La CSF, le Conseil des professionnels en services financiers (CDPSF) et Mica Services financiers, entre autres, se sont prononcés contre la vente d’assurance en ligne. Rappelons que le «Rapport sur l’application de la LDPSF» préconise la création d’un cadre souple permettant aux assureurs d’offrir leurs produits sur Internet, sans l’intervention obligatoire d’un représentant.
«Le public a besoin de se sentir en confiance pour investir, et cette confiance ne peut venir autrement que s’il a la garantie d’être servi par un professionnel compétent encadré par un organisme d’autoréglementation (OAR) indépendant comme la CSF», écrit Marie Elaine Farley, présidente et chef de la direction de la CSF, dans la dernière édition du magazine Sécurité financière.
Marie Elaine Farley se dit «extrêmement déçue du dernier « Rapport sur l’application de la LDPSF »», qui équivaut selon elle à «un retour en arrière tant pour la protection du public que pour les membres et l’industrie».
«Le rapport ne reconnaît pas la valeur du rôle-conseil», déplore-t-elle.
Or, selon elle, «on ne magasine pas une assurance comme on achète un produit courant.»
«Même si le consommateur dispose d’un outil d’auto-évaluation en ligne, il subsistera toujours un doute à savoir s’il s’offre toute la protection dont il a besoin.» Elle ajoute : «Nos membres sont en mesure d’interagir avec les alliés commerciaux lorsque, par exemple, un produit ou une stratégie marketing est incompatible avec la réalité des clients».
Le CDPSF soutient que les produits d’assurance sont trop complexes pour que des clients les achètent en ligne. Ces derniers pourraient d’ailleurs avoir une faible éducation financière. «Le risque que l’assuré n’ait pas bien compris ce à quoi il adhère est énorme. Le risque économique de se retrouver avec un contrat d’assurance qui ne couvre pas le besoin réel du consommateur l’est encore plus», écrit Mario Grégoire, directeur général du CDPSF, dans son mémoire (voir «Les agents généraux se livreront bataille», en page 8).
Certains représentants affiliés à Mica craignent aussi que le client n’accorde trop d’importance au prix, alors que «les couvertures et les exclusions sont fort différentes» d’un produit à l’autre. «Nous appréhendons que les consommateurs soient mal assurés», lit-on dans la lettre commune envoyée par divers conseillers au Ministère des Finances.
Dans son mémoire, Desjardins indique qu’«il est faux de prétendre qu’Internet ne permettra pas aux consommateurs de s’assurer adéquatement en fonction de leurs besoins».
Vente en ligne déjà permise ?
L’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP), le Mouvement Desjardins et SSQ Groupe financier, entre autres, se montrent favorables à la vente en ligne.
«L’ensemble des propositions [sont des mesures qui vont dans le bon sens]», a indiqué à Finance et Investissement Jean-François Chalifoux, président-directeur général de SSQ Groupe financier.
Selon l’ACCAP, le cadre législatif actuel permet déjà aux assureurs de vendre leurs contrats sans l’intervention d’un représentant. «Une simple confirmation à cet effet serait suffisante pour conclure l’encadrement de la vente par Internet», écrit Claude Di Stasio, vice-présidente aux affaires québécoises de l’ACCAP, dans son mémoire.
Par ailleurs, la distribution sans représentant (DSR) qui permet actuellement à plus de 5 700 distributeurs de fournir des produits d’assurance au client suscite aussi la controverse. Le CDPSF s’y oppose. Le groupe craint notamment que le manque de formation des distributeurs ne torpille la protection du public. «L’assurance accessoire n’est pas exempte de complexité», note Mario Grégoire.
«La DSR est une faille importante dans le régime de protection des consommateurs», plaide quant à lui Maxime Gauthier, chef de la conformité chez Mérici Services financiers, dans le mémoire remis au ministre. Il la qualifie de Far West, qui ne semble profiter qu’aux distributeurs et aux assureurs.
Maxime Gauthier déplore qu’on préconise la professionnalisation de l’industrie tout en permettant à un non-initié de vendre un produit d’assurance. «Il existe plusieurs cas où un consommateur croyait bénéficier d’une couverture d’assurance […], mais où il a appris une fois le sinistre survenu qu’il n’en était rien, puisque l’assurabilité se mesure très souvent au moment de la réclamation».
Selon lui, la seule bonne nouvelle est que «le rapport reconnaît qu’il peut y avoir des problèmes relativement à la DSR» et qu’il propose de responsabiliser les assureurs en leur imposant la supervision et l’encadrement de leurs distributeurs.
D’après Claude Di Stasio, tous les intervenants du marché devront respecter les règles en matière de DSR, et ce, «sans rejeter la responsabilité des distributeurs sur les assureurs». «Les distributeurs demeureront responsables des faits et gestes de leurs employés. Cela devrait permettre d’éviter l’émergence d’une culture de déresponsabilisation de ces intervenants», écrit-elle.
«Desjardins estime que les assureurs, en tant que mandants, devraient être davantage imputables du respect des obligations de leurs distributeurs», lit-on dans le mémoire de la coopérative.
Coûteuse ACCFM ?
Plusieurs intervenants dénoncent également le risque de la disparition de la CSF, qui encadre les représentants, mais pas leur cabinet. Ce dernier est surveillé par l’AMF.
Le rapport propose notamment d’alléger le fardeau réglementaire et financier des cabinets et des représentants. Le ministère montre du doigt les problèmes du double encadrement, dont l’harmonisation du courtage en épargne collective difficile à conclure avec le reste du Canada.
«Le rapport envisage un morcellement de l’encadrement, ce qui selon nous aura pour effet de multiplier les coûts», redoute Marie Elaine Farley. Cette dernière souhaite réduire le fardeau réglementaire et améliorer l’efficience, mais estime que la CSF «fait partie intégrante des solutions».
«Si la Chambre avait des pouvoirs supplémentaires sur les pratiques de distribution des courtiers et des cabinets en sécurité financière, des pouvoirs du type de ceux qu’on semble disposé à déléguer à d’autres selon le rapport, on éliminerait toute possibilité de dédoublement tout en profitant d’une structure allégée, souple et économique propre à un OAR, tout en maintenant la qualité de l’encadrement au Québec», suggère-t-elle.
Le CDPSF et Mica Services financiers se disent en faveur du maintien des pouvoirs de la CSF. «Plutôt que de réinventer la roue en relançant tous les débats entourant la reconnaissance de l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACCFM) comme OAR pouvant exercer au Québec, le Québec devrait […] poursuivre ses travaux d’harmonisation entre les règles de l’ACCFM et celles des autorités québécoises», écrit Mario Grégoire.
Par ailleurs, Maxime Gauthier met en garde ses collègues contre l’importance de l’éventuelle cotisation à l’ACCFM, par rapport à celle qu’ils versent maintenant à la CSF : «Les frais d’adhésion de l’ACCFM ne sont pas vraiment du même calibre que ceux assumés actuellement par votre courtier ou même par vous. La cotisation actuelle de votre courtier est comptabilisée sur ses actifs hors Québec. Avec la reconnaissance de l’ACCFM, les actifs au Québec entreront dans l’équation et feront grimper la cotisation annuelle assumée par vous ou votre courtier, selon votre entente.»
«Si vous êtes également inscrit en assurance de personnes, vous n’épargnerez pas une cotisation à la CSF ou à l’organisme qui pourrait être appelé à la remplacer. Cela pourrait donc se traduire par une augmentation des coûts de vos activités professionnelles», craint-il. Il déplore que l’approche réglementaire de l’ACCFM soit prescriptive, et pour un cabinet de petite taille, qu’elle soit «lourde à opérer» et risque de «tuer l’innovation».
Quant à l’ACCAP, elle recommande la reconnaissance de l’ACCFM, mais à certaines conditions : notamment, que cette association assure des services en français à partir du Québec et qu’elle obtienne un statut d’OAR sous la juridiction de l’AMF.
«Comme l’AMF s’occupe des permis/certificats et de la discipline des cabinets, mais que la Chambre s’occupe de la déontologie/discipline des représentants, il faut souvent gérer les dossiers avec deux entités. Cela devient complexe et coûteux», déplore l’ACCAP dans son mémoire.
Desjardins, qui prône une harmonisation des règles québécoises et de celles des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM), soutient qu’elle économiserait 1,7 M$ par an si elle transposait ses activités d’épargne collective dans le cadre réglementaire en vigueur dans les autres provinces.
La CSF demande au gouvernement la tenue d’audiences publiques sur la révision de la LDPSF, alors que le CDPSF souhaite qu’un comité d’experts se penche sur cette révision.