Banque du Canada : taux directeur stable au moins jusqu'à la fin 2016
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C’est en poursuivant l’objectif « d’aider l’économie à retourner à son plein potentiel et l’inflation à la cible de façon durable », que la BdC a abaissé, le 15 juillet 2015, le taux cible du financement à un jour de un quart de point de pourcentage pour le ramener à 0,5 %.

« La Banque du Canada (BdC) reconnaît que l’économie canadienne est en période de transition et de rajustements importants et qu’il s’agit d’un processus qui va être long. Dans ce contexte, elle a choisi d’accompagner l’économie canadienne pour que ce processus se déroule le plus rapidement possible, et de le faire par l’entremise de taux destinés à demeurer relativement bas », analyse Paul-André Pinsonnault, économiste principal, Revenu fixe, Banque Nationale.

Le 21 octobre dernier, estimant « que la politique monétaire actuelle demeure appropriée », la BdC a conservé son taux d’intérêt directeur à 0,5 %. Elle a toutefois abaissé ses projections de croissance de l’économie canadienne, et ce, pour les deux prochaines années.

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« Nous pouvons nous attendre à ce que l’économie retourne à son plein potentiel vers le milieu de 2017 », soulignaient Stephen S. Poloz et Carolyn Wilkins, respectivement gouverneur et première sous-gouverneure de la BdC, dans leur déclaration préliminaire le 21 octobre dernier.

Stabilité recherchée

Selon Paul-André Pinsonnault, dans un contexte où la BdC a abaissé ses perspectives de croissance pour 2015 et 2016, la baisse de taux effectuée en juillet était justifiée. Il faudra toutefois attendre de quatre à six trimestres pour voir réellement l’impact de la politique monétaire adoptée par la BdC.

« Pour 2016, la BdC évoque une croissance de 2 %, alors que nous [les économistes de la Banque Nationale] sommes plus proches d’une prévision de croissance de 1,6 %. Dans ce contexte, nous avons l’impression qu’à mesure que ce scénario va se confirmer, la BdC va vouloir demeurer accommodante et laisser son taux directeur inchangé au moins pour toute l’année 2016 et sans doute même jusqu’au début de 2017 », estime Paul-André Pinsonnault.

Sébastien Lavoie, économiste en chef adjoint à la Banque Laurentienne du Canada, abonde dans le même sens.

Évoquant un rapport de la Banque Laurentienne portant sur la transition ayant cours dans le marché de l’emploi canadien, Sébastien Lavoie mentionne que la présente « évolution des pôles de créations d’emplois, des taux de chômage et du nombre de postes vacants montrent en effet qu’une certaine adaptation est en cours et que les difficultés rencontrées dans certaines provinces semblent être compensées par les améliorations enregistrées dans d’autres ».

Sébastien Lavoie se dit agréablement étonné de la flexibilité démontrée par les travailleurs canadiens au Canada et constate que la mobilité de la main-d’oeuvre est au rendez-vous. « Le Canada n’est pas comme la Russie ou le Brésil, il ne dépend pas exclusivement du pétrole, bien qu’à l’instar de la Norvège, il en dépende tout de même beaucoup. Mais nous constatons qu’il y a d’autres pôles de croissance et à ce chapitre, le momentum selon nous ne fait que commencer et il va se poursuivre l’an prochain. »

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La confirmation de ce phénomène de redistribution est au centre du scénario économique de base de la Banque du Canada et vient appuyer l’orientation actuelle de la politique monétaire, selon lui.

« Ça prendrait un chambardement ou un tumulte économique d’envergure pour que la BdC change sa politique monétaire avant la fin de 2016 et la barre nous semble très haute, du genre un atterrissage brutal en Chine, économie américaine tombant de manière surprenante en récession l’année prochaine ou au contraire, une augmentation du prix du pétrole à 80 $ d’ici trois mois », illustre-t-il.

Sébastien Lavoie ne prévoit en réalité aucun changement dans la politique monétaire de la BdC avant le renouvellement de l’entente quinquennale sur la cible de l’inflation avec le gouvernement fédéral, prévue en novembre 2016.

« Plus nous allons approcher de cette date, plus il sera complexe pour la BdC de réajuster son taux cible de financement un jour, parce que je doute que le gouvernement fédéral accepte une cible d’inflation inférieure à 2 %. Le gouvernement a besoin de revenus et l’inflation, c’est un bon moyen pour générer des recettes fiscales », avance Sébastien Lavoie.

Celui-ci considère par ailleurs que la plate-forme du nouveau gouvernement libéral, de manière générale, « a des effets multiplicateurs sur l’économie qui sont plus grands que ce que l’ancien gouvernement conservateur proposait ».

Reste à voir à quel moment les différentes mesures promises seront mises en oeuvre. « Le plus tôt sera le mieux et c’est ce qui va déterminer l’impact économique », estime Sébastien Lavoie.

Selon lui, une mise en œuvre dès le début de 2016 « ajoutera pratiquement un demi-point de pourcentage à la croissance économique canadienne, alors que si ces mesures sont implantées au milieu de l’année, l’ajout à la croissance sera plutôt de un quart de point de pourcentage. Le grand questionnement concerne toutefois la gestion que fera le gouvernement fédéral de sa promesse de bonifier le RPC (Régime de pensions du Canada). »

Il s’agit d’une bonne mesure pour la retraite future, mentionne Sébastien Lavoie, mais la mise en oeuvre de cette mesure risque également de diminuer le revenu disponible, ce qui pourrait au final menacer la croissance économique.