains mois.