Éléments de fiscalité d’entreprise

Pour saisir dans quelles circonstances le dividende peut être plus intéressant que le gain en capital et inversement, il est nécessaire de réviser certains concepts fiscaux généraux.

L’intégration fiscale est un principe selon lequel un individu devrait payer autant d’impôt sur du revenu gagné directement que s’il avait gagné celui-ci par l’intermédiaire d’une société. Ainsi, le taux d’imposition combiné au sein de la société et à titre personnel devrait égaler, à revenu équivalent, le taux d’imposition d’un particulier.

Ce principe s’applique aux sociétés privées canadiennes détenues par des actionnaires canadiens, dont notamment les sociétés de professionnels (médecins, avocats ou comptables incorporés, par exemple) ou les propriétaires d’entreprises ayant une société de gestion, soit les cas les plus typiques.

Afin de garantir l’application de ce principe, l’impôt des sociétés est assorti de mécanismes qui permettent le versement de sommes au particulier ou à la société dans certaines circonstances. Le compte de dividendes en capital (CDC) en est un exemple.

Ce compte théorique sert à verser à l’actionnaire en franchise d’impôt la moitié non imposable d’un gain en capital réalisé au sein de la société. On s’assure ainsi de conserver la nature non imposable du gain, sans quoi il pourrait y avoir imposition indue entre les mains du particulier au moment de lui verser le dividende.

Par exemple, si une société de gestion réalise un gain en capital de 100 000 $, 50 000 $ sont imposés au sein de la société au taux de 46,57 % et les autres 50 000 $ peuvent être versés en franchise d’impôt à un actionnaire sous forme de dividende en capital. Le gain net d’impôt demeurant au sein de la société est imposable s’il est versé à l’actionnaire.

Une deuxième notion essentielle au principe d’intégration fiscale est l’impôt en main remboursable au titre de dividendes (IMRTD). Il s’agit d’une écriture comptable qui permet de suivre l’impôt payé par une société sur ses revenus de placement. Comme son nom le suggère, cet impôt est remboursable au moment où la société verse un dividende imposable à un actionnaire.

Le solde d’impôt remboursable au titre de dividende est égal à la somme des impôts payés par la société sur ses revenus de placement de toutes provenances. Le remboursement au titre de dividende (RTD) s’effectue à hauteur du tiers du versement du dividende, tout en respectant le solde d’impôt remboursable disponible. Ainsi, si une société verse un dividende de 30 000 $ à un actionnaire et qu’elle dispose d’un solde d’IMRTD de 20 000 $, elle se voit rembourser 10 000 $ d’impôt et le solde d’IMRTD est réduit à 10 000 $.

Bonnes questions

Ces concepts mènent à considérer la situation d’ensemble du client effectuant des placements par l’intermédiaire d’une société au moment de prendre une décision d’investissement réfléchie sur le plan fiscal.

Quel est son taux d’imposition personnel ? Quel sera le taux d’imposition des placements dans sa société ? Si l’on considère l’IMRTD, quel est le taux d’imposition total aux niveaux personnel et de société, remboursement d’impôt inclus ? Le client a-t-il d’autres revenus qui influencent son taux d’imposition présentement ? Ces revenus vont-ils diminuer avec le temps ? Le client a-t-il besoin de revenus réguliers ou envisage-t-il de reporter l’impôt à plus tard en faisant fructifier le capital au sein de sa société ?

Les réponses variables à ces questions sont très importantes, puisque les taux d’imposition des revenus de placement au sein d’une société et le taux de RTD sont fixes, tandis que l’impôt des particuliers est progressif.

Prenons l’exemple d’un entrepreneur de 58 ans à la retraite. Ce dernier a accumulé 1 000 000 $ au sein de sa société et n’a jamais cotisé à un REER. Il désire obtenir un rendement de 5 % par année, soit l’équivalent de 50 000 $, pour ensuite se verser ce montant net d’impôt de société.

Si l’entrepreneur décide d’orienter son portefeuille vers les dividendes déterminés reçus de sociétés canadiennes, la société doit payer un impôt de 33,33 % sur les dividendes reçus, après quoi elle verse le montant restant de 33 333,33 $ à l’actionnaire. La société reçoit ensuite un remboursement du tiers du montant du dividende versé. Le client, quant à lui, paie un impôt de 5,66 %. Il lui reste donc dans ses poches 31 466,67 $ une fois l’impôt payé. Le montant total net d’impôt combiné (particulier-société) restant est de 42 557,78 $. La différence est l’impôt remboursé à la société.

Si l’entrepreneur opte pour le gain en capital, la société paie 46,57 % d’impôt sur la moitié du gain, soit 11 642,50 $. Elle verse en franchise d’impôt l’autre moitié du gain, soit 25 000 $. Le gain net d’impôt de 13 357,50 $ est versé sous forme de dividende ordinaire au client et imposé entre ses mains à 14,48 %, ce qui lui laisse 11 423,33 $. Au moment du versement du dividende, il y a RTD de 4 452,50 $ dans la société. Au final, si l’on additionne les sommes nettes d’impôt reçues par l’investisseur et l’impôt remboursé au sein de la société, le total est de 40 875,93 $.

Dans ce cas précis, le dividende est plus intéressant que le gain en capital si l’on tient compte des liquidités disponibles pour le particulier et pour la société. Si l’on tient compte uniquement du montant restant dans les poches de l’investisseur, le gain en capital est plus intéressant.

Cependant, si l’on effectue les mêmes calculs avec un autre client ayant le même objectif de réaliser puis de se verser un rendement de 5 %, mais sur un portefeuille trois fois plus important, c’est le gain en capital qui l’emporte avec une somme globale nette d’impôt de 117 971,08 $ par rapport à 103 983,33 $ pour le dividende déterminé.

Une question de taux personnel

De façon générale, dans un scénario où un investisseur désire recevoir du revenu, le plus important facteur à examiner avant de déterminer quel type de rendement générer et quel type de revenu verser est le taux d’imposition personnel de l’investisseur. Il ne faut pas examiner que le traitement fiscal du gain en capital au sein de la société, qui, à première vue, paraît plus attrayant que le dividende. Tout cela est vrai, bien sûr, si l’on tient compte des liquidités restantes dans la société et entre les mains de l’actionnaire.

Le gain en capital permet toujours au client de recevoir davantage de revenu. Également, à partir d’un revenu d’environ 83 000 $, la balance penche en faveur du gain en capital pour le solde de liquidités global après impôt.

La conclusion demeurerait la même si l’investisseur se versait un montant équivalent au dividende ou au gain en capital perçu plutôt que le montant net d’impôt de société. Toutefois, des soldes suffisants d’IMRTD et de CDC sont nécessaires pour effectuer des versements en profitant des attributs fiscaux de ces comptes.

Il est important de noter que ces exemples simples ont pour prémisses que le contribuable concerné n’a pas de conjoint(e), n’a pas d’enfant à charge et vit au Québec. Ils servent à illustrer des concepts généraux, et la situation de chaque client devrait être révisée avec un professionnel en fiscalité avant de déterminer la meilleure stratégie à adopter dans leur cas précis.