« Nous n’avons pas su répondre aux attentes », indique Margaret Franklin. Mme Franklin, ancienne présidente du CFA Institute, était l’une des intervenantes de la Conférence Morningstar sur le placement qui a eu lieu à Toronto la semaine dernière. Le public était principalement composé de conseillers financiers.
« Ce que je crains le plus, c’est que nous passions d’un rassemblement d’investisseurs à un rassemblement d’épargnants, dit Mme Franklin. Les gens vont s’en aller et dire « je n’ai plus confiance; je vais instaurer un programme d’épargne. » Nous savons tous combien il est difficile d’épargner suffisamment de capitaux pour les confier à des gens comme nous. Mais ils le font en présumant que nous sommes compétents et que nous avons leurs intérêts à cœur. »
Que signifie la nouvelle normalité pour les conseillers et les clients? Voici quatre points développés par Mme Franklin.
Parlez franc
Cinq ans après la pire crise économique depuis la Grande Dépression, les clients sont prêts pour des discussions franches. « Ils comprennent ce qui se passe et seront bien meilleur public, dit Mme Franklin. Les conversations doivent être redéfinies en fonction de nos attentes et des résultats. Le risque, nous pouvons le gérer d’une manière ou d’une autre. L’incertitude est bien plus difficile à gérer et nous devons donc guider nos clients à travers cette situation. »
Jadis, les clients auraient parfois protesté si on leur avait dit que leurs objectifs financiers étaient irréalistes. Maintenant, ils apprécient la franchise. Mme Franklin se rappelle un couple de la quarantaine avec des salaires élevés qui voulaient tout : acheter une maison de campagne, inscrire les enfants dans des écoles privées et prendre leur retraite dans la cinquantaine.
Elle a calculé que ce couple devrait obtenir un rendement de 23 % par an sur ses placements, sans compter qu’il devrait quand même contribuer environ un tiers de son revenu après impôts. Donc, impossible. Mais voici la bonne nouvelle : « Mes clients ne me laissent pas tomber parce que je ne peux pas leur fournir le portefeuille qu’ils veulent pour prendre leur retraite dans 10 ans », dit Mme Franklin.
Certains d’entre eux peuvent avoir besoin d’une meilleure éducation sur le risque et le rendement des placements d’autrefois par rapport à aujourd’hui. Mme Franklin prend sa belle-mère en exemple. Cette dernière, qui avait alors 76 ans, avait demandé à Mme Franklin d’examiner les recommandations de placement faites par son conseiller financier. Mme Franklin avait été effarée de voir un portefeuille pondéré en partie d’actions risquées américaines et des marchés émergents.
Pourquoi des choix si risqués? Apparemment, sa belle-mère avait dit au conseiller qu’il lui fallait un rendement de 9 % puisque c’est ce qu’elle avait réussi à obtenir avec des CPG plusieurs décennies auparavant. Certes, plus de risque signifiait traditionnellement plus de rendement, mais de nos jours les choses sont plus compliquées. À l’heure actuelle, nous sommes dans une conjoncture à rendement inférieur et, de surcroît, la volatilité est bien plus élevée, dit Mme Franklin.
Soyez un fiduciaire
Tout simplement : mettez la barre le plus haut possible, sans quoi vos affaires vont être réduites à néant, dit Mme Franklin. Elle croit que dans la complexité accrue du monde des finances, seuls survivront les spécialistes informés et intègres. « Je pense que cette profession passera du capitalisme organisationnel et financier au capitalisme fiduciaire, dit-elle. On voit dans le monde entier un dialogue s’instaurer sur les règles de pertinence. Qui a une mentalité de fiduciaire et qui ne l’a pas? »
Pour rester dans ce club d’élite, ne cessez jamais d’apprendre, tenez-vous au courant des nouvelles normes de réglementation, et comprenez mieux les placements que vous incorporez au portefeuille de vos clients.
« Je pense que c’est notre plus gros défi, dit Mme Franklin. Nous devons vraiment prendre le temps de comprendre les caractéristiques essentielles des stratégies de placement que nous proposons. Il se peut aussi qu’il nous faille envisager une gamme d’actifs plus large que nous ne l’aurions fait normalement. »
Redéfinissez le risque
Reconnaissez que la volatilité du rendement a un impact énorme sur le comportement, dit Mme Franklin. Même si cinq années se sont écoulées, les clients ressentent toujours l’impact de l’effondrement boursier de 2008-2009, et certains investisseurs sont extrêmement réticents à s’aventurer de nouveau dans les actions. Puisque la volatilité est plus élevée aujourd’hui, certains ont peur de se trouver dans une situation où ils doivent retirer leur argent d’un portefeuille qui se comporte mal. « Des retraits dans un marché volatil à la baisse peuvent s’avérer extrêmement douloureux », dit-elle.
Quand on parle de risque, la liquidité est une autre considération. Bien que les clients nantis de Mme Franklin aient suffisamment d’actifs, ils ont appris que la liquidité ne consistait pas seulement à avoir deux années de disponibilités pour traverser les périodes difficiles, mais aussi à avoir mis de l’argent de côté pour acquérir des placements à prix réduits. De nombreuses actions de premier ordre avaient baissé de 40 % mais se sont considérablement renforcées au cours des cinq dernières années.
Ne sous-estimez pas l’aspect capital humain d’un plan financier. La personne concernée touchera-t-elle toujours des revenus stables pour alimenter ses investissements? « Je vois de plus en plus de personnes dans la cinquantaine venir me voir parce qu’ils ont du mal à remplacer un revenu de 250 000 $ ou de 500 000 $. Cela représente 10 à 15 ans de revenu qu’ils comptaient recevoir », indique Mme Franklin.
Communiquez mieux
Si la communication est votre point fort, dit Mme Franklin, vous avez un immense avantage concurrentiel. « Notre profession n’est pas bonne dans la communication. »
One se concentre plutôt sur les chiffres et les tableaux. « Nous avons beaucoup d’aisance dans les chiffres, et la manipulation des corrélations, écarts-types, risques à la baisse et retraits maximums, mais nous allons avoir plus de scénarios et de test de tension à offrir pour vraiment ouvrir les yeux des gens, dit Mme Franklin. Mesurer ne vaut pas gérer. »
Enfin, il arrive que la communication avec le client n’ait rien à voir avec les placements. « Quelquefois, votre discours peut suggérer au client qu’il doit dépenser moins que ce qu’il gagne et, de façon plus spécifique, lui donner un montant à économiser, dit Mme Franklin.
Photo: Bloomberg News