Du bout des lèvres, Jean-Denis Fréchette a soufflé que la mesure phare du gouvernement conservateur pourrait avoir cet impact.

« Les femmes sont surtout concentrées dans les personnes qui gagnent un revenu secondaire, et par conséquent, on peut penser que ce sont elles (…) qui vont se retirer », a-t-il exposé.

Le fractionnement du revenu permet au conjoint au salaire plus élevé d’attribuer jusqu’à 50 000$ en revenu imposable à son conjoint assujetti à un taux d’imposition inférieur aux fins de l’impôt fédéral, pour un bénéfice maximal de 2 000$ à compter de l’année d’imposition 2014, selon les chiffres du gouvernement.

Le phénomène n’aurait cependant rien d’un exode de masse, a prévenu Jean-Denis Fréchette en conférence de presse dans la foulée du dépôt de son rapport sur le fractionnement du revenu.

Il a évoqué un effet « relativement marginal », soit une baisse de 7 000 emplois à temps plein, ce qui représente moins de 0,04% du nombre total d’heures offertes en main-d’oeuvre.

Il faut dire que le montant maximal de la réduction d’impôt atteint 2 000$ annuellement par ménage, ce qui n’est pas une somme particulièrement mirobolante.

Mais une fois ce chèque couplé à celui de la prestation de garde d’enfants, dont la bonification a été annoncée par le premier ministre Stephen Harper, la tentation de revenir au foyer pourrait-elle être encore plus grande?

Jean-Denis Fréchette n’a pas voulu se prononcer sur la question. « On n’a pas regardé ce phénomène-là pour le moment », a-t-il répondu.

Au-delà de la question de la présence des femmes sur le marché du travail, il y a celle des retombées générales du fractionnement du revenu.

Le DPB conclut que cet allégement fiscal est « régressif » dans la mesure où il ne profite qu’à un faible pourcentage de ménages – deux millions de familles canadiennes, soit 15% d’entre elles.

Plus l’écart entre les salaires principal et secondaire est important, plus le chèque sera alléchant, comprend-on à la lecture du rapport préparé par le bureau du DPB.

Par exemple, un couple formé de deux personnes gagnant chacun 50 000$ ne touchera absolument rien, tandis qu’un couple composé d’une personne dont le salaire est de 100 000$ et d’une autre qui n’a aucun gagne-pain aura droit à un chèque de 1 920$, d’après le DPB.

Les ménages les plus fortunés ont droit à une part considérable du gâteau. Environ le tiers du coût total du programme, soit 750 millions de dollars $, sera versé aux ménages dont le revenu total est de 100 000 $.

Pour les familles à plus faible revenu, le bénéfice « frôle le zéro », est-il écrit dans le rapport produit par l’équipe de Jean-Denis Fréchette.

Le DPB prévoit par ailleurs que le fractionnement du revenu réduirait les revenus du gouvernement d’environ 2,2 milliards e dollars (G$) en 2015 et qu’il aurait « un effet négligeable sur les revenus des provinces ».

La conclusion tirée mardi par le DPB rejoint celle de l’Institut C.D. Howe, qui a évalué à 85% le nombre de foyers canadiens – particulièrement les parents seuls – qui ne bénéficieraient aucunement de cette formule.

Même l’ex-ministre fédéral des Finances, feu Jim Flaherty, avait remis en question sa pertinence et sa portée. Il avait déclaré que personnellement, il préférerait utiliser les surplus budgétaires pour « rembourser la dette publique » et « réduire les impôts ».

L’ancien grand argentier d’Ottawa avait rapidement été désavoué par le premier ministre Stephen Harper.

La mesure fiscale, que le gouvernement a rebaptisé « baisse d’impôt pour les familles » lors de son dévoilement, devrait réduire les revenus fiscaux fédéraux d’environ 2,4 G$ en 2014-2015 et de 1,9 G$ en 2015-2016, selon les données gouvernementales.

Les deux partis d’opposition à Ottawa, le Nouveau Parti démocratique (NPD) et le Parti libéral du Canada (PLC), ont annoncé que s’ils étaient portés au pouvoir, ils annuleraient cette mesure.

Le chef libéral Justin Trudeau a souvent illustré qu’elle ne profiterait qu’à des familles comme la sienne et celle du premier ministre Harper.