Le mot « opulentite » fait penser à une maladie. Pas tout à fait, mais c’est bel et bien un mal, mais de type financier. Cela signifie hériter d’un patrimoine considérable et ne pas savoir comment le gérer.
Les parents fortunés craignent que leurs enfants dilapident leur héritage sans avoir un but dans la vie. Et ils s’inquiètent à juste titre. Selon The Williams Group, une firme-conseil américaine, 70 % des familles ont non seulement perdu une bonne partie de leurs actifs, mais aussi l’harmonie familiale qui régnait avant le transfert du patrimoine.
Nombreux sont ceux qui sont du même avis que Warren Buffett pour donner aux enfants « juste assez pour leur faire croire que tout est possible, mais pas assez pour qu’ils ne veuillent plus rien faire ».
Le mois dernier, lors d’une conférence s’adressant aux conseillers financiers qui a eu lieu en Californie, un panel constitué d’un conseiller financier et de parents a prodigué des conseils sur la manière d’aider les gens à négocier les questions financières avec leurs enfants.
L’opulentite a plus de chances de sévir quand on donne tout sur un plateau aux enfants, a dit le panéliste Kevin Gebert, conseiller financier chez Greenrock Financial et auteur de « Financial Fotographs ». Les enfants qui jouissent d’une sécurité financière totale tendent à avoir plus de difficultés à remettre ce qu’ils veulent à plus tard. Ils ont habituellement du mal à se fixer des objectifs et à s’y tenir, et manquent d’ambition. Monsieur Gebert explique que ce problème provient du fait que ces enfants ne se rendent peut-être pas bien compte des obstacles que leurs parents ont eu à surmonter pendant les années où ils ont accumulé leur patrimoine.
Malheureusement, on garde souvent les enfants en dehors des discussions financières. La panéliste Deborah Kerbel, qui a écrit « Money Savvy Kids » avec son père, le gourou financier Gordon Pape, a souligné que leur propre conseiller n’avait eu aucun conseil à donner sur la gestion du patrimoine familial. De surcroît, ce conseiller n’a jamais posé la moindre question sur d’éventuels régimes enregistrés d’épargne-étude (REEE), ajoute-elle.
« Il n’a même jamais mentionné mes enfants, bien qu’il sache que j’en ai », a dit madame Kerbel, qui réalise à présent qu’il est temps de changer de conseiller et d’en trouver un qui réponde mieux à ses besoins. « En tant que parents, nous savons tous que nous devons enseigner les finances à nos enfants. Mais le problème est que nous ne savons pas où commencer, comment nous y prendre, ce qu’il faut dire ou ne pas dire sur ce qu’ils sont prêts à apprendre à chaque étape, et comment aller de l’avant. »
Quelles choses auraient été utiles pour des parents comme elle? Toute suggestion sur la littératie financière des enfants, ou des astuces pour les aider à faire la différence entre ce qu’ils veulent et ce qui leur faut.
Les parents devraient entamer le processus tôt. Une suggestion est de se livrer à une auto-évaluation financière complète pour évaluer sa propre aptitude en matière de finances personnelles. Il y en a une dans le livre « Money Savvy Kids ». Comme l’a dit M. Kerbel, le mari de Deborah, lors de la discussion en comité, on ne peut pas enseigner ce que l’on ne connait pas. « Un petit questionnaire aidera les parents à mieux comprendre leurs propres points forts et leurs faiblesses, de manière à mieux les préparer à se lancer sur le chemin de la littératie financière », a-t-il dit.
Il faut ensuite briser les tabous liés à l’argent. Si les enfants posent des questions sur les finances familiales, il ne faut pas changer de sujet ou éviter de leur répondre. « Comme pour tout, si un enfant est assez mûr pour poser ce genre de question, il est assez mûr pour entendre une réponse intelligente et réfléchie », a déclaré Mme Kerbel.
Rendez l’apprentissage financier plus ludique pour les enfants. Si vous traitez ce sujet comme un exercice scolaire, vos enfants grinceront des dents à chaque fois. En revanche, si les parents ont recours à des sites Web interactifs, des applis, des jeux et des livres pour enfants, ces derniers ne s’apercevront peut-être même pas qu’ils apprennent, dans la foulée, la différence entre besoin et désir, les frais d’intérêt et le fonctionnement du système bancaire.
Mme Kerbel considère que l’argent de poche est essentiel pour que les enfants puissent avoir une expérience personnelle de l’argent. « Avoir une petite somme d’argent à eux leur fera prendre des décisions financières à un âge précoce, dit-elle. L’argent de poche les fait réfléchir à ce qu’ils achètent, et penser à ce qu’est un souhait par rapport à une nécessité, et la budgétisation qui en découle. »
Prenons l’exemple de son fils de 10 ans, qui venait juste de commencer à toucher de l’argent de poche, lorsqu’il y a eu une soirée cinéma à son école. Mme Kerbel a décidé que son fils devrait payer pour cet événement social de sa propre poche. Outre le film, il avait le choix d’acheter du maïs soufflé. Il est alors allé se renseigner auprès des organisateurs pour connaître la taille du sac de maïs soufflé et les saveurs qu’il y aurait.
En fin de compte, le garçon a décidé de ne pas acheter de maïs soufflé. « Le fait est qu’il a dû décider si cet achat valait la peine de dépenser son argent ou non, a dit M. Kerbel. Si elle avait payé elle-même, cette question ne se serait même pas posée. »
Au fur et à mesure que les enfants deviennent adultes, ils peuvent tisser des liens avec l’équipe de conseillers financiers des parents en assistant à des conversations de temps à autre. Cette pratique ne peut que renforcer les enseignements sur la nécessité de se fixer des objectifs, et de créer et conserver son patrimoine, a dit M. Gebert.
La plupart des conseillers sont ouverts aux rencontres avec des membres d’une famille, en particulier quand les parents partent à la retraite et officialisent les projets touchant à leur patrimoine. Comprendre pourquoi certaines décisions ont été prises peut aider à éviter les disputes familiales ultérieures, souligne M. Gebert.