«La première question qui nous vient à l’esprit concerne le sort qui sera réservé au CELI. Le nouveau gouvernement va-t-il réellement réduire le plafond et, si oui, de quelle façon s’y prendra-t-il ?» demande Francis Sabourin, directeur, gestion de patrimoine et gestionnaire de portefeuille, chez Richardson GMP.

«Les libéraux, tout comme le NPD, ont fait part de leur intention de ramener le plafond du CELI à 5 500 $. Je trouve ça dommage, mais ce n’est pas dramatique», juge Gino Savard, président de Mica Services financiers.

Ce qui serait dramatique, ce serait l’abaissement du plafond de manière rétroactive dès cette année, juge-t-il. «Je ne sais pas s’ils le savent, mais ça ne marche pas comme ça. Nous avons de nombreux CELI qui sont investis dans des produits très liquides, mais aussi dans des produits illiquides. Alors, comment pourrions-nous envisager une rétroaction dans un tel cas ?»

«Il serait impensable d’annuler le plafond de cotisation au CELI de 10 000 $ de 2015», croit aussi Gaétan Veillette, fellow administrateur agréé et planificateur financier à Brossard, en Montérégie.

«Si le gouvernement va de l’avant avec son engagement, il n’est pas déraisonnable de croire que le retour aux droits habituels de cotiser au CELI s’appliquerait dès 2016», précise-t-il.

Préjudice fiscal

L’annulation du fractionnement du revenu entre conjoints ayant des enfants mineurs est une autre mesure promise par les libéraux. Le fractionnement des revenus de retraite serait encore permis.

«Pour certaines familles, annuler le fractionnement du revenu équivaut à augmenter leur taux d’imposition», analyse Francis Sabourin.

Selon Gaétan Veillette, «l’absence de fractionnement du revenu entre conjoints cause un préjudice fiscal aux familles ; le fractionnement peut atténuer de façon significative l’impôt global du couple. En somme, l’abolition du fractionnement du revenu entre conjoints ayant au moins un enfant mineur rétablirait cette forme d’iniquité fiscale.»

Les riches dans le collimateur

«De même, les libéraux ont évoqué une augmentation du taux d’imposition pour les gens à revenu élevé. C’est beau de parler d’une telle réforme dans le cadre d’une campagne électorale, mais l’appliquer demande du temps et beaucoup de travail», souligne Francis Sabourin.

«Il faudra voir avant tout quels seront les impacts du ralentissement économique que nous observons en Alberta, ajoute-t-il. Et il faudra aussi voir qui sera le nouveau ministre des Finances, et s’il nous annoncera que l’état de la situation financière ne lui permet pas de jouer avec les tables d’imposition.»

Francis Sabourin se demande dans quelle mesure il est réellement productif de taxer davantage les riches : «Est-ce qu’ils ne risquent pas de déménager ? Les contribuables à revenu élevé sont mobiles, du moins beaucoup plus que ceux de la classe moyenne.»

«En 2012, lorsque le gouvernement de Pauline Marois a évoqué une augmentation des impôts pour les personnes à revenu élevé, plusieurs d’entre elles ont étudié la possibilité de déménager dans d’autres provinces. L’histoire se répétera-t-elle ?» demande Francis Sabourin.

Selon le cabinet comptable PwC, le Parti libéral a promis de plafonner la déduction pour option d’achat qu’un client peut demander. Comme les options d’achat sont utiles pour les entreprises en démarrage, les employés dont les gains en capital découlant d’options d’achat ne dépassent pas 100 000 $ ne seraient pas touchés.

«Si on suppose qu’un plafond n’entrerait en vigueur qu’après 2015, envisagez d’exercer vos options d’achat si vous croyez que ce plafond pourrait s’appliquer à vous», propose PwC.

Soulager la classe moyenne

Selon le Parti libéral du Canada, le passage de 29 à 33 % du taux d’imposition pour les contribuables gagnant 200 000 $ et plus par année permettrait de financer une réduction de 22 à 20,5 % du taux d’imposition des contribuables dont le revenu annuel s’établit entre 44 700 $ et 89 401 $. «La réduction du taux d’imposition soulagera certainement la classe moyenne», mentionne Gaétan Veillette.

«La classe moyenne a normalement une plus grande propension marginale à consommer (MPC) que les Canadiens à revenu élevé, l’impact global net devrait donc être positif pour les dépenses de consommation», indiquent les économistes de Banque Nationale Marchés financiers, dans un bulletin consacré aux élections fédérales 2015.

La plateforme libérale évoque aussi un examen complet des dépenses et des mesures fiscales actuelles, ainsi que le remplacement de la prestation universelle pour la garde d’enfants (PUGE) par une allocation mensuelle non imposable pouvant atteindre 533 $ par enfant.

«Ces programmes socio-fiscaux sont coûteux à administrer, particulièrement pour les couples séparés», où ils sont souvent une cause de conflit, note Gaétan Veillette.

«Il serait raisonnable que les gouvernements (fédéral et provinciaux) établissent une plus grande cohérence dans les divers programmes socio-fiscaux. Une réforme majeure s’impose en visant la simplification des programmes. Néanmoins, l’allocation est un pas en avant vers l’objectif d’intégration», croit-il.

Notons enfin que les libéraux ont promis d’investir 125 G$ sur 10 ans dans les infrastructures, alors que les conservateurs prévoyaient plutôt un investissement de 65 G$.