Même si ces allégations n’ont pas été prouvées et que la TD souligne que ses employés doivent agir avec éthique et intégrité, Radio-Canada a néanmoins mis en lumière une situation qui dure depuis un certain temps dans le secteur bancaire. Ce problème, qui découlerait des objectifs et de pratiques de compensation, risque de miner la confiance à l’égard de toute l’industrie financière. Et les autorités de réglementation doivent s’y attaquer.
En distribution de valeurs mobilières, les autorités ne chôment pas par rapport à cet enjeu. Par exemple, des vérifications de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) mènent à des audiences disciplinaires de conseillers, lesquelles se répercutent sur leur courtier. Les régulateurs provinciaux signent des ententes de règlement avec les courtiers fautifs lorsque les problèmes sont plus importants.
Et ces organismes de réglementation, tout comme la Chambre de la sécurité financière (CSF), s’intéressent aussi aux risques de conflits d’intérêts et à l’importance de leur gestion. Les conflits d’intérêts qui existent dans la rémunération des conseillers mettent des gens mal à l’aise et l’affaire TD met simplement en lumière le fait qu’on les rencontre aussi dans les services bancaires.
En fait, on peut se demander s’il existe une forme de rémunération qui permette d’éliminer les conflits d’intérêts entre le conseiller et son client. En entrevue à Finance et Investissement, Sylvain Théberge, directeur des relations médias à l’Autorité des marchés financiers (AMF), a répondu simplement à cette question.
«Chaque forme de rémunération peut engendrer des conflits d’intérêts, a-t-il indiqué. Nous encourageons les courtiers et leurs représentants à adopter des méthodes de rémunération qui sont alignées sur les besoins de leurs clients.» D’où l’importance de bien gérer les risques de conflits d’intérêts. Et bien que le système ne soit pas parfait, l’encadrement québécois du secteur des valeurs mobilières devrait inspirer celui du secteur bancaire.
L’exemple bancaire
Dans les faits, le conseiller qui travaille auprès d’une banque sera indirectement encadré par la CSF, l’AMF ou l’OCRCVM seulement s’il porte un double chapeau, c’est-à-dire s’il est assujetti à l’un ou l’autre de ces organismes. S’il s’agit d’un simple employé de banque, l’Ombudsman des services bancaires et d’investissement (OSBI) peut servir d’arbitre entre un client et sa banque. Toutefois, celle-ci doit être partenaire de cet organisme, ce qui n’est pas le cas de la TD entre autres, cette banque privilégiant un autre service d’arbitrage. D’ailleurs, l’absence de pouvoir de coercition de l’OSBI est aussi un problème dont la direction de l’organisation s’est déjà plainte.
La haute direction de la TD a indiqué n’avoir reçu que «quelques centaines de plaintes» l’an dernier au sujet de ses pratiques de vente et a souligné que ses employés respectent un code de conduite qui priorise l’intérêt des clients. Or, est-ce un gage que la gestion des conflits d’intérêts est suffisante ?
Si l’industrie financière a progressé en matière de transparence et devra le faire sur le plan de la gestion des conflits d’intérêts, l’industrie bancaire doit aussi emboîter le pas.
C’est d’autant plus important que l’AMF a un pouvoir limité, particulièrement en ce qui concerne le risque d’arbitrage réglementaire entre les valeurs mobilières et les produits bancaires. Comment peut-elle empêcher, par exemple, un représentant de céder sous la pression d’un patron et de vendre des certificats de placement garantis (CPG) pour atteindre son quota de vente ?
«Je ne suis pas sûr que l’AMF ait tous les leviers par rapport à cet enjeu. Nous voulons que les assujettis respectent les règles déontologiques, y compris les règles de saines pratiques d’affaires et d’intérêt du client», notait Eric Stevenson, surintendant de l’assistance aux clientèles et de l’encadrement de la distribution à l’AMF, dans une entrevue réalisée en mars.
Il y a visiblement des lacunes en matière d’encadrement et de surveillance des services bancaires.
Un organisme sérieux et doté de pouvoirs coercitifs doit se saisir du dossier, puisqu’il en va de la protection des clients, mais aussi de la préservation de la confiance qu’ils ont envers leur conseiller, leur institution financière et l’industrie dans son ensemble.
L’équipe de Finance et Investissement