«Apple et Amazon ont déjà montré leur intérêt à faire de l’assurance, souligne René Hamel. Chose certaine, lorsqu’elles feront le saut, elles n’aborderont pas l’industrie d’une façon traditionnelle.»

«Or, les assureurs réagissent lentement aux nouvelles technologies, ajoute-t-il. Il n’y a rien de dramatique, tant que la concurrence s’exerce entre les assureurs de métier. Mais cela deviendra critique le jour où les Apple et autres Amazon de ce monde entreront dans le secteur. Et ça, c’est inévitable.»

L’ancien patron de SSQ souligne l’importance de favoriser le magasinage de produits, la vente et le service après-vente sur Internet. Certains produits n’ont pas besoin de l’intervention d’êtres humains pour être correctement vendus. «L’assurance vie temporaire en est un bon exemple», ajoute-t-il

De façon générale, les assureurs doivent mieux faire. Beaucoup mieux, et plus vite. «Les assureurs continuent de faire ce qu’ils savent bien faire, mais sans se demander comment ils pourraient faire autrement en utilisant les nouvelles technologies», déplore René Hamel.

Les autorités de réglementation devraient pour leur part certifier certains «processus».

«Par exemple, un assureur pourrait présenter au régulateur un système de soumission en ligne avec ses balises. C’est au régulateur qu’il reviendrait ensuite de donner ou non son approbation», dit-il.

Penser clients

Selon René Hamel, les clients n’ont pas encore accès à l’expérience intégrée à laquelle ils devraient logiquement avoir droit.

«Chez les assureurs, il existe trop de divisions administratives qui ne communiquent pas entre elles. Cette situation tue les synergies, étant donné que les clients ne savent pas que des produits bénéfiques dans leur situation sont disponibles.»

Ainsi, les assureurs comptent de grandes masses de données informatiques, mais celles-ci ne sont pas encore paramétrées pour aboutir à une expérience client intégrée. «Par exemple, dans bien des cas, les identifiants informatiques se rapportent au produit, et non au client», dit René Hamel.

Afin de faciliter les synergies, il préconise l’élargissement des sphères de compétence des employés ainsi que la mise sur pied d’équipes multidisciplinaires.

Établir un nouvel équilibre

Les belles années du lancement de produits innovateurs sont-elles chose du passé ?

Rappelons qu’en gestion de patrimoine, les assureurs ont fait fureur entre l’automne 2006 et l’été 2012 avec des produits à garantie de retrait à vie (GRV). Leurs bonis annuels pour années sans retraits atteignaient jusqu’à 7 %.

Toutefois, la plupart des assureurs ont quitté ce terrain, à l’image de SSQ, qui interrompait en février 2013 la vente de son GRV appelé Revenu garanti ASTRA (RGA) 2.1. Les assureurs restants l’ont redéfini au point que Finance et Investissement titrait «Les GRV moins séduisants» dans son édition du 15 novembre 2014.

«Nul doute, l’offre de produits est devenue moins énergique en gestion de patrimoine comme en assurance de personnes», dit René Hamel.

Il cite en exemple le cas d’une vie entière achetée au nom d’un enfant naissant. «La mise en marché de ce produit devient de plus en plus difficile en raison de la structure financière de risque qui découle des exigences des autorités de réglementation et des nouvelles normes comptables. Les assureurs devront maintenir d’importantes réserves de capitaux auxquels les normes comptables ajouteront de la volatilité. En conséquence, les prix de certains produits, comme cette vie entière pour enfant naissant, deviennent très – et trop – élevés», précise l’ancien dirigeant.

René Hamel en appelle «à un nouvel équilibre» avec les partisans des nouvelles normes comptables et du maintien de réserves élevées de capitaux.

À défaut de quoi, explique-t-il, cette situation menacera la pérennité des protections à long terme comme les produits de type vie entière, les Temporaires 100 ans et les produits d’assurance invalidité.

S’adapter aux bas taux d’intérêt

En raison de la faiblesse persistante des taux d’intérêt, la rentabilité des produits d’assurance individuelle subit une forte pression à la baisse. Il en va de même de la rentabilité des assureurs. Est-ce là l’horizon incontournable de l’industrie des prochaines années ?

«L’industrie n’a pas cru que cette situation de bas taux perdurerait au point de devenir la nouvelle normale. Par conséquent, la pression sur les profits est énorme», constate René Hamel.

Toutefois, le nouveau retraité de SSQ Groupe financier croit que l’industrie finira par s’adapter à la nouvelle réalité des bas taux d’intérêt.

«Les produits qui offrent des garanties à long terme seront retouchés tant du point de vue de la conception que sur le plan de la tarification. Le maintien du statu quo est fort peu probable», pense-t-il.