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Grâce à une espérance de vie plus longue et à des avancées dans le monde du travail, les femmes nord-américaines contrôlent une part du patrimoine toujours plus grande. Selon un rapport de l’Institut Info-Patrimoine BMO, les femmes aux États-Unis contrôlent actuellement 14 billions $ US, soit plus de la moitié des richesses personnelles du pays, et ce chiffre devrait augmenter jusqu’à 22 billions $ US d’ici 2020. Au Canada, les femmes contrôlent déjà 1,1 billion $ du patrimoine financier et représentent un pourcentage de 43 % des Canadiens détenteurs de 500 000 $ ou plus d’actifs investissables.

Ces tendances devraient se poursuivre, avec 62 % des femmes qui ont un emploi et le tiers d’entre elles qui gagnent plus que leur conjoint. Pourtant, selon un rapport de Strategy Marketing, une société de consultants en services financiers, 73 % des femmes sont insatisfaites du service qu’elles reçoivent de l’industrie des conseils.

Dans des études qui explorent les relations des femmes avec l’industrie financière, un cas de figure typique est celui d’un couple marié qui rencontre son conseiller; celui-ci s’adresse principalement au mari et se concentre largement sur la manière dont certains produits se comportent dans le portefeuille du couple. La femme, qui préférerait que la discussion s’oriente vers des objectifs spécifiques comme la retraite ou le coût de l’éducation des enfants, finit par se sentir bafouée et ignorée.

Lors du récent Forum exécutif de Morningstar sur l’avenir des conseils financiers le panéliste Martin Lavigne, président de la Financière Banque Nationale, a exprimé l’avis qu’à mesure que certains aspects des conseils, comme la sélection de produits, s’automatisent, les conseillers seront en mesure d’offrir une vision plus holistique des finances de leurs clients. Cette tendance, ajoute-t-il, attirerait plus de femmes vers la carrière de conseillères.

La collègue de M. Lavigne, Angela D’Angelo, vice-présidente, développement et expérience client à la Financière Banque Nationale, convient qu’il y aura toujours une place pour des conseils en face à face même si la technologie financière se répand et se perfectionne. « La place des conseils est énorme parce qu’il y a certaines choses que l’automatisation ne peut pas encore déchiffrer quant à la perception du sentiment d’un interlocuteur sur les thèmes abordés », dit-elle.

Selon Mme D’Angelo, lorsque le mari disparaît du portrait, le conseiller a souvent peine à conserver la relation. « Quatre-vingt-dix pour cent des femmes devront prendre des décisions financières toutes seules à un point ou à un autre de leur vie, parce qu’elles survivent à leur mari et qu’elles héritent de leurs parents », dit-elle. Mais selon le rapport de Strategy Marketing, 80 % des veuves canadiennes changent de conseiller financier l’année qui suit le décès de leur mari.

Avant tout, dit Mme D’Angelo, les clientes veulent des conseillers qui les comprennent. « Ça peut revêtir quantité de formes différentes, dit-elle, mais être comprise veut dire être écoutée et devoir répondre aux bonnes questions. »

À cet égard, Mme D’Angelo en convient : les conseillères sont bien équipées pour comprendre les besoins des clientes, et surtout le besoin d’offrir une perspective plus personnelle sur le placement. « Elles abordent habituellement les investisseurs en leur signalant l’impact que peut avoir leur portefeuille sur leur train de vie, dit-elle, et pas le rendement lui-même. »

Toutefois, cela ne veut pas dire que les conseillères ne procurent pas à leurs clients des rendements solides. Mme D’Angelo dit qu’elle a personnellement vu des conseillères atteindre un niveau de croissance important de leurs actifs. « Elles se débrouillent très bien et réussissent bel et bien », dit-elle.

Mme D’Angelo dit que le changement le plus nécessaire pour l’industrie financière n’est pas de simplement participer aux efforts visant à favoriser la diversité, mais d’en établir un ordre prioritaire. Elle cite à cet effet un rapport de McKinsey & Cie qui montre que les sociétés qui ont plus de femmes aux échelons supérieurs ont 15 % plus de chances d’atteindre le premier quartile de leur industrie dans le domaine de la performance financière. Cette probabilité passe à 35 % si la diversité ethnique fait elle aussi l’objet d’un classement prioritaire. « Ces deux raisons à elles seules créent une bonne situation, dit Mme D’Angelo. Ces différentes approches sont bonnes pour la firme, bonnes pour les employés et dans l’ensemble excellentes pour l’expérience de vos clients. »

Mais « le grand transfert de richesses » pourrait bien être la raison la plus importante en ce moment de favoriser la diversité dans l’industrie. « Plus d’un billion $ d’actifs financiers au Canada seront contrôlés par les femmes, dit Mme D’Angelo, et 67 % de ces actifs seront probablement contrôlés par les femmes au cours des 10 années qui s’annoncent. »

À la Financière Banque Nationale, Mme D’Angelo dit que les efforts de diversité se concentreront sur trois grands thèmes; l’attrait, la rétention et le développement. Alors que la société est encore en passe d’établir son cadre portant sur la diversité, elle révèle seulement qu’ « il y a des choses vraiment excitantes qui s’annoncent ».

Intégrer davantage les femmes dans le monde du placement ne se limite pas à la relation client-conseiller. Plusieurs produits de placement axés sur les femmes ont fait leur entrée sur le marché, notamment le FNB SPDR SSGA Gender Diversity Index, qui se négocie sous le symbole SHE et piste un indice pondéré selon la capitalisation boursière de sociétés qui détiennent une proportion élevée de femmes parmi leurs cadres dirigeants et conseils d’administration, avec un rendement de 11,8 % depuis son lancement en mars 2016. Au Canada, le Fonds BMO leadership féminin, qui investit selon un mandat comparable, est vendu aux investisseurs qui cherchent à « participer activement au leadership du changement social tout en recherchant de bons rendements financiers ».

Pour sa part, Mme D’Angelo croit que c’est une « grosse erreur » d’élaborer des produits de créneau qui se fondent sur le sexe. « Mes recherches m’amènent vraiment à penser que certaines choses disparaissent très vite. Cela peut probablement intéresser certaines femmes qui mettent ce type de placement au premier plan en raison de leur système de valeurs. Mais dans l’ensemble, je ne pense pas que cette stratégie va être vraiment prépondérante dans l’avenir. »

D’ailleurs, ajoute-t-elle, les femmes ne sont pas aussi intéressées par les produits qui les ciblent que leurs créateurs pourraient penser. « Dans mon propre groupe témoin, ces deux dernières années, les femmes ne veulent pas quelque chose de différent. Elles veulent la même chose. Elles ont seulement d’autres moyens d’y arriver. »