Vers la fin des «temps partiels» ?
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Une bonne partie de l’explication vient d’un calcul d’opportunité.

«Ces conseillers en sécurité financière considèrent qu’il est plus rémunérateur de garder leurs blocs d’affaires – ou leurs books – plutôt que de les vendre. Par exemple, si un bloc d’affaires rapporte 50 000 $ par année, ce type de conseillers se dira qu’il est plus payant de le garder à vie. Car s’ils le vendent, ils pourraient en tirer 150 000 $, soit un multiple de trois fois les bénéfices, ce qui ne représente que trois années de commissions», illustre Yan Charbonneau.

Le problème, c’est que «trop de conseillers font ce calcul, comme si leurs blocs d’affaires équivalaient à des rentes annuelles».

En effet, dans leur cas, explique-t-il, il n’y a plus de développement d’affaires.

«Ils n’ont pas rencontré leurs clients depuis cinq ou six ans et les dossiers sont peu informatisés. Ces conseillers ne sont pas au courant des nouveaux produits. Certains considèrent même les formations organisées par les agents généraux (AG) comme des réunions d’un club social, utiles pour aller saluer les amis !» remarque le patron de AFL Groupe Financier.

L’âge n’est pas la question, précise Yan Charbonneau : «On peut avoir plus de 80 ans et être un très bon conseiller en sécurité financière. Là où ça se complique, c’est que trop de conseillers en sécurité financière conservent leurs blocs jusqu’à leur extinction sans fournir de services adéquats à leurs clientèles».

«Exaspéré»

Président de l’agent général Pro Vie assurances, Christian Laroche se dit «exaspéré par les conseillers en sécurité financière préretraités qui passent la moitié de leur temps en Floride».

Ce type de conseillers, dit Christian Laroche, «rencontrent rarement leurs clients. Ils considèrent leurs blocs d’affaires comme de belles rentes».

Nuisible aux agents généraux

D’après Sylvain Gagné, ex-directeur général associé chez l’agent général BBA Groupe financier, le «nombre élevé» de ce type de représentant en assurance de personnes nuit à l’ensemble de l’industrie du conseil et de l’assurance de personnes.

«Les préretraités qui ne veulent pas vendre leurs blocs d’affaires, mais qui veulent toucher leurs commissions tout en passant la moitié de l’année en Floride, donnent peu de services. Ils s’intéressent peu aux nouvelles technologies et ils ne mettent pas leurs connaissances à jour. En conséquence, ils peuvent commettre des erreurs involontaires», dit-il.

De plus, ajoute Sylvain Gagné, «comme ces préretraités ne vendent plus, ils n’aident pas les agents généraux à maintenir leurs volumes d’affaires auprès des assureurs».

«On finira par passer le balai»

Que pourraient faire les agents généraux face à ces conseillers en sécurité financière qui veulent encaisser leurs commissions de vente jusqu’à l’extinction de leurs blocs d’affaires, tout en n’étant que des ombres pour leurs clients ?

«Dans un monde idéal, cela devrait être interdit. Mais le modèle est ainsi fait que cette situation continue à perdurer», déplore Christian Laroche.

Toutefois, ajoute-t-il, la patience des agents généraux n’est pas infinie.

«À un moment donné, les agents généraux pourraient se mettre à vérifier le volume de ventes des conseillers en sécurité financière et à inciter les conseillers peu performants à vendre leurs blocs d’affaires», dit Christian Laroche.

Selon Sylvain Gagné, ce jour pourrait être proche à cause des impacts du mouvement actuel vers la divulgation des commissions.

«Tôt ou tard, il arrivera en assurances de personnes ce qui arrive en épargne collective : les conseillers devront dévoiler leurs commissions. À ce moment-là, il y aura une vague de départs volontaires chez les conseillers en sécurité financière à temps partiel qui passent la moitié de leur temps en Floride», remarque Sylvain Gagné.

L’ex-dirigeant de BBA Groupe financier croit que «les AG vont finir par passer le balai».

Pourquoi ? «Parce que les autorités de réglementation comme l’Autorité des marchés financiers deviendront plus exigeantes par rapport à la conformité», répond-il.

Yan Charbonneau est de cet avis : «En épargne collective, le conseiller doit rencontrer ses clients chaque année ou aux trois ans, selon les profils. Le jour où ces rencontres deviendront obligatoires en assurance de personnes, les conseillers préretraités qui n’encaissent que leurs commissions de vente devront laisser leur place.»

Le patron de l’agent général AFL Groupe Financier évoque une autre possibilité.

«Si les autorités de réglementation choisissent de rattacher les conseillers en sécurité financière à un seul agent général, et que l’agent général en vienne à être responsable de ces conseillers au point de vue de la conformité, les conseillers à temps partiel disparaîtront alors rapidement», indique-t-il.