Il y a beaucoup plus grave : Munich Re, le principal réassureur en ASLD, a jeté l’éponge et s’est retiré du marché canadien de l’ASLD le 1er janvier.

Une spécialiste du secteur, Claudine Cloutier, ne cache pas son inquiétude : « Je ne suis pas prête à parier que l’assurance soins de longue durée sera disponible encore très longtemps », dit la vice-présidente, ventes, et responsable principale des prestations du vivant au Groupe Cloutier.

« C’est dramatique, car la perte d’autonomie et les soins nécessaires qui en découlent demeurent, plus que jamais, un sujet d’actualité », ajoute-t-elle.

De gros changements

En janvier, La Capitale a restreint des caractéristiques avantageuses de Protection Temporelle, son produit d’ASLD. En raison de l’élimination de la bande de prime de plus de 2 000 $, le montant de prestation mensuelle maximal s’établit dorénavant à 2 000 $.

De plus, la prestation maximale à l’émission avec option d’indexation a été ramenée à 1 200 $. Cette option prévoit une augmentation possible de 2 % par an de la prestation mensuelle, jusqu’à un maximum de 2 000 $.

Pour sa part, la Croix Bleue a modifié le contenu de la couverture de soins de longue durée de son produit hybride Tangible. L’option dite « 20-65 », qui permettait de payer la prime jusqu’à l’âge de 65 ans, a été abolie. La prime est désormais payable jusqu’à l’âge de 100 ans. En outre, la Croix Bleue a retiré la garantie de primes à l’âge de 75 ans.

Enfin, UV Mutuelle a retiré l’avenant pour soins de longue durée précédemment offert avec son produit AdapSanté couvrant les maladies graves.

« Nous avons pris cette décision en raison du retrait de Munich Re du marché des soins de longue durée », précise Catherine Fagnan, vice-présidente aux communications de l’assureur de Drummondville.

Le réassureur Munich Re dit s’être résolu à quitter le marché de l’ASLD en raison de la faiblesse généralisée des ventes.

« Notre décision est essentiellement attribuable au manque de croissance du marché des soins de longue durée au Canada. Ce marché représente moins de 1 % des ventes d’assurance vie », explique Richard Letarte, vice-président principal, innovation, de Munich Re Canada.

Le bloc d’ASLD en vigueur continuera cependant à être pris en charge par le réassureur. « Nous continuerons à faire le suivi », souligne Richard Letarte.

Produit impopulaire

Qualifié de « marché inexploité » par les spécialistes de l’assurance de personnes il y a une dizaine d’années à peine, l’ASLD n’a jamais réussi à prendre son envol commercial.

Il faut dire que les récentes hausses de primes n’ont pas contribué à améliorer la situation. Rappelons, par exemple, la hausse de 1 à 25 % des primes des contrats d’ASLD en vigueur annoncée en janvier 2016 par le leader canadien du secteur, la Financière Sun Life.

Au-delà des primes élevées, la nature même du produit constitue un obstacle de taille auprès des conseillers. Selon un sondage évoqué dans un ouvrage récent de Robert C. Carlson, un adulte sur quatre préfère aller chez le dentiste plutôt que d’entendre parler d’ASLD !

Ainsi, pour un réassureur qui avait mis beaucoup d’énergie à développer l’ASLD au Québec et au Canada, l’avenir avec un grand A est désormais ailleurs.

« En nous retirant de l’assurance soins de longue durée, nous pouvons dégager davantage de ressources pour mettre au point de nouveaux produits et stimuler l’innovation dans l’ensemble du marché des assurances vie et santé. Munich Re souhaite être à l’avant-garde et se concentrer sur l’avenir », affirme Richard Letarte.

À moins qu’un autre réassureur prenne la relève ou que les assureurs décident d’assumer eux-mêmes le risque, le retrait de Munich Re de l’ASLD pourrait bientôt signer l’arrêt de mort du produit.

En profiter dès maintenant

Claudine Cloutier suggère aux conseillers en sécurité financière intéressés de ne pas tarder à agir.

« Il faut tirer parti, et le plus rapidement possible, des ASLD ainsi que des produits transformables en ASLD. Je pense qu’ils pourraient éventuellement être retirés des tablettes des assureurs, car dans leur forme actuelle, ça ne fonctionne pas », affirme la vice-présidente du Groupe Cloutier.

Mais comment tirer parti des produits existants en ASLD ? « Je suggère de les présenter aux clients qui en ont les moyens, qui sont assurables et qui peuvent assumer les possibles hausses de primes à l’avenir », dit Claudine Cloutier.

Cela dit, les hausses futures de primes ne devraient pas atteindre les mêmes niveaux qu’aux États-Unis, où les augmentations de plus de 50 % ont été courantes. En outre, une hausse de 85 % a été imposée aux adhérents du régime California Public Employees’ Retirement System.

« Aux États-Unis, la sélection a été beaucoup moins rigoureuse qu’au Québec », explique Claudine Cloutier.

Lueur d’espoir

Consultant après avoir été vice-président régional chez Empire Vie et directeur général associé chez l’agent général BBA Groupe Financier, Sylvain Gagné croit que l’ASLD peut encore éviter le pire.

« La remontée des taux d’intérêt aidera les assureurs à conserver leurs produits à long terme, comme l’assurance soins de longue durée. Les assureurs pensent à long terme. Ils peuvent supporter des pertes sur certains produits en faisant des profits ailleurs. Et la remontée des taux sera d’un grand secours », soutient Sylvain Gagné.