Cette part de marché est d’ailleurs en progression, puisque l’actif détenu par des investisseurs institutionnels est passé de 453,4 G$ en 2010 à 532,7 G$ en 2011.

Ces résultats dépassent les niveaux pré-récession de 2008, alors que l’actif atteignait 513,5 G$.

L’actif provenant du marché du détail totalisait quant à lui 13,5 G$, soit seulement 2 % de tout l’actif dans le marché ISR en 2011.

L’actif détenu par des particuliers dans des fonds communs de placement ISR se chiffrait quant à lui à 4,3 G$ en 2011, par rapport à 4,1 G$ en 2010 et à 5,5 G$ en 2008.

Un visage étonnant

L’ISR est donc en progression chez la clientèle au détail, bien que ce type d’investissement n’ait pas encore retrouvé ses niveaux d’avant la récession.

Loin d’être uniquement une affaire de jeunes clients fervents défenseurs de l’environnement, dans les faits, l’ISR séduirait une clientèle aisée et expérimentée en matière de placement.

Selon «Approche comportementale de l’ISR», un sondage mené auprès de 291 répondants dans le cadre d’un mémoire déposé à la Haute École de Gestion de Genève (HEG-GE), on ne peut pas établir de lien entre l’âge d’un individu et sa propension à investir dans l’ISR, cependant, les résultats du sondage démontrent qu’il y en a un entre les revenus d’un individu et l’investissement ISR.

En effet, parmi les 7,6 % des répondants qui disaient avoir investi dans l’ISR, 3,1 % étaient des cadres et 3,1 % étaient des employés.

Fait intéressant, les employés représentaient 55,9 % de l’échantillon alors que les cadres ne comptaient que pour 16 % de l’échantillon.

Spécialiste de l’ISR et conseillère en placement chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne, Pascale Imbeau croit qu’il faut déboulonner les mythes qui entourent la clientèle intéressée à l’ISR.

«Il y a dix ans, on entendait partout qu’il s’agissait d’une clientèle de gauche, de « granos » et d’artistes. Or, ce n’est pas du tout le cas. Au sein de ma clientèle, on retrouve toutes sortes de gens.»

Citant des études récentes, Pascale Imbeau souligne que le cas type de l’investisseur responsable aujourd’hui est plutôt celui d’une femme de 45 ans ou plus, universitaire et professionnelle, qui a un revenu moyen supérieur à la moyenne.

«Toutefois, chez mes clients, je ne peux pas dire qu’il y a une tendance claire, même s’il est vrai que ce sont souvent des gens plus fortunés, souligne-t-elle. Je n’ai pas que des femmes, je compte aussi dans ma clientèle des hommes dont le portefeuille est investi à 100 % dans l’ISR, des gens qui exercent des professions libérales, et même des médecins qui m’ont approchée pour investir toute leur épargne dans l’ISR.»

Fait intéressant, les répondants au sondage, un échantillon de Suisses âgés de 22 à 77 ans, devaient dire s’ils pensaient que l’ISR était pour eux un moyen de se donner bonne conscience, en classant leur opinion sur une échelle de 1 à 10, 10 étant la note pour laquelle l’envie de se donner bonne conscience est la plus forte.

Les résultats du sondage étaient clairs : la moyenne des réponses était de 6,08, bien que la note le plus souvent attribuée était de 7.

«L’ISR n’est nullement motivé par une démarche sociale, écrit Yves Felder, l’auteur du mémoire. Au contraire, cet investissement est plutôt motivé par la curiosité, l’envie de diversification ou peut-être encore par un besoin de se donner bonne conscience.»

La conseillère en placement Pascale Imbeau est loin de penser que ses clients tentent de se donner bonne conscience grâce à leurs placements ISR.

«Je crois que c’est avant tout une question de valeurs. Les gens pensent vraiment qu’à long terme, ils réussiront à améliorer la société, que ce soit en investissant dans des produits ISR ou en s’engageant dans la démocratie actionnariale.»

Minorité de clients

Pourquoi l’ISR n’est-il encore adopté que par une minorité de clients ?

Parce qu’il est méconnu et peu mis en valeur, selon «Marketing of Socially Responsible Investments to retail clients: Case study analysis of Dexia and KBC», un mémoire de maîtrise déposé en 2011 au Louvain School of Management, une faculté de l’Université catholique de Louvain, en Belgique.

L’auteure, Hanna Hinkkanen, avait alors effectué dix visites à des branches locales de deux institutions financières, soit Dexia et KBC, qui offraient des produits ISR afin de voir comment ces derniers étaient présentés aux clients.

Le cas suivant était présenté lors des visites : une cliente avait hérité de 100 000 euros à investir à long terme, selon un profil de risque neutre et un horizon de placement de dix ans. La cliente mentionnait que son conjoint lui avait parlé de l’ISR et qu’elle aimerait en savoir plus, mais qu’elle ne prendrait pas de décision sur place.

Même si la majorité des conseillers rencontrés savaient que leur institution financière offrait des produits ISR aux particuliers, Hanna Hinkkanen a remarqué qu’il y avait un manque important d’information de base sur ce type de placement.

«Seulement un conseiller sur dix pouvait donner spontanément une bonne définition des fonds ISR. La plupart d’entre eux ne pouvaient pas dire pourquoi les fonds ISR étaient durables et devaient faire des recherches sur Internet. […] Il semblait que les conseillers n’étaient pas informés sur les produits ISR ou simplement, qu’ils ne s’y intéressaient pas.»

Pascale Imbeau abonde dans ce sens.

«Il faut sensibiliser la clientèle, mais aussi les conseillers en placement. C’est dommage, mais ils sont en général peu renseignés sur l’ISR. Je crois que plus on en parlera, mieux cela vaudra pour tout le monde de la finance et pour la société en général.»