Qui ne sait pas par exemple que la diversification est un facteur important dans l’évaluation de la convenance au client ?

«Dans le monde où l’on vit, il faut constamment dire ce qu’on ne peut pas faire. Sinon, quelqu’un pourra à un certain moment affirmer qu’il ignorait que telle ou telle chose était préjudiciable au client», explique le consultant et formateur Michel Mailloux, président de Mayhews & associés.

Devoir fiduciaire

Toutefois, il faut garder une vue d’ensemble sur la question : l’avis 31-336 ne recèle pas que des évidences (http://tinyurl.com/mxl4kpg).

Michel Mailloux juge que c’est la première fois qu’un avis énonce aussi clairement les conditions qui déterminent que des produits ne conviendront pas aux clients.

Plus important encore, ajoute-t-il, «cet avis ouvre la voie aux inévitables discussions sur le devoir fiduciaire, à savoir le fait de placer les intérêts du client au premier rang, au deuxième rang et au troisième rang».

Selon lui, l’avis soulève cet enjeu majeur lorsqu’il précise qu’il est incorrect de «se contenter du fait qu’un produit est sur la liste des produits approuvés de la société au lieu de l’analyser et de le comprendre», et qu’il signale qu’il est erroné de «ne pas comprendre parfaitement la structure et les caractéristiques des produits et de les recommander en se fondant uniquement sur l’information fournie par les émetteurs, sur la convenance au client, le profil de risque ou le rendement prévu des produits».

Selon Michel Mailloux, les conseillers à l’emploi des groupes financiers pourraient être les premiers visés. «Par exemple, les fonds distincts sont-ils toujours vendus aux bons clients ? Et si les meilleurs fonds communs n’étaient pas sur la liste des produits approuvés par le groupe financier qui nous emploie, que faudrait-il recommander ? Voilà des situations qui font directement référence au devoir fiduciaire», explique-t-il.

En conclusion, dit Michel Mailloux, «l’avis fait référence à un problème de fond du marché canadien qui n’est pas réglé, à savoir le fait de recommander des produits afin qu’ils conviennent aux clients qu’on connaît nécessairement bien».

Petites firmes sous pression

Aux yeux de Sylvain Thériault, directeur principal à la conformité chez Valeurs mobilières Desjardins (VMD), l’avis des ACVM s’adresse surtout aux gestionnaires de portefeuille et aux courtiers sur le marché dispensé, qui vise les investisseurs avertis et qualifiés.

«Le devoir fiduciaire s’applique déjà dans le monde du courtage en valeurs mobilières et dans celui de l’épargne collective. Et il est très bien maîtrisé. Ce n’est pas nécessairement le cas chez les gestionnaires de portefeuille et les courtiers sur le marché dispensé», précise-t-il.

Résultat : certains spécialistes de la gestion privée et du marché dispensé ont fort à faire. Ils devront s’assurer d’être conformes. Cela concerne surtout les petites firmes de moins de cinq employés, souligne Sylvain Thériault. «Certaines entreprises devront embaucher du personnel de conformité ou des consultants, déployer des programmes et implanter des logiciels spécialisés. Leurs coûts d’exploitation vont augmenter et leurs marges bénéficiaires, diminuer», dit-il.

Par conséquent, de petits acteurs devront quitter le jeu, croit l’expert de VMD. «En égalisant les règles du jeu, l’avis 31-336 favorisera la consolidation du marché en gestion privée et en courtage sur le marché dispensé.»

Pour sa part, Maxime Gauthier, avocat et chef de la conformité chez Mérici Services Financiers, n’est pas convaincu que les petites firmes écoperont d’un rehaussement des exigences de la réglementation. En effet, l’Autorité des marchés financiers (AMF), qui est membre des ACVM, ne fait pas dans le «mur-à-mur», souligne-t-il.

«Les attentes de l’AMF ne sont pas les mêmes pour Mérici que pour une société de 2 000 conseillers !» illustre-t-il.

Oui, les marges de ces petites firmes baisseront. Cependant, il est bon qu’elles soient également soumises à des règles qui devraient s’appliquer à tous.

«Un courtier ou un gestionnaire de portefeuille qui apprendrait quelque chose de fondamental dans l’avis 31-336 devrait se poser de grandes questions», dit Maxime Gauthier.