D’abord, il importe de distinguer l’inspection et l’enquête, selon le personnel du régulateur. La première permet de s’assurer que l’inscrit respecte la réglementation applicable à ses secteurs d’activité. En général, le cabinet n’est pas au courant de la seconde qui vise à rechercher les preuves qu’une infraction à la loi ou à ses règlements a été commise.

Au 31 mars 2013, l’AMF a la responsabilité d’inspecter 559 courtiers et 376 conseillers inscrits, d’après le «Rapport annuel de gestion 2012-2013» de l’AMF. Il s’agit des courtiers en épargne collective et en plans de bourses d’études, des courtiers du marché dispensé, des gestionnaires de portefeuille, des gestionnaires de fonds d’investissement et des fonds de travailleurs.

À noter que l’AMF n’inspecte pas les individus, employés ou dirigeants.

Recherche de documents

L’inspection débute lorsque l’AMF envoie un avis d’inspection au cabinet, généralement deux semaines avant la visite des inspecteurs.

L’avis contient la liste des documents et des informations à fournir à l’AMF avant la venue des inspecteurs. D’autres documents figurant aussi sur cette liste doivent être remis en mains propres aux inspecteurs lorsqu’ils se présentent sur place.

Yvan Morin, vice-président, affaires juridiques, et chef de la conformité chez Mica Capital, évoque la préparation d’un peu plus de 400 fichiers différents, dont des politiques, des procédures et des formulaires.

«Ce sont des documents sur lesquels il faut mettre la main. Car bien qu’on les ait, il faut les trouver et les regrouper», dit-il.

La liste contient aussi des dossiers de clients que le régulateur a préalablement déterminés, ajoute Marylène Royer, directrice conformité, distribution, assurance de personnes et épargne (Est du Canada), chez Desjardins Sécurité financière Investissements.

Le cabinet doit mettre un espace de travail à la disposition des inspecteurs et désigner une personne-ressource à leur intention. Son rôle consiste à la fois à trouver les informations supplémentaires requises par les inspecteurs et à coordonner la tenue des entrevues qu’ils doivent mener auprès du personnel.

«Sur les lieux, les échanges sont très professionnels et cordiaux», souligne Marylène Royer.

«Les inspecteurs sont assez respectueux du fait que le cabinet continue à rouler. Personne de chez nous n’est assis à leurs côtés huit heures par jour», précise Yvan Morin.

Un moment de la journée est habituellement convenu pour faire le point sur la situation. C’est là que les inspecteurs transmettent leurs nouvelles demandes.

Le cabinet doit également fournir aux inspecteurs un accès aux systèmes informatiques aux fins de consultation. Les inspecteurs peuvent ainsi accéder aux dossiers-clients afin d’y consulter les documents numérisés et les transactions.

L’AMF scrute notamment l’environnement de contrôle général et financier du cabinet, sa structure, son respect des exigences réglementaires, sa gestion des conflits d’intérêts, sa tenue des dossiers et la convenance des produits vendus, y compris les stratégies à effet de levier.

Dans le cas des courtiers actifs dans tout le Canada, la visite des inspecteurs de l’AMF est habituellement coordonnée avec celle qui est effectuée par les inspecteurs de l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACCFM).

«Dans le cas de l’AMF, on parle d’une trentaine de documents à préparer. Pour l’ACCFM, c’est davantage une vingtaine et ce ne sont pas les mêmes. Il faut distinguer les opérations faites au Québec et celles qui sont faites hors-Québec», mentionne Jean Carrier, vice-président conformité chez Services en placements Peak.

L’entrevue de clôture

D’après les responsables de la conformité interrogés, les inspecteurs sont sur place durant une période allant de quelques jours à plusieurs semaines. Ce sont la taille du courtier et la nature de ses activités qui influencent l’échantillonnage analysé et la durée de la visite.

Le cas échéant, des inspecteurs peuvent également faire des visites-surprises à des représentants et se présenter en succursales. Des vérifications à distance visant à préciser certaines informations peuvent aussi être menées par les inspecteurs une fois leur visite en cabinet terminée.

Dès que les informations sont colligées et analysées, les inspecteurs retournent au cabinet afin d’y tenir une entrevue de clôture. Chez les courtiers qui mènent des activités dans tout le Canada, cette rencontre se déroule en présence des deux régulateurs. La tenue de l’entrevue précède de quelques semaines la remise au cabinet du rapport d’inspection.

Ce rapport recense les lacunes trouvées qui doivent être corrigées. Après en avoir pris connaissance, le cabinet doit agir.

Il a trente jours pour concevoir et remettre un plan d’action détaillant point par point ce qui sera fait pour régler les problèmes cernés et le délai prévu pour le faire. «Une fois que l’AMF est satisfaite du plan d’action proposé, une lettre d’engagement est rédigée et doit être signée par deux administrateurs», précise Marylène Royer.

Le vrai travail commence

Entre la réception de l’avis d’inspection de l’AMF et la signature de la lettre d’engagement par le cabinet, plusieurs mois peuvent s’écouler. Toutefois, cette période a pour seul objet de préparer la suite des choses.

Selon Yvan Morin, «même si les éléments soulevés ne concernent pas des manquements graves susceptibles de mettre en péril la pérennité de l’entreprise, des éléments doivent être ajustés, et ce n’est pas toujours aussi simple qu’il y paraît».

Le cabinet doit, le cas échéant, ajuster des procédures, resserrer des contrôles et changer des politiques. «S’il faut créer un formulaire, ça implique du développement de la part de notre fournisseur de logiciels, de recevoir les soumissions et d’évaluer les coûts», évoque Yvan Morin.

«Il faut ensuite entrer ces données dans le système et former notre personnel. Il faut surtout mettre des choses en place, tout en maintenant la cadence dans le travail standard», ajoute-t-il.

«Je ne suis pas opposé aux inspections. C’est important d’en avoir et ça donne un autre son de cloche qui s’avère positif. Ce qui l’est moins, c’est que ce soit aussi long. Les inspections pourraient être plus pointues et porter sur des secteurs particuliers, comme le fait l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières», avance Jean Carrier.

Selon lui, les entreprises qui évoluent dans le secteur de l’épargne collective ne sont pas très à risque. «On ne négocie pas des options, on parle de fonds communs. On est donc dans une sphère d’activités dans les valeurs mobilières où le risque de plaintes est minime», analyse-t-il.

Lors du 8e colloque de conformité du Conseil des fonds d’investissement du Québec (CFIQ), Sylvie Lacroix, inspecteur – valeurs mobilières à l’Autorité des marchés financiers, a présenté les neuf irrégularités les plus fréquemment rencontrées lors du processus d’inspection.