Cependant, attention : à son avis, la réponse varie beaucoup, en fonction de l’âge du client et de la diversification de son portefeuille de titres à revenu fixe. En effet, un portefeuille de titres du gouvernement du Canada n’a pas la même sensibilité qu’un panier de titres de sociétés publiques ou de titres à taux variable.

Chez Daniel Laverdière, planificateur financier, Banque Nationale Gestion privée 1859 à Montréal, la réaction initiale est sans équivoque : «On néglige les rentes, souvent à tort».

En effet, si on calcule les décaissements d’un fonds enregistré de revenu de retraite (FERR) obligataire en fonction de l’espérance de vie moyenne d’un client, le problème est qu’il y a une chance sur deux pour que celui-ci survive à son capital, dit-il.

Calculer le rendement d’une rente

Par contre, l’achat d’une rente ne vise pas des objectifs financiers à court terme. En effet, selon les calculs du spécialiste, un capital de 500 000 $ permet à un individu de 71 ans d’acheter une rente annuelle de 39 000 $. Le rendement sera donc négatif au cours des dix années qui suivent l’achat.

Cependant, si cet individu vit jusqu’à 93 ans, la valeur totale de la rente versée équivaudra à un rendement 5,9 %. «Aucun portefeuille obligataire ne donne ça actuellement», commente Daniel Laverdière.

Il ajoute que si le décès du client survient à l’âge médian de son groupe (autour de 86 ans), il aura bénéficié d’un rendement de 3,3 %, qui se compare favorablement à celui d’un actif obligataire.

Bien entendu, le rendement du portefeuille du client ne sera connu qu’au décès. Mais «si on craint de vivre vieux», il paraît sensé de consacrer un tiers du capital-retraite à un filet de sécurité, précise l’expert.

Il est rare que Frédérick Bouchard, représentant en assurance de personnes chez Planica, à Québec, recommande l’achat d’une rente viagère au client qui bénéficie déjà d’un régime complémentaire de retraite d’employeur à prestations déterminées, puisque cela représente déjà une sorte de rente viagère. «Il faut diversifier le risque», dit-il.

Souvent, ses clients disent espérer vivre jusqu’à 85 ans, au moment de planifier les décaissements de leur portefeuille. Frédérick Bouchard préfère être «plus conservateur que Statistique Canada», et étend la perspective jusqu’à 90 ans et plus. «C’est au cas par cas», dit celui qui est plus conservateur lorsque les parents du client sont centenaires.

Avantages collatéraux

Un homme de 65 ans a 30 % de chance d’atteindre l’âge de 90 ans, et une femme de 65 ans, 45 %, d’après les «Normes d’hypothèses de projection» de l’Institut québécois de planification financière (IQPF).

Daniel Laverdière cite une étude qui montre que l’hérédité ne joue que pour 20 % dans la détermination de la longévité d’une personne. Selon cette recherche, l’état de santé à la cinquantaine (notamment le taux de cholestérol et la tension artérielle) et les habitudes de vie (manque d’exercice, tabagisme, consommation abusive de café) ont une plus grande influence sur le risque de mourir jeune.

De son côté, Pierre Juneau n’écarte surtout pas l’utilisation de fonds communs obligataires. Mais une rente peut aussi fournir une protection très utile quand, dans l’entourage d’un retraité vieillissant, quelqu’un se fait insistant pour que celui-ci accélère ses décaissements pour avantager ses proches, admet-il.

Magasiner ou attendre

La perspective d’une remontée des taux d’intérêt permet d’envisager que les assureurs deviennent plus généreux dans leur offre de la rente achetée avec un capital donné.

En attendant, toutefois, rien ne garantit que le client obtiendra plus. Par exemple, si ce capital est actuellement investi en obligations, la valeur de ces dernières fléchira avec la remontée des taux d’intérêt, ce qui ne lui permettra pas nécessairement d’obtenir une rente plus élevée.

Autrement dit, «on tourne en rond», prévient Daniel Laverdière. À son avis, les assureurs ne vendraient pas plus de rentes si les taux d’intérêt augmentaient de 3 points de pourcentage.

Une chose est certaine pour Frédérick Bouchard, au moment d’envisager l’achat d’une rente viagère, il est essentiel de magasiner. Il a échantillonné (en date du 15 octobre) l’offre de trois assureurs pour l’achat d’une rente garantie cinq ans pour un homme de 65 ans dont le capital s’élève à 200 000 $. La meilleure offre était de 13 762,68 $ par an, et la moins généreuse, de 12 715,62 $, soit un écart de 1 047,06 $ (ou 0,52 % de l’actif par an).

S’il parle de rente garantie, c’est évidemment parce que la garantie permet de couvrir le risque de décès subit.

Parmi les autres options, la réversibilité au conjoint survivant d’une portion de la rente est aussi à analyser en fonction des coûts, précise Frédérick Bouchard.

Par ailleurs, si le client est déjà suffisamment fortuné, «nous privilégions les produits de garantie de revenu viager (GRV) qui lui permettent de demeurer propriétaire de l’actif et de bénéficier des rendements potentiels des actions avec une garantie en cas de correction».

«Habituellement, nous conseillons ces produits GRV pour la portion revenu fixe lorsque nous savons que le client est financièrement indépendant, puisque pour fournir une garantie de revenu minimal de 13 213 $, il faut un actif investi de 330 325 $ au lieu de 200 000 $ en rente viagère. Par contre, si le client reste propriétaire de l’actif, cela nous permet d’investir une portion qui sera allouée au revenu fixe à une pondération beaucoup plus forte en actions, sans risque majeur pour l’objectif de revenu du client».

Le rythme de décaissement est établi selon l’âge ou selon les taux prescrits par les règles d’un fonds enregistré de revenu de retraite (FERR).

Selon l’expert, cette stratégie mixte, pour laquelle l’offre des institutions s’est resserrée ces dernières années, a un coût plus élevé, mais elle est à envisager, même en période de décaissement, quand on est «à l’aube d’une période de rendement favorable».

Pour Daniel Laverdière, une autre avenue à explorer est celle d’une rente assurée.

Celle-ci permet d’éviter la disparition totale du capital au décès, toutefois, elle procure un revenu moindre puisque la rente servira à payer une prime d’assurance vie importante et les impôts.

C’est un peu comme un certificat de placement garanti imposant, dont on n’utiliserait que le rendement pour vivre.