«Nous sommes le conseiller des deux parties et bien les servir de façon impartiale permet souvent de conserver deux clients au lieu d’en perdre un, voire deux», affirme François Langlois, représentant en assurance de personnes et conseiller en placement chez Placements Manuvie à Montréal.

Jean-Denis Côté, planificateur financier et conseiller en sécurité financière chez Services financiers Planica, à Québec, a déjà vu un jugement de divorce obliger un père à garantir par une assurance vie le paiement de la pension alimentaire accordée à son ex-épouse, tant et aussi longtemps que leurs enfants resteraient à sa charge.

En 23 ans de pratique, François Langlois n’a pas connu de situation insoluble. Il recommande en tout premier lieu aux deux parties de préparer, soit en Cour, soit à l’amiable, «dès que les émotions le permettent, une entente de séparation bien détaillée». Celle-ci devrait prévoir la possibilité du décès des deux conjoints, en ciblant particulièrement la personne qui versera une pension alimentaire, et d’établir des prévisions de besoins pour les enfants jusqu’à leur majorité.

«Il faut prendre le temps d’examiner tous les détails pour subvenir aux besoins des enfants», insiste François Langlois.

Ensuite, il demande à revoir les parents pour dresser leur bilan financier et examiner les polices d’assurance en vigueur avant d’en proposer de nouvelles en fonction de leurs besoins.

Vive les polices croisées

Yves Guillot est conseiller en sécurité financière et directeur régional du cabinet Mica services financiers à Gatineau. Deux médiateurs chargés d’aider les couples en instance de divorce à établir leur accord de séparation lui envoient souvent des femmes moins informées que leur ex-conjoint en matière de finances.

En divorçant, «on subit de grandes pertes financières dans les deux cas», indique-t-il.

À son avis, la meilleure façon de couvrir les besoins des enfants mineurs est de souscrire deux polices croisées sur la vie des ex-époux. Madame devient propriétaire, payeur et bénéficiaire irrévocable d’une assurance sur la vie de Monsieur. Et Monsieur fait de même, même si le capital assuré des deux polices peuvent différer.

La plupart du temps François Langlois recommande d’acheter une police temporaire sur 10 ou 15 ans, selon l’âge des enfants, et de prévoir à qui reviendra toute prestation en excès des besoins de la pension alimentaire.

«L’obligation alimentaire peut aussi durer au-delà du 18e anniversaire des enfants, dans le cas de jeunes qui poursuivent des études universitaires ou encore d’un enfant handicapé à charge», note-t-il.

François Langlois ajoute que les enfants mineurs ne peuvent pas gérer eux-mêmes le montant reçu de l’assurance.

Sauf dans le cas de fonds qui proviennent d’un régime public, celui de l’assurance automobile par exemple, le patrimoine d’un mineur ne doit pas être utilisé pour couvrir ses besoins quotidiens, tant que les parents légaux sont capables d’y subvenir, précise Jean-Denis Côté, citant un document du Curateur public du Québec.

Lorsqu’un des ex-conjoints refuse l’option des polices d’assurance croisées, parce qu’il devrait alors payer une prime plus élevée sur la vie de son ex que celle que ce dernier paye sur la sienne par exemple, François Langlois suggère parfois que les parents créent une fiducie d’assurance. Les enfants du couple seront les bénéficiaires de cet arrangement, et le fiduciaire sera une personne qui jouit de la confiance des deux ex-conjoints.

Gérer l’invalidité

Selon Jean-Denis Côté, les ex-conjoints devraient refaire leur testament. Puisque cela entre dans le domaine juridique, il s’abstient de formuler des recommandations, mais informe les clients qu’ils devraient voir leur notaire.

Qui devrait assumer la prime d’assurance vie en cas d’invalidité ? Comme sa clientèle provient principalement de la fonction publique, Yves Guillot note que les protections collectives fournissent souvent aux clients le revenu nécessaire au paiement de la prime d’assurance vie. Sinon, une police invalidité supplémentaire peut être utile.

«On ne peut pas se surassurer contre l’invalidité», souligne-t-il, évoquant la frontière des deux tiers du revenu annuel. Cependant, cette limite peut être légèrement dépassée en protégeant le remboursement d’une hypothèque ou d’une autre dette contre l’invalidité.

Jean-Denis Côté ajoute que la valeur accumulée dans une police vie entière ou universelle peut servir à payer les primes dans certains cas, et qu’une assurance invalidité prévoit souvent à peu de frais une exonération de prime pendant une invalidité.

«C’est au moment d’établir le bilan de chacun qu’il faut évaluer l’impact d’une perte de revenu», précise François Langlois.

Fractionnement difficile

Selon Yves Guillot, ce qui peut arriver de pire à un conseiller dont les clients divorcent, découle de l’existence d’un contrat d’assurance conjoint dont les deux ex-époux sont propriétaires. Le fractionnement est complexe à cause de l’écart de coût (en fonction de l’âge et du sexe de chacun) entre les deux nouvelles souscriptions à établir.

Yves Guillot ne recommande pas ce type de couverture. Il juge que la différence entre les primes, par rapport à celles de deux polices indépendantes, est trop mince au regard des difficultés à envisager.

Jean-Denis Côté attire aussi l’attention sur la complexité d’une transformation d’un contrat conjoint généralement permise par les assureurs. Il faut d’abord vérifier si le besoin pour lequel la police a été émise (par exemple le remboursement d’un emprunt) existe encore. Il lui arrive de recommander aux cotitulaires de maintenir en vigueur la police émise, non pas au nom du couple, mais au nom des deux individus, qu’ils soient unis ou non.

Il restera alors à négocier qui paiera la prime et qui seront les bénéficiaires.

Selon l’expert, il faut aussi se méfier de l’intention de certains divorcés de garantir leurs obligations alimentaires à même leur caisse de retraite. Il parle d’un «capharnaüm épouvantable». Par exemple, dit-il, la définition du mot conjoint diffère selon que le régime de retraite est régi par les lois fédérales ou par les lois provinciales. Cela oblige notamment à communiquer avec l’administrateur du régime.