«À la suite de la crise financière, si on regarde les événements humblement, on se rend compte que la façon de bâtir un portefeuille, sur le plan de la gestion active de la duration, a très mal traversé cette période», indique Roger Beauchemin.

«En 2011, la performance n’était toujours pas au rendez-vous, poursuit-il. Il y avait des acteurs exogènes au marché qui l’influençaient, par exemple, les assouplissements quantitatifs. Les modèles traditionnels d’économie et d’économétrie ne fonctionnaient plus.»

Depuis, Addenda a amélioré ses processus : «Avant de prendre un risque comme ceux que nous prenions dans le passé, étant donné certains indicateurs classiques, nous nous posons maintenant les questions suivantes : « Quel est le risque de phénomènes externes, et comment dosons-nous la prise de risque ? »»

La nomination de Jean-François Pépin – premier vice-président et co-chef de l’investissement en 2012 – à la tête de l’équipe obligataire a aussi contribué à renverser la vapeur, selon Roger Beauchemin.

«Jean-François Pépin a pris en main l’équipe obligataire. Nous avons aussi fait des changements quant à la façon d’étudier les obligations d’entreprise et quant aux gens qui formaient cette équipe.»

Addenda a également profité de l’occasion pour diversifier ses approches afin d’être en mesure d’offrir des solutions complètes à ses clients.

«Chez nous, près de 75 % de notre clientèle est investie en obligations. Nous offrons deux stratégies différentes, soit la gestion active de la duration, pour laquelle nous sommes déjà bien connus au Québec, et une autre démarche qui est davantage multistratégie, toujours avec des produits obligataires, note Roger Beauchemin. De plus, 12 % de notre clientèle est maintenant investie en actions, une portion qui croît rapidement, et 9 %, en hypothèques commerciales.»

Depuis trois ans, Addenda gère également à l’interne deux fonds de rendement absolu, qui cumulent un actif de 70 M$.

Nouveaux partenaires

«Si on regarde l’offre de services, c’est très vaste. Nous tentons d’offrir des solutions au client qui, d’ailleurs, a besoin de résoudre un vrai problème comme la volatilité ou l’appariement actif-passif par exemple. Nous sommes en mesure de proposer des solutions vraiment novatrices», soutient Roger Beauchemin.

Addenda détenait, à la fin de 2014, 1,2 G$ US en actif boursier, d’après une récente déclaration aux autorités américaines rapportée par Bloomberg. Les titres financiers représentaient 34,8 % de cet actif, l’énergie, 14,10 %, et les technologies de l’information, 12,33 %.

En septembre 2014, Addenda a également conclu un partenariat avec la société londonienne Rogge Global Partners, qui lui permettra d’offrir à ses clients une solution de placement dans le revenu fixe mondial.

Cette firme de 125 employés gère un actif de plus de 50 G$ US depuis ses bureaux de Londres, de New York, de Singapour et de Francfort.

«Rogge était très peu représentée au Canada, et avait reconnu le besoin d’accroître sa présence ici, soutient Roger Beauchemin. Ce partenariat nous donne la possibilité d’investir au-delà du Canada.»

Roger Beauchemin souhaite-t-il répéter l’expérience avec d’autres sociétés de gestion ailleurs dans le monde ?

«Nous ne pouvons pas être tout pour tout le monde, il faut connaître ses forces et ses faiblesses afin de déterminer si nous pouvons construire nous-mêmes la solution ou si nous devons faire appel à des spécialistes. Il y a peut-être certains créneaux d’intérêt pour conclure une alliance ou un partenariat avec une autre entreprise.»

Miser sur l’investissement responsable

En novembre 2012, Addenda Capital annonçait qu’elle était signataire des «Principes pour l’investissement responsable» des Nations Unies.

La firme de gestion s’engageait ainsi «à intégrer les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance d’entreprise (ESG) dans les processus d’analyse et de décision en matière de placement, à assurer une intendance active des actifs et à promouvoir des marchés financiers durables.»

Cet engagement a porté ses fruits. En juillet dernier, Placements NEI a fait d’Addenda Capital la société sous-conseillère de son Fonds actions internationales Éthique NEI. Au 30 juin 2014, l’actif sous gestion du fonds était de 216,56 M$, et au 19 février 2015, il avait atteint 241,8 M$.

«Chez nous, le souci de l’investissement responsable a toujours été présent. Lorsque NEI cherchait un sous-conseiller, de notre côté, la synergie était bonne. C’est une équipe qui fait une analyse très profonde des fournisseurs avec lesquels elle fait affaire. Cela a été un long processus, mais c’est un mandat qui nous met en avant.»

Roger Beauchemin constate un regain d’intérêt pour l’investissement responsable et les critères ESG. C’est une tendance qui est difficilement évitable, selon lui, dans un monde où les effets du développement économique sur l’environnement sont de plus en plus perceptibles.

«Les consommateurs savent maintenant que ce qu’ils achètent, les services qu’ils utilisent et même les outils de placement dans lesquels ils mettent leur épargne ont un impact. Si on observe les jeunes, agir autrement n’est même pas considéré, alors que dans le passé, on parlait d’investissement responsable, mais ça restait un voeu pieux.»

Faire preuve d’humilité

«Pour une deuxième année consécutive, toutes les stratégies de placement d’Addenda Capital ont surpassé les rendements de référence», apprend-on dans le dernier rapport annuel de Services financiers Co-operators, qui détient 74,36 % du capital-actions d’Addenda. Les actionnaires minoritaires incluent Fonds de Solidarité FTQ et des cadres de l’entreprise.

Malgré ces récents succès, Roger Beauchemin continue de faire preuve de prudence, surtout en ce qui concerne les rapports d’Addenda avec sa clientèle. Il estime que l’entreprise est dans une phase de reconstruction de sa marque de commerce.

«Addenda revient, et l’Addenda d’aujourd’hui n’est plus la même qu’auparavant. Nous atteignons le point d’équilibre, où nous commençons à recouvrer nos forces, et nous devons reprendre de l’assurance pour rencontrer les nouveaux clients», indique Roger Beauchemin.

«Il faut toutefois être prudent lorsqu’on parle du « nouvel Addenda », parce que le faire trop tôt serait très arrogant, surtout pour les clients qui sont là depuis longtemps et qui ont connu une expérience plus cahoteuse. Il ne faut jamais perdre ça de vue», ajoute-t-il.

La reconnaissance envers les premiers, Roger Beauchemin en fait presque un mantra : «Il faut les remercier, toujours. S’il y a des périodes moins faciles, il faut les remercier de leur patience. Il n’y a pas grand-chose qui retienne un client, il suffit d’un courriel ou d’un fax à un gardien de valeur et le client est parti.»

Manifestement, l’humilité est une valeur importante pour Roger Beauchemin : «Dans notre métier, les choses ne tournent pas toujours rondement, mais nous avons une profession extraordinaire, et cela peut toutefois rapidement nous monter à la tête. Lorsque je regarde mon équipe chez Addenda, je peux parler autant d’humilité que de grande fierté, et c’est ce qui me motive.»

Régimes PD menacés

Il est plus difficile que par le passé de diriger une société de gestion, non seulement en raison des nouvelles réglementations, mais également parce que les régimes de retraite ne sont plus les mêmes.

«La plus grande part des actifs de retraite demeure dans des régimes à prestations déterminées (PD). Durant longtemps, les rendements ont fait en sorte qu’on oubliait un peu tous les problèmes de ce secteur. Il y avait toutefois un besoin très réel et important de réviser ces régimes afin d’assurer leur pérennité.»

D’après Roger Beauchemin, les nouvelles normes comptables découragent notamment les entreprises de conserver les régimes PD : «La volatilité des nouvelles normes comptables nuit, puisqu’elle impacte les résultats financiers de la société sur une base trimestrielle. L’intérêt d’un régime, c’est qu’il soit là à long terme. Le système pousse à la fermeture des régimes PD, ce qui n’est pas nécessairement la meilleure solution à long terme.»

Roger Beauchemin s’inquiète également du fait que la grande majorité, jusqu’à 80 %, de l’actif contenu dans les régimes CD, est placée dans l’option par défaut du régime : «Comment offrir de l’information aux participants, et comment faire pour qu’ils prennent les meilleures décisions possibles en ce qui les concerne ? L’industrie financière doit faire son examen.»

Siégeant aux conseils d’administration de la Fondation de l’Institut universitaire en santé mentale Douglas, Roger Beauchemin est sensibilisé à cette cause : «Je peux rencontrer n’importe quel employeur ou n’importe quel régime d’assurance maladie, ils me diront tous que les dépenses les plus importantes, en absentéisme et en médicaments, sont liées à la santé mentale. Cela touche tout le monde d’une façon ou d’une autre, mais c’est encore très difficile de recueillir des fonds pour la recherche.»