Aujourd’hui, à 56 ans, Denis Preston ne regrette rien. Il est formateur depuis 16 ans à l’Institut québécois de planification financière (IQPF) et enseigne aussi à l’Ordre des CPA du Québec. Il est chargé de cours à HEC Montréal et agit à titre d’expert dans des causes de déontologie auprès de la Chambre de la sécurité financière (CSF).

Cet homme qui maîtrise de multiples disciplines détient une maîtrise de l’Université Laval en Analyse des politiques. Il a commencé sa carrière de conseiller en sécurité financière au Fonds des professionnels (aujourd’hui Financière des professionnels), puis chez Sogemec Assurances, filiale de la Fédération des médecins spécialistes du Québec.

Même s’il est entré un peu par hasard dans le métier, Denis Preston s’y est plu dès le début. «Rapidement, on se rend compte qu’on peut être bien payé en rendant service aux gens», dit-il. Sans compter que cet homme d’origine gaspésienne, qui a grandi dans une ferme dans une famille de cinq enfants, aime aussi parler, échanger, écouter.

«Je ne me considère pas comme un bon vendeur et je gérais au-delà de 110 M$ d’actif. La raison ? J’écoutais les gens.»

Sa soif de connaissance est insatiable. Au fil des ans, Denis Preston a cumulé les formations et les titres. Aujourd’hui il est CPA, CGA, FRM (Financial Risk Manager) et Pl. Fin. À 45 ans, il est même retourné faire une maîtrise en finance appliquée, sans doute une des formations les plus difficiles et exigeantes.

«Je voulais comprendre comment les produits sont construits. Avant 2008, tout le monde trouvait extraordinaire qu’il y ait des produits qui offrent plus de rendement en étant moins risqués. Pour moi, c’était impossible.»

Défaire les illusions

Daniel Laverdière, directeur principal, planification financière et services-conseils à la Banque Nationale Gestion privée 1859, reconnaît bien le Denis Preston qu’il a connu à ses tout débuts comme planificateur financier.

«C’est quelqu’un qui cherche à tout comprendre. Quand c’est trop beau pour être vrai, il cherche la faille, et il est très habile quand il s’agit de dissiper les illusions», dit-il.

Son envie de déboulonner les mythes du monde de la finance a aussi fait de lui un auteur. En 2011, il a publié un ouvrage avec Nathalie Bachand, Annie Boivin et Josée Blondin, Tomber à la retraite, réédité en 2013, afin d’aider les Québécois à mieux planifier cette période de leur vie.

Les mises en garde que les auteurs y donnent sont encore d’actualité. Ici, pas de grand mystère à dévoiler, pas d’anguille sous roche… Les gens s’endettent trop, n’épargnent pas assez, constate Denis Preston.

«Les consultants en marketing ont battu les conseillers en services financiers, déplore-t-il. On a beau dire aux gens que l’épargne, au fond, c’est de la consommation reportée, l’attrait pour la satisfaction immédiate est plus fort.»

Après les dettes et l’épargne, il reste souvent bien peu dans les poches des clients pour acheter de l’assurance. «Quand j’ai commencé, le CELI n’existait pas, le REEE non plus, et les moyens d’épargne fiscalement avantageux étaient moins nombreux. Aujourd’hui, 95 % de la population ne maximise pas ses contributions au REER et au CELI et ne rembourse pas ses dettes. Il reste donc peu de place pour l’assurance vie universelle», dit Denis Preston.

Carnage en assurance

Il prévoit un bouleversement monstre dans l’industrie de l’assurance, non seulement parce que le produit se place au dernier rang des priorités des clients, mais aussi en raison de l’évolution des technologies.

«Il y aura beaucoup de pertes d’emplois, dit-il. Comme dans l’industrie manufacturière, les gens qui ont peu de formation seront écartés, car les robots pourront faire du conseil de base. Ceux qui ont une formation plus poussée auront toujours leur place.»

Les Pl. Fin. seront avantagés, croit-il, sans compter que l’avenir reposera sur l’analyse des besoins financiers (ABF), cette règle de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF) qui rebute parfois les conseillers.

«Les conseillers ne se rendent pas compte du fait que l’analyse des besoins financiers est leur seul moyen de se différencier, le seul élément qui justifie leur travail par rapport aux compagnies d’assurance, qui cherchent de plus en plus à vendre leurs produits directement aux clients», dit Denis Preston.

Le risque, dit-il, est que les assureurs vendent ainsi les produits qui font leur affaire, et non ceux dont les clients ont besoin. «Quand j’explique une notion et que mon client ne la comprend pas, je peux le voir dans ses yeux. Un robot ne pourra jamais déceler ça.»

C’est cette importance du rôle de conseil qu’il s’applique à transmettre dans ses formations à l’IQPF. Avec les ans, Denis Preston est un devenu un orateur recherché et apprécié. Il a obtenu le titre de Formateur de l’année de l’IQPF pendant trois années consécutives, en 2013, en 2014 et en 2015.

«Il sait captiver son auditoire et il est excellent quand il s’agit d’expliquer des notions complexes et abstraites», remarque Jocelyne Houle-LeSarge, présidente-directrice générale et secrétaire de l’IQPF.

Denis Preston siège également au comité des mentors, qui donne ses grandes orientations au métier de planificateur et prépare les examens. «C’est à la fois un leader et un bon joueur d’équipe, dit la PDG. Quand il ne sait pas quelque chose, il le dit. Ce n’est pas quelqu’un qui cherche à avoir raison coûte que coûte.»

Cette ouverture se manifeste dans tous les autres aspects de sa vie. Curieux de tout, fin gourmet et grand lecteur, Denis Preston est un passionné de voyages, de cyclisme et de course à pied. «Il aime sortir des sentiers battus», constate Jocelyne Houle-LeSarge.

«Il est curieux de tout ce qui l’entoure. Pour vous donner un exemple, hier, il m’a envoyé un article sur le coléoptère bombardier !» ajoute Daniel Laverdière.

Ce petit coléoptère de 2,5 cm, peut-on lire sur Wikipédia, possède une arme redoutable : lorsqu’il se sent menacé, il projette bruyamment un liquide corrosif en ébullition… Tout le contraire de Denis Preston. Bien qu’il aime surprendre, cet homme est un modèle de diplomatie et d’humilité, selon Daniel Laverdière.

«Il a le don de mettre les autres en valeur et il est à l’écoute. C’est aussi quelqu’un qui est toujours bien préparé, alors il est capable de changer d’idée, mais il faut avoir de bons arguments !» dit le planificateur financier, qui a profité des enseignements de Denis Preston à ses tout débuts.

«Il m’a donné des trucs qui font que j’ai pu m’améliorer et il a stimulé ma curiosité. Nos avons « gratté » plusieurs dossiers ensemble par la suite», dit Daniel Laverdière.

Il y a 30 ans, la question de la retraite était un peu moins à l’avant-plan, se souvient Denis Preston. «Il fallait surtout faire en sorte que s’il nous arrivait malheur, la famille puisse continuer. La question de la retraite était moins importante, parce qu’à l’époque, les rendements étaient élevés.»

Denis Preston a connu l’époque où les caisses de retraite avaient des surplus actuariels… Les temps ont bien changé ! Mais l’être humain, lui, n’a pas changé, constate le formateur, qui intègre de plus en plus dans ses cours des notions de finance comportementale.

«La majorité des gens pensent que l’invalidité, ça n’arrive qu’aux autres, alors que c’est plus fréquent que la maladie grave par exemple, qui représente une toute petite partie des prestations d’assurance versées pour l’invalidité», dit Denis Preston.

Pour ce défenseur des intérêts des clients, un bon planificateur n’est pas celui qui cherche les bonnes réponses, mais celui qui trouve la bonne question. «Une bonne réponse à une mauvaise question est inutile, une réponse correcte à une bonne question, c’est déjà beaucoup mieux», dit-il.

Par exemple, pour Denis Preston, se demander s’il y a trop de conformité dans l’industrie est vain. «C’est comme dire qu’il y a trop de décès, alors qu’on va tous mourir un jour ! Le temps qu’on passe à le déplorer n’est pas investi dans autre chose. Ce qu’il faut se demander, c’est : « ce que je recommande à mon client, est-ce que je le recommanderais à un membre de ma famille ? »», dit-il.

Il trouve au même titre que le débat sur les modifications prochaines à l’exonération d’impôt dans les produits d’assurance vie universelle est stérile. «Avant de se poser des questions sur la fiscalité, on doit d’abord se demander si son client en a vraiment besoin !» remarque-t-il.

Soif de transparence

Malheureusement, il constate que la réputation de vendeurs que se sont forgée ceux qu’on a longtemps appelés des «agents» d’assurance n’a pas tellement changé, à en croire les publicités qui promettent encore au client «qu’aucun représentant n’ira chez vous».

«Les conseillers ont évolué plus vite que les sociétés d’assurance, qui pensent davantage à vendre le produit le plus payant pour plaire à leurs actionnaires depuis qu’elles sont démutualisées», remarque Denis Preston.

Pour lui, il est temps que le secteur des assurances ait aussi son Modèle de relation client-conseiller phase 2 (MRCC 2), à l’instar du secteur des valeurs mobilières. «En assurance, les gens ne se rendent pas compte que la rémunération est parfois 10 ou même 100 fois plus élevée qu’en placement. La transparence n’existe pas», dit Denis Preston.

Deux raisons expliquent cette situation, selon Denis Preston. D’abord, les autorités de réglementation manquent de connaissances en matière d’assurance.

«Elles comprennent bien le placement parce qu’elles y ont consacré beaucoup de ressources à la suite des scandales financiers, mais pendant ce temps, elles n’ont pas développé le côté assurance», estime-t-il.

Denis Preston souhaite que la Loi sur les assurances, en cours de révision, soit revue par des personnes qui ont une bonne connaissance pratique du métier de conseiller en sécurité financière.

«La façon de conseiller le client est beaucoup moins encadrée que dans le placement et ça doit changer. Par exemple, certains assureurs font encore la promotion de leurs produits comme s’ils étaient des abris fiscaux, ce qui est faux.»

Il croit que c’est une bonne chose que les fonds distincts soient éventuellement soumis à des règles de divulgations semblables à celles des fonds communs, «mais il y aura probablement moins d’emplois dans le secteur dans les prochaines années, dit-il. L’informatisation et les transactions en ligne vont faire en sorte qu’on pourra se passer des conseillers».