Les produits à émission garantie sont aux premières loges de cette évolution. Ils s’adressent aux consommateurs à risque élevé ayant de la difficulté à obtenir des produits traditionnels. Ils peuvent aussi répondre aux besoins de personnes prêtes à payer des primes plus élevées pour obtenir rapidement une protection minimale. Les montants d’assurance sont en général sensiblement moins élevés que ceux des protections traditionnelles. Ces produits sont à émission quasi instantanée.
Cela dit, les assureurs sont tous en train de perfectionner leurs techniques de tarification. Certains ont lancé des systèmes de propositions électroniques à émission accélérée qui modifieront radicalement le paysage des polices à émission rapide.
«Le big data et les programmes d’intelligence artificielle sont en train de changer les règles du jeu. Par exemple, on peut maintenant, jusqu’à l’âge de 50 ans, souscrire une assurance vie temporaire avec une couverture allant jusqu’à 500 000 $ sans passer d’examens paramédicaux ni d’examens biométriques comme des prises de sang. En conséquence, les contrats peuvent être émis entre quatre et cinq jours», précise Guy Couture.
Et ce n’est qu’un début. «Les couvertures sont en train de s’étendre. Nous y travaillons», dit-il.
Résister au changement
Toutefois, comme l’illustre un récent sondage de Finance et Investissement, les grands changements causés par le big data et les programmes d’intelligence artificielle ne se sont pas encore fait sentir à leur pleine mesure.
À l’occasion du Top 11 des cabinets multidisciplinaires publié en juin, le journal a demandé à des conseillers en sécurité financière combien de polices ils ont vendues en 2016 et, sur ce nombre, combien de contrats étaient à émission rapide.
Près de 200 conseillers ont répondu à ces questions. En moyenne, chacun a vendu 41 polices d’assurance, parmi lesquelles une moyenne de 4,4 contrats étaient à émission rapide. Autrement dit, une police vendue sur 10 était à émission rapide.
Les 40 meilleurs vendeurs du groupe des 200 répondants n’ont pas fait exploser l’aiguille des ventes des produits à émission rapide. Sur les 102 polices vendues en moyenne par ce groupe d’élite, près de neuf étaient à émission rapide, soit, encore une fois, près de 10 % des contrats.
Chez les 40 conseillers qui ont vendu le plus de polices à émission rapide en 2016, la proportion de ces contrats atteint 22 %, soit en moyenne 15 polices à émission rapide sur 69 polices vendues. La distribution de ce type de contrat par ces conseillers est donc supérieure, mais pas explosive.
Cette situation ne surprend pas Frédéric Perman, vice-président au développement des affaires de Financière S_entiel : «De nombreux conseillers résistent aux changements. Quand on fonctionne d’une certaine façon depuis 25 ou 30 ans, il est difficile de changer ses façons de faire.»
Selon ce dirigeant d’agent général, les conseillers des réseaux propriétaires ont une longueur d’avance sur leurs homologues indépendants.
«Au cours des dernières années, les réseaux propriétaires comme ceux de la Sun Life et de la London Life ont mis beaucoup d’énergie à implanter les processus électroniques et à former leurs conseillers. Chez les indépendants, c’est plus long, car il n’y a pas d’obligation de résultats», constate Frédéric Perman.
Toutefois, les récentes plateformes de propositions électroniques de Manuvie et d’iA Groupe financier devraient augmenter la pression pour le changement sur les conseillers hésitants.
«Nous assisterons à un rattrapage forcé de la part des conseillers indépendants. Les cabinets comprennent que les meilleurs producteurs doivent s’y mettre. De notre côté, en tant qu’agent général, nous nous sommes donné comme mission en 2017 de favoriser l’adoption des applications électroniques auprès des conseillers. Il faut rejoindre les consommateurs d’aujourd’hui», estime Frédéric Perman.
Accélération en vue
Maintenant consultant après une longue carrière dans les milieux bancaire et d’assurance, Robert Landry affirme que les progrès en tarification accélérée feront boule de neige.
«La tendance de fond est d’éliminer des exigences en examens paramédicaux et biométriques. C’est irréversible. En conséquence, il faut s’attendre à ce que les polices soient émises de plus en plus rapidement», dit l’ex-vice-président exécutif d’AXA Canada. Il en déduit que l’industrie de l’assurance est en train de réussir son adaptation au monde d’Internet.
«L’industrie s’est réveillée et elle s’est mise en mouvement. En assurance de personnes, l’innovation passe par les nouvelles techniques de tarification. C’est la réponse réaliste aux défis posés par les Amazon de ce monde», dit Robert Landry.
Grâce à ces progrès, les conseillers de 2017 n’ont plus à vendre des produits qui mettent des mois à être en vigueur. Est-ce que cela suffira à satisfaire les attentes des consommateurs actuels ?
«Actuellement, il y a de moins en moins d’exigences et de moins en moins de questions posées aux consommateurs. Les actuaires vont continuer à enrichir leurs modèles de prévisions. Ce que je vois à l’oeuvre, c’est une spirale d’amélioration continue», affirme Robert Landry.
Des ratés
Cela dit, les assureurs ne se sont pas tous mis au diapason de la tarification accélérée. Certains ne sont toujours pas à l’heure des propositions électroniques !
Comptant plus de 35 ans de carrière, Michael Luciani est en mesure d’évaluer les obstacles existants à la diffusion des processus d’émission accélérée.
«Dans certains cas, les tarifs des polices à émission accélérée sont plus élevés que les polices émises par la voie traditionnelle. De plus, le processus n’est parfois pas au point. Un « oui » à des questions peut amener bien d’autres questions. Le processus électronique peut se révéler plus long qu’on ne le pensait», dit Michael Luciani, qui préside son propre cabinet, M.L. Produits & Services Financiers, et qui est également vice-président de l’Association professionnelle des conseillers en services financiers.
Michael Luciani ajoute qu’il est parfois difficile d’obtenir la copie du questionnaire. «Je n’ai alors pas les moyens de le réviser et de corriger certaines erreurs», dit-il.