Revoyons d’abord les bases des bonifications proposées au RPC. Le pourcentage de remplacement du revenu pour les travailleurs passera du quart au tiers des gains admissibles. Une fois la bonification entièrement opérée, la prestation maximale passera de 13 110 $ à près de 20 000 $ en dollars actuels.

Pour financer le tout, le taux de cotisation passera progressivement de 9,9 à 11,9 % de 2019 à 2023. Par la suite, le maximum des gains admissibles (MGA) augmentera de 14 % pour s’établir, selon les projections, à environ 82 700 $ au moment de la mise en oeuvre intégrale de la bonification en 2025. Le taux de cotisation s’établira à 8 % sur cette partie majorée du MGA.

La bonification se fera selon le principe d’équité intergénérationnelle, c’est-à-dire que chaque génération paiera pour ses propres prestations. Les participants auront droit aux prestations bonifiées intégrales après environ 40 ans de cotisation. Enfin, pour éviter de pénaliser les travailleurs à faible revenu, Ottawa augmentera la Prestation fiscale pour le revenu de travail.

Voici pourquoi Québec doit s’en inspirer.

Ensemble, nous sommes plus forts. En unissant leurs efforts d’épargne, de nombreux travailleurs cotisent moins sur une base individuelle pour obtenir la même rente que s’ils avaient tenté de l’acheter seuls, de leur côté. C’est la force du nombre. Cela est moins vrai pour les jeunes travailleurs, puisque la valeur actualisée de leur rente est moindre. Le jeune travailleur discipliné qui a un profil de risque audacieux pourrait se passer de la bonification.

L’avantage de mutualiser le risque d’investissement et celui d’épuiser son épargne de son vivant demeure pour le client. Pour son conseiller, la gestion du risque de longévité est capitale, puisque ce risque peut faire dérailler la planification de retraite du client. Solidifier les fondations des revenus d’un client à la retraite, composées à la fois de la RRQ et de la pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV), facilite la tâche du conseiller.

En effet, alors que l’espérance de vie augmente année après année, un revenu plus élevé, qui est stable et garanti, rend la gestion du décaissement plus facile. Un conseiller aura beau faire un plan prudent, il ignorera toujours le moment du décès de son client.

Les employeurs délaissent la retraite. Le pourcentage des employés du secteur privé couverts par un régime à prestations déterminées est passé de plus de 30 % à un peu plus de 10 % de 1977 à 2013, selon Statistique Canada.

Et la faible croissance des régimes à cotisations déterminées n’a pas freiné cette tendance, si bien que moins du quart des employés du secteur privé ont un régime de retraite, tout court. Le RRQ touche les travailleurs de tous les secteurs d’activité de l’économie, si bien qu’il n’est pas soumis aux aléas sectoriels.

Les régimes obligatoires fonctionnent. Plusieurs études sur la finance comportementale le démontrent : il faut forcer l’épargne, sinon elle ne se fera pas. Un prélèvement à la source obligatoire se base sur ce principe. Cet argument vaut plus pour les cigales que pour les fourmis.

Gérer des actifs est compliqué. La baisse des taux d’intérêt et la volatilité des marchés financiers sont de plus en plus difficiles à gérer, même pour les conseillers.

Une bonification engendrerait certes des inconvénients. Elle priverait les conseillers d’un peu d’actif sous gestion au profit d’un investisseur institutionnel comme la Caisse de dépôt et placement.

De plus, les cotisations au RRQ ont beau être déductibles, elles représentent une taxe sur la masse salariale qui touchera davantage les entreprises les plus fragiles, dont des PME. Le taux de cotisation est d’ailleurs plus élevé au Québec qu’ailleurs au Canada, soit 10,8 % en 2017 par rapport à 9,9 %. Une hausse de deux points de pourcentage, comme ce que propose le ministère des Finances fédéral pour RPC, pourrait être difficile à absorber au Québec.

À court terme, le ministère des Finances fédéral calcule une diminution de l’emploi de 0,04 à 0,07 %. Toutefois, à long terme, l’emploi serait plutôt bonifié de pourcentages équivalents, et le PIB le serait de 0,05 à 0,09 %.

D’autre part, les gouvernements se priveraient de revenus maintenant, puisque ces entreprises et ces travailleurs paieront moins d’impôt. Mais ils se rattraperaient plus tard, puisque les prestations de la RRQ sont imposables.

Les travailleurs à faible revenu pourraient aussi être pénalisés si la bonification n’était pas bien faite. Si le fait de recevoir une meilleure rente de la RRQ les privait d’une partie du Supplément de revenu garanti (SRG), ils n’amélioreraient pas leur revenu de retraite. Or, cette difficulté est loin d’être insurmontable, tout comme plusieurs autres inconvénients d’ailleurs. On n’a qu’à penser à abolir la récupération du SRG.

La balle est maintenant dans le camp de Québec. En espérant que les travailleurs du Québec ne seront pas laissés pour compte par rapport à leurs homologues des autres provinces.

L’équipe de Finance et Investissement