Nouvelle norme encore floue
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Ainsi, à partir du 1er juillet, les conseillers devront demander aux clients de certifier leur résidence fiscale pour toute nouvelle ouverture de compte non enregistré. La NCD s’étend à de nombreux produits financiers : valeurs mobilières, rentes et fonds distincts, polices d’assurance, comptes bancaires, fonds de capitaux privés, etc. Elle touche autant les particuliers que leurs diverses entités juridiques, comme leurs sociétés de portefeuille ou les sociétés de personnes.

Le lobbying de groupes de l’industrie a permis d’exempter de la NCD les comptes enregistrés, tels que les REER, les FERR et les CELI. Ces comptes présentent un faible risque d’évasion fiscale.

«Ces exceptions couvrent les comptes qui correspondent à 50 % de la valeur de tous les comptes détenant des fonds communs au Canada», a précisé James Carman, conseiller principal en politiques, Fiscalité, à l’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC), à l’occasion du 11e colloque de conformité du Conseil des fonds d’investissement du Québec, à la fin d’avril dernier.

Sont aussi exemptés les contrats d’assurance vie sans valeur de rachat, comme les temporaires et les polices d’assurance maladies graves et d’assurance invalidité, confirme Peggy McFarland, directrice générale, imposition des sociétés, à l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP).

Pour les comptes assujettis à la NCD, les institutions financières devront modifier à nouveau leurs procédures et systèmes afin de collecter l’information requise. Même si la plupart des comptes canadiens sont liés à des résidents fiscaux canadiens, cette collecte peut constituer un défi en soi.

«Il peut être difficile de répondre à ces questions concernant la résidence fiscale si le client réside dans un pays autre que le Canada et peut exiger que le client demande une aide auprès d’un conseiller fiscal», explique l’Association canadienne du commerce des valeurs mobilières (ACCVM) dans un courriel. De l’information permettant d’aider les clients à déterminer leur résidence fiscale se trouve aussi sur les sites Internet de l’Agence de revenu du Canada (ARC) et sur celui de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), dont les pays membres sont à l’origine de la NCD.

Un client est un résident fiscal d’un pays si, en vertu des lois de ce pays, il y paie ou devrait y payer de l’impôt. Il est possible d’être un résident fiscal de plus d’un pays. Dans ce cas, les conventions fiscales signées entre le Canada et d’autres États permettent souvent d’éviter la double imposition découlant de cette double résidence fiscale.

Déterminer la résidence fiscale peut être compliqué pour des retraités migrateurs qui passent l’hiver aux États-Unis, aussi appelés snowbirds. Ceux-ci risquent de devenir des résidents fiscaux américains si leur résidence principale s’y trouve ou s’ils y séjournent durant une période trop longue sur une base annuelle.

Mesure rétroactive

«Ce qu’il y a d’achalant avec la NCD, c’est que cette mesure est rétroactive. C’est toujours beaucoup de travail pour le conseiller», estime Michel Mailloux, formateur, spécialiste de conformité et président de Deontologie.ca.

Ainsi, les institutions financières, dont les courtiers, les assureurs et les banques, devront également examiner les comptes existants. D’ici au 31 décembre 2018, elles devront déclarer à l’ARC tous les comptes dont le solde est supérieur à 1 M$ US et, d’ici la fin de 2019, tous les comptes dont le solde est supérieur à 250 000 $ US.

Comme le dollar canadien se négocie à environ 0,75 $ US, les comptes en dollars canadiens devront donc atteindre respectivement 1,33 M$ et 333 333 $ pour devenir sujets à déclaration, explique Michel Mailloux.

Toutefois, la valeur du dollar canadien fluctue par rapport à celle du dollar américain et les institutions financières devront suivre la valeur des comptes, convertie en dollars américains.

Bonne nouvelle pour les titulaires de polices d’assurance émises avant le 1er juillet : ces contrats, tout comme les fonds distincts et les rentes, sont exemptés de l’aspect rétroactif de la NCD s’ils sont détenus par des particuliers.

«Quand vous lisiez dans le journal que des Américains mettaient de l’argent en Suisse, ceux-ci utilisaient des comptes bancaires ou de courtage, mais pas vraiment les produits d’assurance, d’où l’exemption de ces contrats préexistants», explique Peggy McFarland.

Toutefois, les particuliers devront déclarer leur résidence fiscale à l’assureur entre autres lorsque leur police temporaire deviendra permanente ou lors d’un changement de propriétaire de la police, précise-t-elle.

Les entités juridiques, comme les sociétés de portefeuille ou les sociétés de personnes, qui détenaient des polices dont la valeur s’élevait à plus de 250 000 $ US sont toutefois touchées par la nature rétroactive de la NCD, dit Peggy McFarland : «Les assureurs vont aviser les conseillers et [les agents généraux] si de l’information doit être collectée et comment.»

Dans le secteur des valeurs mobilières, les courtiers collecteront l’information auprès des clients et cette responsabilité sera partagée avec les manufacturiers de fonds. Dans le secteur de l’assurance, ce seront généralement les assureurs qui s’en chargeront, puisqu’ils se rapporteront à l’ARC.

«Il sera essentiel pour les clients de répondre rapidement aux demandes des courtiers voulant obtenir des renseignements supplémentaires ou une certification concernant leur statut de résidence fiscale. Si le client ne répond pas, son compte peut être signalé à l’ARC, et l’information, échangée avec un autre pays. Ou si le client ne fournit pas de numéro d’identification fiscale (NIF), il peut être tenu de payer une amende à l’ARC», mentionne l’ACCVM. Selon l’IFIC, ce genre de pénalité peut s’élever à 500 $.

Les institutions financières doivent aussi surveiller les changements dans les renseignements sur les clients (par exemple, une adresse ou un numéro de téléphone à l’étranger) pouvant indiquer une modification de la résidence fiscale. «L’assureur exige que vous lui fassiez part de tout changement dont vous prendriez connaissance et d’obtenir des renseignements additionnels ou des documents permettant de vérifier si le changement survenu indique que le client est devenu résident d’un autre pays aux fins de l’impôt», indique l’ACCAP dans un document envoyé à des conseillers (http://bit.ly/2sEtSIO).

Défis administratifs

Plusieurs défis attendent l’industrie. D’abord, même si la NCD et la FATCA ont le même objectif, leurs normes sont différentes.

Par exemple, les exemptions prévues pour les polices d’assurance dont la valeur de rachat est inférieure à 50 000 $ US en vertu de la FATCA ne s’appliquent pas à la NCD.

«Si un nouveau compte est ouvert le 2 juillet, que sa valeur est de 1 $ et que son propriétaire est résident de la Grande-Bretagne aux fins de l’impôt, on devra déclarer ce compte à l’ARC, qui transmettra cette information aux autorités fiscales de ce pays», dit Peggy McFarland.

Les documents de référence des autorités fiscales gagneraient à être plus clairs, selon Michel Mailloux : «C’est un processus que le gouvernement a précipité. C’est un peu flou, ce qui se passe, et le site de l’ARC est flou.»

Par ailleurs, les institutions financières assujetties devront soit intégrer des questions supplémentaires concernant la résidence fiscale dans leurs formulaires existants, soit utiliser les formulaires conçus par l’ARC. Cela pourrait constituer un défi sur le plan humain afin de s’assurer que les formulaires sont remplis correctement.

Si le compte est assujetti, les informations recueillies doivent être fournies sur une base annuelle à l’ARC. Ces données comprennent notamment le solde ou la valeur du compte, les revenus reçus dans ce compte et le montant reçu en contrepartie de la vente d’un actif détenu dans le compte. «L’ACCVM a recommandé que les exigences de la NCD s’alignent autant que possible sur celles du FATCA pour permettre aux institutions financières d’utiliser les processus existants autant que possible et ainsi de réduire le temps et les coûts de mise en oeuvre», écrit l’ACCVM.

Sans le lobbying des groupes de l’industrie, les courtiers offrant des comptes immatriculés au nom des courtiers, aussi appelés comptes autogérés ou nominee accounts, auraient eu à détailler la nature de chaque type de revenu dans ces comptes, ce qui aurait été coûteux, selon James Carman : «Cela permet aux courtiers de rapporter les distributions de fonds constitués en sociétés par actions comme des dividendes, et les distributions de fonds communs en fiducies comme d’autres revenus. Autrement, on aurait dû segmenter en catégories.»