Françoise Lyon gère la division destinée aux clients privés de Pembroke, y compris le marketing et le positionnement de marque au Québec. Son principal défi est de bâtir des relations avec une nouvelle génération de clients.
«Plusieurs client ont passé le cap des 70 ans. Mon travail consiste à convaincre la deuxième et la troisième génération que nous méritons leur confiance, même lorsque les parents ou les grands-parents seront partis.»
45 ans d’histoire
Fondée à Montréal en 1968, Gestion Pembroke a débuté ses activités en investissant dans des entreprises en croissance au Canada et aux États-Unis pour le compte d’un client institutionnel.
La firme a créé au fil des ans une série de fonds de placement collectif et de fonds communs. En 1988, la firme a racheté un fonds pour lequel elle avait un mandat de sous-conseiller depuis les années 1960 et a lancé Gestion privée de placement Pembroke, une division destinée à une clientèle privée.
Pembroke a 1 900 relations clients avec des ménages particuliers, des fondations et des caisses de retraite.
Pour Françoise Lyon, la force de Pembroke réside dans la fidélité de sa clientèle et de son équipe, qui compte quatre générations de gestionnaires de portefeuilles. Depuis sa fondation, seulement deux personnes ont quitté l’entreprise et deux sont décédées.
«Peu d’organisations de notre taille et aussi anciennes sont parvenues à franchir le cap de la quatrième génération sans subir une implosion, des départs, ou un refus des fondateurs de passer la main à la génération suivante, ce qui n’a pas été le cas ici, raconte Françoise Lyon. Deux gestionnaires de la première génération, celle des fondateurs, viennent encore au bureau chaque jour et accompagnent les gestionnaires lors de visites d’entreprises.»
Parmi ceux-ci, Ian Soutar, vice-président du conseil d’administration et associé fondateur de Pembroke, a reçu l’an dernier un prix de Morningstar Canada pour l’ensemble de sa carrière.
Pembroke compte sur l’expertise de neuf gestionnaires de portefeuille et de deux analystes établis à Montréal. Le bureau de Toronto héberge les opérations d’arrière-boutique (back office). Neuf représentants, répartis entre Montréal (cinq) et Toronto (quatre), sont responsables de la clientèle privée. Pembroke appartient exclusivement à ses employés.
Croissance contrôlée
Pembroke investit dans le créneau spécialisé des sociétés de petite et moyenne capitalisation canadienne et américaine, qui sont encore gérées par les fondateurs, ou dont le conseil d’administration ou le comité de gestion est largement actionnaire.
«Nous étudions les entreprises dont la capitalisation varie de 300 M$ à 2 G$, mais les entreprises de 500 M$ à 1 G$ sont notre cible type», mentionne Françoise Lyon.
Les gestionnaires de portefeuille passent de 30 à 35 % de leur temps à visiter des entreprises, évalue Françoise Lyon.
«Nous ne pourrons jamais nous passer de cette pratique qui consiste à prendre l’avion et à nous rendre sur place afin de rencontrer les personnes. Cet aspect de l’évaluation d’une entreprise est presque plus important que n’importe quel autre», mentionne Françoise Lyon. Pembroke détient souvent des positions dans des entreprises pendant plus d’une décennie.
L’actif sous gestion de la firme s’élève à 3,4 G$, dont près de la moitié, soit entre 1,6 et 1,7 G$, provient de la gestion privée, selon Françoise Lyon. L’actif sous gestion de Pembroke était de 2,7 G$ en octobre 2013, selon ce que rapportait alors Finance et Investissement.
Afin d’avoir une croissance contrôlée, Pembroke n’accepte plus de nouveaux investisseurs institutionnels canadiens depuis 1997.
«Il y a deux ans, nous avons rouvert l’accès aux investisseurs institutionnels américains, ce qui nous a permis d’entrer plus de 1 G$ d’actif, remarque-t-elle. Nous avons toutefois refermé cet accès cette année parce que nous considérions avoir atteint la capacité maximale pour ce créneau.»
À défaut d’accepter de nouveaux mandats institutionnels, Pembroke vise la croissance de son actif en générant des rendements.
À ce chapitre, «un client qui est chez nous depuis 20 ans a obtenu un rendement annualisé moyen de 8 à 8,25 % net de frais», dit Françoise Lyon. De fin novembre 1994 à fin novembre 2014, l’indice S&P/TSX a affiché un rendement annualisé de 6,61 % et un rendement de 8,93 % si le dividende est réinvesti dans l’indice, selon Bloomberg.
La division destinée à la clientèle privée continue d’accepter des mandats pour des clients «en raison du roulement assuré chaque année par les décaissements effectués en raison de l’âge du client ou malheureusement de son décès», précise Françoise Lyon.
En 2011, Pembroke s’est également tournée vers le marché américain. Même si la firme comptait déjà sur un certain nombre de clients institutionnels américains, elle a alors embauché un représentant indépendant.
Françoise Lyon évalue à entre 750 et 800 M$ la valeur de l’actif sous gestion lié au marché américain. En outre, en 2013, Pembroke a conclu une entente avec une firme de courtage scandinave.
Pembroke manufacture ses propres fonds communs et les vend directement à ses clients. La firme ne peut vendre que ses propres fonds, qui sont également disponibles pour les conseillers.
«Je ne veux pas que ma relation avec les conseillers soit perçue comme compétitive alors qu’elle est plutôt complémentaire, mentionne Françoise Lyon. La firme n’est toutefois pas structurée pour ce type de distribution, et les conseillers intéressés par les produits que nous offrons gèrent habituellement de très gros portefeuilles. Ils sont rémunérés sur honoraires, ce qui leur permet d’adopter une stratégie comme la nôtre, qui ne leur paye pas de commission de suivi», dit Françoise Lyon.
Selon elle, 5 % des ventes de Pembroke viennent d’intermédiaires de marché.
Avec les années, Pembroke a vu l’impact sur sa firme de l’augmentation de la conformité découlant de l’encadrement règlementaire. «Étant donné que nous sommes une petite boîte, c’est très lourd pour nous. Évidemment, on n’est pas contre», note Françoise Lyon, qui juge important que le client connaisse le coût de ses investissements.
«Les clients trouvent ça lourd d’avoir toujours à répondre à des questions sur leur état de compte et sur leur statut personnel. Ils ne sont pas si intéressés à partager ces informations à si grande fréquence. Beaucoup se demandent à quel point ça les protège vraiment.»
Gestionnaire autodidacte
Avant de se joindre à Pembroke, Françoise Lyon a été vice-présidente et directrice du Groupe de services aux clients privés, Est du Canada, pour le compte de la Bank of America Merrill Lynch. Auparavant, elle a occupé différents postes de cadre dans le secteur du placement, y compris celui de chef du marketing pour le compte de la division de gestion privée du Groupe financier Banque Nationale, et celui de directrice et cofondatrice du Groupe de solutions de produits financiers à la Financière Banque Nationale.
Françoise Lyon, qui détient le titre d’administrateur agréé depuis 1996, a obtenu un baccalauréat en administration des affaires de HEC Montréal en 1993.
«Lorsque j’ai quitté l’école, comme pour bien des gens dotés d’un profil généraliste, les bureaux de consultation tels que BAIN et McKinsey étaient très prisés.»
Elle a toutefois accepté une offre de CAI Global Group, une boîte qui lui a offert le «privilège de travailler sur énormément de mandats de consultation, même si [elle était] très jeune».
Elle a fait ses premiers pas dans l’industrie financière lorsque Guy Savard, qui était président et chef de l’exploitation de la Caisse de dépôt et placement du Québec avant de se joindre au courtier Midland Walwyn, l’a engagée à titre de directrice du marketing. «Midland était alors la plus importante maison de courtage. À l’époque, on voyait vraiment Midland comme le Merrill Lynch du Canada», dit-elle.
Merrill Lynch a d’ailleurs fait l’acquisition de Midland Walwyn à la fin des années 1990, alors qu’elle y travaillait.
«Je suis une personne autodidacte, qui aime le côté intellectuel des choses», mentionne Françoise Lyon, qui considère que cette caractéristique tient au fait qu’elle a grandi partagée entre deux cultures. En effet, son père est Britannique, et sa mère vient de Trois-Pistoles, dans le Bas-Saint-Laurent.
«Le plus beau cadeau que ma soeur et moi ayons reçu de nos parents, c’est cette confiance de sentir que tout était possible, que si je voulais orienter ma carrière vers un travail traditionnellement masculin, ce ne serait pas une embûche», dit-elle.
«À 15 ans, j’avais visité une vingtaine de pays, et à 30 ans, une trentaine. Cette curiosité vient en grande partie du fait que mes parents n’avaient pas un bagage culturel identique. Pour eux, c’était important d’aller voir ce qui se passait ailleurs.»
Françoise Lyon compte au nombre des professionnelles de la finance engagées au sein de l’organisation Women’s Wealth Alliance du Cannon Financial Institute, qui se consacre à aider les femmes investisseurs à répondre aux défis qu’elles doivent relever face au marché de la finance.
«Il est important pour moi de parvenir, par l’éducation, à augmenter l’aisance des femmes face aux questions financières. J’espère ainsi parvenir à laisser mon empreinte», indique-t-elle.