Selon lui, des gens préfèrent acheter des assurances sans intermédiaire, à l’image des épargnants qui choisissent des sites de courtage à escompte.
«L’industrie de l’assurance de personnes devra tôt ou tard répondre à cette demande, à la condition d’informer les consommateurs de façon adéquate et de leur donner la possibilité de joindre un conseiller», précise Yves Millette.
Dans le milieu du conseil, cet avis ne fait pas l’unanimité.
«Les produits d’assurance de personnes sont compliqués, à tel point que même les conseillers peinent à s’y retrouver. Les cabinets de services financiers indépendants devront se réveiller en 2015», prévient Gino Savard, président de Mica Services financiers, l’une des deux voix discordantes parmi les 20 intervenants qui ont participé à la consultation publique de l’AMF (http://tinyurl.com/kxlc9c4).
Pour sa part, Michel Kirouac, vice-président directeur général du Groupe Cloutier, souhaite que les orientations retenues par l’AMF soient l’équivalent d’un document «en première lecture» : «J’espère que le contenu pourra changer !»
Rejoindre les jeunes
Président de l’agent général Pro Vie assurances, Christian Laroche pense que la proportion de clients qui désirent acheter eux-mêmes leurs protections d’assurance, sans conseiller, est relativement élevée.
«Parmi les 10 000 leads générés par notre système de référencement Web en 2014, on en a perdu de 10 à 15 % parce qu’il fallait les référer à des conseillers. Ces clients potentiels voulaient faire la transaction eux-mêmes, de A à Z», évalue Christian Laroche.
Rappelons que le référencement Web de Pro Vie assurances repose principalement sur les sites ClicAssure.com, PrixAssuranceVie.ca et MonHypothequeMesAssurances.com.
Or, parmi les amateurs du «faites-le-vous-même» signalés par Christian Laroche, se trouvent particulièrement des clients jeunes.
«Nous savons tous que les plus jeunes se déplacent inexorablement sur Internet», constate Robert Landry, consultant et ex-vice-président exécutif de AXA Canada.
Intitulée «Canadian Billion Dollar Baby Revisited», une étude de LIMRA publiée en 2014 en dit davantage sur leurs comportements d’achat.
Parmi les membres de la génération Y (les 18 à 32 ans) qui reconnaissent être insuffisamment couverts en assurance de personnes, pas moins de 18 % voudraient acheter leurs protections sur Internet. Chez les X (les 33 à 48 ans) dans la même situation, la proportion est de 13 %, et chez les babyboomers (les 49 à 67 ans), elle diminue à 6 %. Ces consommateurs ne veulent pas de rencontres face à face ou par téléphone avec des conseillers.
En théorie, ces proportions de 18 % de Y et 13 % de X pourraient ainsi trouver à s’assurer sur Internet, sans l’intervention d’un conseiller, si des sites transactionnels leur permettaient de le faire. «Les individus qui ne sont pas assurés pourraient au moins se procurer une couverture d’assurance minimale sans l’intervention d’un conseiller», convient Carl Thibeault, vice-président principal chez Services financiers Groupe Investors.
Par contre, ajoute-t-il, l’achat sans représentant pourrait bien avoir un impact négatif inattendu auprès des clients qui ont déjà un conseiller.
«Un certain nombre de clients qui ont du conseil pourraient être tentés de faire eux-mêmes leurs transactions d’assurance de personnes sur Internet. Ils risqueraient toutefois de faire des erreurs qui leur seraient préjudiciables», dit Carl Thibeault.
Cette possibilité de fuite de clientèles n’échappe pas à l’ancien président du conseil d’administration de la Chambre de la Sécurité Financière. Car Dany Bergeron pense aussi qu’un bon nombre de consommateurs pourraient quitter leurs conseillers actuels, afin de payer moins cher à des sites transactionnels de sociétés financières.
«Qu’arrivera-t-il si plusieurs clients préfèrent payer moins cher ? Est-ce que le conseil pourrait disparaître ? Les conseillers devront-ils se mettre à facturer leurs services de façon séparée ? Si on accepte l’existence de sites transactionnels sans conseillers, je crois que l’AMF devra alors s’enquérir, par sondage, si le public est prêt ou non à payer le conseil en tant que tel», dit-il.
La tarte s’agrandira
Vice-président principal, administration et ventes chez l’Industrielle Alliance, Bruno Michaud pense toutefois que les conseillers ont encore de beaux jours devant eux.
«En 2013, 45 % des gens affirmaient être insuffisamment assurés. En 1999, c’était 33 %», souligne-t-il en évoquant le sondage de LIMRA cité plus haut.
«Ce qui empêche les consommateurs de passer à l’action, c’est l’inertie. Personne ne se réveille un beau matin pour se dire que le moment est venu d’acheter de l’assurance. Ce sont les conseillers qui font passer à l’action», résume Bruno Michaud.
C’est pourquoi, selon lui, d’autres canaux comme Internet peuvent s’ajouter, sans que cela réduise la place occupée par les conseillers.
Cela dit, Robert Landry pense que les conseillers qui se spécialisent dans des produits simples, comme l’assurance temporaire, devraient rapidement réorienter leur pratique.
«Ils ont raison d’être inquiets, car l’achat de temporaires pourrait facilement se faire sur Internet. Par contre, les conseillers spécialisés en produits complexes pour des besoins haut de gamme, professionnel et commercial, peuvent dormir en toute tranquillité», dit-il.