Le titre de la BN, qui a été fractionné en deux en février 2014, a généré le meilleur rendement total à l’actionnaire – y compris la hausse de valeur des actions et les dividendes versés -, parmi les six principales banques canadiennes sur un et cinq ans, et parmi les meilleurs rendements sur 10 et 20 ans.
Cette performance, qui découle de la réussite de la direction de la BN par Louis Vachon, explique notamment pourquoi celui-ci remporte le prix de la Personnalité financière de l’année de Finance et Investissement pour la deuxième fois en trois ans.
Pour l’exercice 2014, le bénéfice net excluant les éléments particuliers se chiffrait à 1 593 M$, une hausse de 12 % par rapport à 2013. La croissance annuelle varie de 7 à 11 % depuis 2010.
En 2014, l’actif bancaire a également passé le cap des 200 G$, pour atteindre 206,7 G$, non loin des 226,9 G$ d’actif du Mouvement Desjardins, mais inférieur aux 414,9 G$ de la Banque CIBC, la cinquième plus importante banque canadienne en terme d’actif.
«Dans les médias de Toronto, on parle de plus en plus du Big 6 plutôt que du Big 5», constate Louis Vachon.
En 2014, en plus d’avoir accru le nombre de ses clients, leur loyauté et le nombre de produits vendus par consommateur, la BN a figuré parmi les 50 employeurs de choix au Canada pour la 10e année.
«Nos indices de mobilisation des employés sont très forts depuis 2009. C’est une richesse qu’on ne tient pas pour acquis», dit celui qui, en compagnie des membres de la haute direction, a rencontré plus de 5 000 des 19 955 employés de la banque en 2014.
Moments moins roses
Certains événements récents ont cependant assombri ce portrait, notamment la recrudescence des vols à main armée : «Il y a eu des vols avec violence», déplore Louis Vachon, soulignant qu’il s’agit de sa plus grande déception.
De plus, la baisse du prix du pétrole a accru le risque de perte sur les 3,2 G$ que la BN a prêtés à des producteurs de pétrole et de gaz, dont 2 G$ à des petites sociétés.
Cependant, la baisse du dollar canadien et les opérations de couverture de prix sur une partie de la production de ces entreprises en 2015 réduisent en partie ce risque, soutient Louis Vachon.
De plus, des firmes de capitaux privés et des fonds souverains s’activent afin d’acheter des plus petites firmes de ce secteur, selon le dirigeant : «Même si les flux monétaires baissent, s’il y a beaucoup de capital opportuniste qui est là et s’enligne pour consolider l’industrie, on devrait s’en sortir sans trop de dégât quant aux pertes sur prêts.»
En outre, la BN a peu prêté aux sociétés qui évoluent en périphérie des pétrolières, comme celles spécialisées en forage et qui sont plus vulnérables, d’après Louis Vachon.
La baisse du prix du pétrole pourrait par ailleurs favoriser la BN, dont 84,5 % des 106 G$ en prêts proviennent du Québec et de l’Ontario. «Nous estimons qu’un baril à 60 $ US est l’équivalent d’une baisse d’impôt de 1 G$ pour les Québécois», déclarait-il récemment.
Croissance en gestion de patrimoine
Même si le Québec demeure un marché intéressant d’où proviennent 61 % des revenus de la BN, à long terme, la BN entend profiter du potentiel de créneaux de marchés ciblés au Canada.
Le secteur de la gestion de patrimoine, qui tire près de 44 % de ses revenus à l’extérieur du Québec, est un bon exemple. Le bénéfice net de ce secteur, excluant les éléments particuliers, s’élevait à 308 M$ en 2014, une hausse de 37 %, en raison notamment de l’acquisition de Services Institutionnels TD Waterhouse (TDWIS) en 2013.
«Ça a été un grand succès en matière d’intégration. On a 99,5 % de rétention de la clientèle. On a été on time, on budget. Avec un actif sous gestion de 35 G$, ça a été, je pense, la plus grande intégration d’un book de courtier sur le bilan d’un autre dans l’histoire du Canada.»
À cette transaction s’ajoutent les acquisitions de Bieber Securities et Option retraite en 2008, de Wellington West en 2011, de Valeurs mobilières HSBC, en 2011 : «La consolidation n’est pas terminée, mais elle est plus avancée.»
Pour croître en gestion de patrimoine, la BN mise non seulement sur ses divisions de courtage de plein exercice et de courtage direct, mais également sur ses services bancaires de marque privée, sur ses services d’arrière-guichet et sur ses placements destinés aux courtiers et aux conseillers indépendants.
«Il y aura de plus en plus de gestionnaires de portefeuille indépendants et ils attireront de plus en plus d’actif», note Louis Vachon qui affirme que 92 % des actifs de ces créneaux sont hors Québec.
Dans l’esprit de «Un client, une banque», qui favorise les ventes croisées, la BN offre des services bancaires de proximité au bureau de la Financière Banque Nationale (FBN) de White Rock, en Colombie-Britannique, et envisage d’étendre ce modèle aux quelques 40 succursales de la FBN de l’Ouest canadien.
Toutefois, la division de la Gestion de patrimoine devra composer avec les exigences qu’entraînera la phase deux du Modèle de relation client-conseiller, qui «seront coûteuses et [dont la] mise en oeuvre exigera beaucoup d’efforts», selon le rapport annuel de la BN.
Le secteur des marchés des capitaux de la BN continue d’afficher des marges bénéficiaires importantes. En effet, cette division ne représente que 27,5 % des ventes de la BN, mais 37,7 % de ses profits.
Expérience internationale
Selon Louis Vachon, le flux d’affaires est récurrent dans la majorité des types de produits, dont les prêts aux entreprises et les opérations sur titres à revenu fixe. La vente de produits de gestion du risque «peut fluctuer d’une année à l’autre, mais il y a des besoins importants des investisseurs institutionnels, des gouvernements et des grandes sociétés pour gérer le risque de taux de change, de taux d’intérêt, etc., et cela occasionne une certaine récurrence.»
«Les revenus de commissions de souscription pour les nouvelles émissions sont un peu plus volatils, mais représentent seulement de 10 à 15 % des revenus», ajoute Louis Vachon.
Pour mieux servir sa clientèle asiatique, la BN a ouvert un bureau à Hong Kong l’an dernier. En septembre, la BN a aussi acquis un intérêt de 30 % dans Advanced Bank of Asia au Cambodge et explore les possibilités d’autres investissements similaires.
«On appelle ça investir et apprendre. Nous regardons jusqu’à quel point nous pouvons augmenter notre niveau de confort en termes de gouvernance, de conformité et de risque macroéconomique», dit Louis Vachon.
«Si dans dix ans, le niveau de confort n’augmente pas, cela aura été un bon placement et on réalisera un gain», ajoute-t-il.
Talent, risque et techno
Selon le dirigeant, la gestion du talent, des risques croissants et des technologies façonnera l’industrie financière.
D’abord, puisque le talent permet à une firme de se différencier, ses employés doivent être bien formés. «Le client est beaucoup mieux informé qu’il ne l’était il y a cinq ou dix ans. On ne peut pas avoir de situation où il s’aperçoit qu’il en sait autant sinon plus que la personne qui lui répond au téléphone ou en succursale.»
Ensuite, la gestion du risque ne se limite pas au refus de certaines demandes de prêts. «Les risques augmentent et s’élargissent en termes de montant et de type de risque», dit Louis Vachon qui cite la cybersécurité.
Par ailleurs, la technologie représente autant une occasion d’augmenter l’efficacité et la qualité du service qu’une menace de se faire ravir des parts de marché par «les PayPal de ce monde» : «On va s’assurer que tous les acteurs sont réglementés de la même façon. S’ils veulent devenir un acteur dans le système de paiement canadien, le niveau de réglementation et les demandes en matière de liquidités seront plus importants.»
Utiliser les mégadonnées (Big Data) de manière pertinente et conforme aux règles tout en les protégeant constitue un autre défi pour la BN.
Selon Louis Vachon, les nouvelles technologies, comme la robotisation, menacent certains types d’emplois et risquent de bouleverser l’économie : «L’inégalité des revenus est un symptôme de quoi ? De la mondialisation, et surtout, de la révolution technologique. Certaines personnes sont les bénéficiaires de cette révolution et certaines en sont les victimes. Le contrat social devra être réécrit pour en tenir compte.»
12 %
Hausse du bénéfice net de la Banque Nationale pour l’exercice 2014 par rapport à l’année précédente.