1. Obligations
Si le client détient des obligations (ou des fonds d’obligations), le représentant devrait les verser d’abord dans ses comptes enregistrés, en commençant par le REER et ses proches parents, comme le fonds enregistré de revenu de retraite (FERR), le compte de retraite immobilisé (CRI), le fonds de revenu viager (FRV) ou le REER immobilisé. Il peut privilégier le CELI par la suite.
Cela s’explique par la nature des comptes enregistrés et par le fait que les revenus d’intérêt sont imposés plus lourdement, par rapport aux dividendes et au gain en capital.
Pour démontrer la pertinence de mettre d’abord les obligations dans le REER, examinons le coût de l’option, soit le fait d’investir plutôt des actions dans le REER.
Le REER tend un piège au client. Tout retrait a un traitement fiscal équivalent à celui d’un revenu d’intérêt. Ainsi, lorsqu’un client engrange des revenus de dividendes dans son REER, ceux-ci sont imposés plus lourdement lors du retrait.
Par contre, dans un compte non enregistré, le client profite de la générosité des crédits d’impôt pour les dividendes versés sur ses actions canadiennes, et du fait que seulement la moitié des gains en capital réalisés est imposable.
Résultat : le compte non enregistré bat le REER par rapport à l’efficience fiscale des actions canadiennes, soutient Richard Lalongé. Pour prouver cette assertion, celui-ci a examiné le scénario d’un portefeuille, composé pour moitié d’actions et pour moitié de titres à revenu fixe, qui est rééquilibré chaque année et dont le gain en capital est taxé chaque année.
«C’est le pire des scénarios sur le plan fiscal. Malgré cela, votre client obtiendra un rendement supérieur de son portefeuille en investissant ses actions dans ce qui est non enregistré plutôt que dans le REER», a-t-il indiqué lors d’une conférence devant l’Association de planification fiscale et financière, au printemps dernier. Il base ses hypothèses de rendement sur les normes de l’Institut québécois de planification financière (IQPF).
«Si vous vous entêtez à mettre des actions canadiennes dans le REER au détriment de votre compte non enregistré, vous devez générer en moyenne un rendement supplémentaire de 7,4 points de pourcentage sur vos titres à revenu fixe sur une période de 35 ans ! Et si j’ajoute des frais de 1 %, l’écart monte à 8 points de pourcentage», a-t-il poursuivi.
Pour le CELI, la cotisation n’est pas déductible du revenu, mais le revenu de placement n’est pas imposable et les retraits sont libres d’impôt. Or, à l’instar du REER, les crédits d’impôt attribuables aux dividendes sont perdus lorsque les actions sont placées dans le CELI, d’où le traitement fiscal moins avan-tageux par rapport au compte non enregistré.
En conséquence, Richard Lalongé a calculé que le client doit obtenir un rendement supérieur de 1,5 à 2 points de pourcentage sur ses titres à revenu fixe pour égaler le fait de mettre des actions canadiennes dans le CELI plutôt que dans un compte non enregistré.
Si le client utilise le CELI comme fonds d’urgence, il est par ailleurs recommandable d’y injecter des titres à revenu fixe.
2. Titres étrangers
La deuxième étape consiste à investir les actions étrangères (ou les fonds d’actions étrangères) dans les comptes non enregistrés ou dans la fiducie. Cette préférence découle des règles d’imposition du revenu étranger.
En général, un tel revenu fait l’objet de retenues à la source, peu importe quelle personne ou quelle structure détient les titres. Cette retenue varie de 0 à 35 %, selon les lois fiscales du pays d’origine et la nature du produit.
Or, pour les comptes enregistrés, comme le REER et le CELI, le client ne peut généralement pas récupérer l’impôt payé sur le revenu étranger, a souligné Richard Lalongé.
«Ça occasionne donc des frais supplémentaires. À titre indicatif, lorsque le rendement total du placement est de 7,5 %, dont 2 % proviennent du dividende, cela équivaut à payer des frais supplémentaires de 0,3 point de pourcentage», a-t-il calculé.
Certaines exceptions peuvent s’appliquer. Par exemple, aucun impôt américain n’est retenu sur les dividendes versés sur des titres de sociétés américaines détenus dans votre REER.
Par ailleurs, il vaut mieux éviter la société de portefeuille pour les actions étrangères, a-t-il ajouté. Les règles sur les sociétés font en effet perdre au contribuable certains avantages par rapport à ceux qu’il obtient s’il investit plutôt des actions canadiennes dans sa société.
Résultat : l’actionnaire doit obtenir un rendement supplémentaire de 1,25 point de pourcentage sur 25 ans sur les actions étrangères de sa société afin d’obtenir le même montant que s’il y avait investi dans des actions canadiennes (0,6 point de pourcentage s’il s’agit d’actions américaines), observe le fiscaliste.
Autrement dit, une action canadienne qui rapporte 6,25 % de rendement, dont un dividende de 2,3 %, cela équivaut à un revenu étranger de 7,5 %, dont 3,5 % du rendement provient du dividende. «Mettre des actions américaines ou internationales dans une société, c’est un » pensez-y bien ! « » dit-il.
Les obligations étrangères ont également un léger désavantage par rapport aux obligations canadiennes lorsqu’elles sont investies dans une société de portefeuille.
«On les préfère dans ce qui est non enregistré et dans les fiducies parce qu’un processus permet de récupérer les impôts étrangers retenus à la source. Généralement, on devrait récupérer 100 % des crédits d’impôt étrangers si le taux de retenue demeure dans les normes, soit 10 % sur les intérêts et 15 % sur les dividendes», a ajouté Richard Lalongé.
3. Actions privilégiées canadiennes
À la troisième étape, les actions privilégiées (ou les fonds d’actions privilégiées) devraient être investies dans les comptes non enregistrés et la fiducie. Le client pourrait tout aussi bien choisir sa société de gestion s’il se verse un dividende annuel taxable, a conclu Richard Lalongé, après l’examen de l’impact fiscal sur chaque personne ou structure.
«On pourrait aussi privilégier le REER. Si dans la situation de votre client, rendu à l’étape 5, il vous reste des actions canadiennes à placer dans votre portefeuille et qu’il demeure de l’espace dans votre REER, vous pourriez à ce moment revenir en arrière et peut-être déplacer les actions privilégiées pour les mettre dans le REER», poursuit-il.
Il serait donc préférable de perdre le traitement fiscal avantageux du dividende plutôt que le potentiel de gain en capital attribuable aux actions canadiennes.
4. Obligations restantes
À cette étape, si on n’a pas eu la place suffisante pour intégrer toutes les obligations canadiennes (ou les fonds d’obligations canadiennes) dans nos comptes enregistrés (soit le REER, le FERR, le CRI, etc.), les obligations restantes devraient d’abord être placées dans les comptes non enregistrés ou la fiducie, et ensuite dans la société, d’après Richard Lalongé.
«Si on investissait les titres à revenu fixe dans la société, il faut que ce soit fait pendant au moins 21 ans pour privilégier la société plutôt que ce qui est non enregistré», a-t-il découvert.
«C’est préférable de choisir la fiducie et les comptes non enregistrés. Surtout lorsqu’on fait face à une fiducie testamentaire qui offre encore, pour le moment, l’avantage d’avoir des taux d’imposition progressifs. Pour une fiducie entre vifs, vous pouvez taxer les revenus d’intérêt entre les mains des bénéficiaires, qui peuvent avoir un taux d’imposition moindre que celui du client», a-t-il mentionné.
5. Actions canadiennes
À la dernière étape, on peut combler les autres comptes avec les actions canadiennes (ou les fonds d’actions canadiennes), en commençant d’abord par la fiducie, les comptes non enregistrés et la société, puis le CELI, d’après le fiscaliste. On évite le REER.
«Attention, s’il demeure de l’espace dans vos REER, revenez à l’étape 3 et favorisez d’abord les actions privilégiées et ensuite les actions étrangères dans le REER», a averti Richard Lalongé. À son avis, perdre le traitement fiscal avantageux des dividendes puis le crédit d’impôt étranger peut devenir alors un moindre mal.
«Entre le REER et le CELI, on préfère conserver les actions dans le CELI, étant donné le potentiel de croissance plus grand et les retraits non imposables du CELI», a-t-il fait valoir par ailleurs.