Près de quatre ans plus tard, il semble que nous n’avons toujours pas traversé le désert. Est-ce normal ? «Les bas taux d’intérêt sont la nouvelle norme, affirme Michel Bergeron, associé et responsable de l’industrie des services financiers pour le Québec chez EY. Éventuellement, il y aura hausses de taux. Mais ces hausses seront minimes.»
Le «Rapport sur les institutions financières» (http://tiny.cc/d267zx) explique comment les assureurs de personnes se sont adaptés à la persistance des bas taux : en augmentant la tarification des produits qui offrent des garanties à long terme ; en modifiant l’offre de produits par l’ajout de protections à primes ajustables ou avec participation ; en retirant de leur portefeuille des produits avec garanties à long terme ; en abandonnant certains marchés, et parfois même, en faisant l’acquisition d’autres assureurs.
Le rapport ajoute que les récentes hausses tarifaires en vie entière «ont eu un effet dissuasif» sur le remplacement des polices. En conséquence, les taux de déchéance ont diminué. La rentabilité des vies entières en a souffert, puisque les assureurs s’attendaient à des taux de déchéance plus élevés.
C’est pourquoi l’AMF juge que la baisse des taux de déchéance constitue «un facteur de risque» qui doit être suivi.
Selon James McMahon, président pour le Québec du Groupe Financier Horizons, «les hausses tarifaires en vies entières ne sont pas terminées. Il y en aura d’autres». Étant donné la difficulté à rentabiliser les produits à long terme, certains de ces produits disparaîtront également du portefeuille de certains assureurs. «Ce sera par exemple le cas de certaines temporaires 100 ans (T100)», prévoit-il. Par contre, ajoute James McMahon, les ventes de T10 et de T20 échapperont aux hausses tarifaires.
«Les assureurs considèrent les T10 et les T20 comme des portes d’entrée vers d’autres produits. Par exemple, ils s’attendent à ce qu’un certain nombre de T10 et T20 soient converties en produits permanents. C’est pourquoi les T10 et T20 seront tenues à l’écart des hausses de prix», dit-il.
Concentration accrue
À en juger par l’évolution des parts de marché selon les primes directes souscrites au Québec, l’assurance de personnes poursuit son mouvement de concentration.
En 2013, les trois premiers assureurs (ou groupes d’assureurs) captaient 48 % des primes. Un an plus tard, le pourcentage a atteint 50 %. Les cinq premiers assureurs occupaient 70 % du marché en 2013, par rapport à 71 % en 2014.
Cette concentration est-elle excessive ? Non, selon un indice de concentration retenu par l’AMF. Le secteur de l’assurance de personnes reste un peu plus concentré que celui de l’assurance de dommages.
Cependant, le régulateur québécois constate que «les marchés des rentes individuelles et collectives sont fortement concentrés». En 2014, les trois assureurs les plus importants du marché des rentes individuelles détenaient 71 % des parts cumulatives de ce marché, et ils détenaient 89 % des parts cumulatives du marché des rentes collectives. Et les cinq plus importants, 85 % et 98 %, de ces marchés respectifs. Ces pourcentages sont en hausse par rapport à 2013.
«Bien que la concentration soit élevée, la concurrence existe et elle est saine. Les prix sont concurrentiels et l’offre de produits est vigoureuse, notamment dans les nouveaux produits», remarque Michel Bergeron.
Selon l’associé d’EY, il est toutefois inutile de s’attendre à un élargissement de la concurrence causé par la venue d’assureurs de personnes d’autres pays.
«Le marché canadien est mature. La croissance se trouve principalement en Asie, en raison du développement accéléré des classes moyennes», dit-il.
Marges sous pression
Le rapport souligne qu’il est impossible de connaître les bénéfices que les assureurs de personnes réalisent au Québec. Leurs bénéfices portent sur l’ensemble de leurs affaires, ce qui inclut divers domaines comme la gestion de patrimoine, ainsi que tous les territoires sur lesquels les assureurs se déploient, comme les États-Unis.
Voilà pourquoi les chiffres qui portent sur la croissance du bénéfice et du chiffre d’affaires sont à prendre avec un grain de sel.
En 2014, le bénéfice net des assureurs a atteint 12,8 G$, soit une hausse de 9 % par rapport à 2013. «La croissance annualisée des bénéfices nets depuis 2010 est de près de 20 %», lit-on dans le document de l’AMF.
Quant aux primes nettes, elles ont augmenté de 13,6 % en 2014, le revenu des primes nettes souscrites atteignant 57,1 G$. En 2013, la croissance annuelle s’établissait à 0,2 %, et le revenu, à 50,2 G$. Mais comme le signale le rapport, «cette forte croissance pourrait s’expliquer notamment par des opérations de réassurance importantes effectuées à l’extérieur du Canada par des assureurs à charte autres que ceux du Québec».
Selon Michel Bergeron, les assureurs font face aux défis des marges et de la croissance. «Les assureurs pourront y répondre en développant des produits pour les nouvelles générations, avec processus de ventes accéléré», dit-il. James McMahon avance une autre opinion : «L’innovation et la croissance viendront notamment de l’adaptation des assureurs aux futurs changements en fiscalité qui entreront en vigueur en janvier 2017. Pour cette raison, je pense qu’on pourrait bientôt assister à une importante vague de changements.»