La rencontre visait à formuler le point de vue des AG sur les enjeux découlant de la révision de la Loi 188, au premier chef la possibilité de vendre sur Internet des produits d’assurance de personnes sans l’intervention obligatoire d’un représentant. La réunion des AG faisait suite à la publication, en juin, du «Rapport sur l’application de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF)» (http://tiny.cc/2q67zx).

Signé par le ministère des Finances du Québec, ce rapport a ouvert la bataille de la distribution sans représentant, sur Internet ou ailleurs.

«Levons-nous !»

«Il faut se lever et faire comprendre à tous les intervenants qu’à la fin du processus de vente, les consommateurs ont vraiment besoin du représentant», souligne Michel Kirouac, vice-président et directeur général du Groupe Cloutier.

Dans la réalité, précise-t-il, «les produits supposément simples ne le sont tout simplement pas».

Michel Kirouac cite l’exemple de la protection d’assurance vie temporaire de 10 ans (T10).

Selon lui, la T10 est «un des produits les plus complexes qui soit en assurance de personnes. Les options sont nombreuses. Par exemple, est-elle transformable ? Si oui, jusqu’à quel âge ? La prime est-elle garantie ?»

Autrement dit, la T10 comporte plusieurs aspects importants qui risquent d’échapper à des consommateurs laissés à eux-mêmes.

«Sur Internet, bien des gens se laisseraient guider par le critère unique du coût de la prime», pense Michel Kirouac.

Directeur général de AFL Groupe Financier, Yan Charbonneau ajoute que «la T10 n’a rien d’un produit simple. Le client n’est pas conscient de tous ses besoins ni des différences entre les diverses T10 disponibles sur le marché», note-t-il.

Produits complexes

Pour plusieurs, la T10 incarne le type de produit qui pourrait facilement être distribué sur Internet sans l’intervention obligatoire du représentant.

C’est ce que faisait récemment valoir, entre autres, Yvan-Pierre Grimard, le directeur des relations gouvernementales du Mouvement Desjardins.

Peu de temps après la publication du «Rapport sur l’application de la Loi sur la distribution de produits et services financiers», Yvan-Pierre Grimard expliquait que les assureurs devaient cibler les produits qu’ils pourraient éventuellement vendre en ligne en fonction de leur complexité.

«Prenons une assurance vie temporaire de 10 ans : ce n’est pas compliqué», déclarait Yvan-Pierre Grimard à Finance et Investissement dans l’article «Vers la vente d’assurance en ligne» publié en août.

D’ailleurs, selon l’un des mandats de lobbying que le Mouvement Desjardins lui a confiés, «la modernisation de la LDPSF devra tenir compte de l’accroissement du commerce électronique, du double encadrement auquel les représentants sont actuellement assujettis et de la réalité des assureurs qui distribuent des produits et services avec leurs propres employés». Le mandat inscrit au registre les lobbyistes n’est pas plus précis.

Il reste que c’est sur la question de la complexité de ces produits que le bât blesse.

En effet, les AG pensent que les institutions financières minimisent la complexité des produits d’assurance de personnes comme la T10 afin d’ouvrir grand les écluses du Web.

«Si on permet la vente de T10 et de T20 sur Internet sans l’intervention obligatoire d’un représentant, pourquoi, ensuite, ne pas autoriser la distribution de produits de vie entière ?», se demande Michel Kirouac.

D’après James McMahon, président pour le Québec de Groupe Financier Horizons, «les banques et les Desjardins de ce monde exercent une très forte pression afin d’autoriser la vente sur Internet sans l’intervention obligatoire de représentants».

Leur but ? «Éliminer les conseillers en services financiers autonomes et favoriser leurs propres réseaux de distribution», prétend-il.

Mine d’or, droit devant

Gino Savard, président de Mica Services financiers, pense également que les institutions financières affichent un «énorme intérêt» pour la vente sans intermédiaire sur Internet.

«L’assurance hypothèque est une mine d’or pour les institutions financières. L’assurance de personnes sur Internet pourrait devenir leur prochain Klondike», dit-il. Selon lui, les taux de déchéance augmenteraient en flèche dans l’éventualité de la vente sur Internet sans représentant.

«Sur le Web, les taux de déchéance pourraient être élevés, car un bon nombre de clients auront fait de mauvais choix de produits. Ils pourraient les abandonner en cours de route. En conséquence, les assureurs ne se ruineront pas à cause du capital-décès à payer», anticipe-t-il.

Gino Savard pense également que «les petits montants assurés souscrits sur le Web pourraient être très profitables pour les assureurs».

«Il n’y a pas de doute dans mon esprit : les institutions financières veulent augmenter leurs parts de marché à travers leurs plateformes Web», dit-il.

Inquiétudes

Les AG se disent conscients du fait que les institutions financières ont, selon les termes de Yan Charbonneau, «une grande force de frappe en marketing et en lobbying». (Voir le texte en page 12).

Toutefois, ils ne pensent pas que les dés sont jetés. «Nous voulons gagner du temps afin de convaincre le ministre des Finances que les choses ne sont pas si simples», dit Gino Savard.

«Si le gouvernement a la protection du public en tête, nos inquiétudes seront entendues. Sur le Web, il faut que les consommateurs puissent parler à un conseiller avant la transaction finale», résume James McMahon.