Or, «même si en se comparant, on se console», les effectifs de la profession se renouvellent-ils suffisamment ? Ou prennent-ils inéluctablement de l’âge, année après année ?
Les données de 2012 de la CSF ne peuvent être comparées qu’à celles de 2006. Car ce n’est qu’en 2006 que la Chambre publie, pour la première fois, des statistiques sur l’âge moyen de ses membres en fonction de la discipline.
Ainsi, on constate qu’en 2006, l’âge moyen des 12 133 membres inscrits en assurance de personnes était de 47,1 ans (http://tinyurl.com/n4m92y5).
En conséquence, entre 2006 et 2012, la moyenne d’âge générale a augmenté de près d’un an. Le vieillissement des professionnels de l’assurance est donc lent, mais réel.
En minorité
«Les trentenaires sont minoritaires», constate Francis Pelletier, expert-conseil en prestations du vivant et conseiller en sécurité financière chez BBA Groupe Financier.
Cette situation favorise les jeunes désireux d’acheter la clientèle de représentants établis, constate-t-il : «Les trentenaires ont l’embarras du choix. Il y a vraiment beaucoup plus de vendeurs que d’acheteurs !»
À tel point que des courtiers établis lui demandent parfois où se trouvent ces jeunes qui pourraient prendre la relève. «Ils ne sont pas faciles à trouver», lance Francis Pelletier.
Une source s’est tarie
Vice-président principal chez l’agent général Pro Vie assurances, Christian Laroche qualifie la situation «d’inquiétante».
Il croit que la disparition de plusieurs réseaux affiliés au cours des années 1980 et au début des années 1990 a entraîné le tarissement des nouvelles vocations en assurance de personnes.
«Les assureurs américains qui étaient au Québec se sont repliés aux États-Unis. Ou encore, ils ont vendu leurs activités canadiennes, comme la Mutuelle d’Omaha qui avait été rachetée par RBC Assurances. Ces assureurs avaient des réseaux carrière qui formaient la relève. Ces clubs-écoles n’existent plus», note Christian Laroche.
Du même souffle, il ajoute qu’il a «peine à nommer» les réseaux carrière existants.
«Il y a ceux de la Financière Sun Life et de l’Industrielle Alliance. Mais ils sont peu nombreux. Où se formera la relève ?» se demande-t-il.
Participation des agents généraux
À titre de vice-président, Développement des affaires, National, Assurance individuelle et retraite chez SSQ Groupe financier, Marc Trépanier est un observateur privilégié de l’industrie.
«Il ne fait aucun doute que le vieillissement des conseillers indépendants constitue la préoccupation la plus importante en assurance de personnes», dit-il.
Marc Trépanier estime que des «stratégies partagées» avec les agents généraux doivent être mises en oeuvre afin de promouvoir le travail du conseiller auprès des jeunes et de favoriser la relève.
«Il revient à toute l’industrie de faire un meilleur travail de promotion de la profession», dit-il.
Parmi les stratégies partagées, Marc Trépanier mentionne le développement d’actions de «parrainage» entre les jeunes conseillers et ceux qui veulent partager leur expérience et voudraient bien vendre l’actif que constitue leur clientèle.
Marc Trépanier dit souhaiter le développement «d’incitatifs financiers» pour faciliter le transfert des blocs d’affaires. Un domaine que SSQ Groupe financier a d’ailleurs commencé à explorer.
En effet, bien que l’assureur n’ait pas de lien interne avec des réseaux de distribution, il offre tout de même un programme de financement pour le transfert de blocs d’affaires.
«On pense que ce programme contribue à créer une relation à long terme avec les conseillers», dit Marc Trépanier.
Le vice-président au développement des affaires croit aussi que les agents généraux devraient continuer à renforcer les programmes de formation des conseillers.
«Les agents généraux doivent affecter des équipes spécialisées au développement de la relève chez les conseillers», ajoute-t-il.
Ne pas sous-estimer le défi
Au cours des dernières années, Michael Rogers, vice-président, ventes et recrutement chez SFL partenaire de Desjardins Sécurité financière, a porté une attention toute particulière au rajeunissement de ses effectifs. «En 2006, l’âge moyen de nos conseillers était d’environ 54 ans. Il est maintenant d’environ 48 ans», remarque-t-il.
Le «virage de 2006» a été négocié avec succès, car la firme a mis l’accent notamment sur un «programme d’encadrement de la relève comportant la possibilité d’un financement de l’envigueur», dit Michael Rogers, faisant référence aux produits d’assurance du cabinet générant des revenus annuels récurrents.
La question du financement est capitale, ajoute Michael Rogers qui constate que les institutions financières classiques ont peine à évaluer ce qui est «intangible».
Cependant, l’essentiel n’est pas là. «La transmission ne se fera que si les conseillers d’expérience sont vraiment prêts à transmettre leur pratique», souligne Michael Rogers. Ce qui implique un plan à long terme, de trois à cinq ans, et la volonté de faire participer ces jeunes aux décisions d’importance.
«Les gens des générations X et Y ne se contentent pas d’accomplir des tâches cléricales», lance Michael Rogers, au sujet des trentenaires et jeunes quadragénaires qui cognent à la porte des cabinets et qui sont à la recherche de défis à leur mesure.