Les prises de participation dans de tels ouvrages par des caisses de retraite ou des fondations visent principalement à apporter de la stabilité au rendement de leur portefeuille.

En novembre, lors d’un colloque présenté à Québec par le Cercle finance du Québec avec la collaboration de l’Association CFA Québec, des spécialistes ont aussi constaté l’intérêt croissant des particuliers pour ces catégories d’actif et un élargissement de l’éventail des façons de prendre une participation dans les infrastructures. Celle-ci demeurent toutefois plus restreintes par rapport à celles des investisseurs institutionnels.

«Les petits investisseurs sont maintenant en mesure de répliquer les stratégies des grands fonds de placement», affirme Alexandre Bernard, conseiller principal chez Normandin Beaudry, Actuaires conseil.

Il qualifie ce potentiel de diversification de «très positif, mais peut-être pernicieux» si les gens ne comprennent pas comment ces placements peuvent réagir aux différentes conditions de marché.

Selon lui, les fonds négociés en Bourse (FNB) spécialisés en infrastructures ont un comportement bien différent de celui des infrastructures détenues directement. Il est difficile à son avis de reproduire le «rendement courant» associé aux actifs réels. De plus, si les taux d’intérêt se mettaient à monter, les investisseurs risqueraient de se tourner davantage vers les obligations, ce qui ferait perdre l’intérêt pour les actifs réels.

Étant donné qu’ils sont faciles à négocier, les FNB sont davantage exposés aux émotions des investisseurs et réagissent plus rapidement que la valeur des actifs sous-jacents.

C’est pourquoi Alexandre Bernard juge que ces placements sont proches des fonds d’actions à faible volatilité investis, par exemple, dans des titres de services publics.

Trouver les bons partenaires

Fiera Axium Infrastructure gère des fonds privés dont l’objectif de rendement annuel se situe entre 9 et 12 %. Interrogé sur les catégories les plus porteuses, Dominic Chalifoux, vice-president et directeur principal, operations des actifs de cette firme, constate une augmentation du nombre de transactions dans le domaine des énergies renouvelables aux États-Unis. «Beaucoup d’États, dit-il, veulent se tourner vers des projets publics-privés» dans ce domaine.

Plusieurs experts, comme Dominic Chalifoux, citent une étude américaine évaluant à 3 600 G$ US d’ici à 2020 les besoins d’investissement dans de nouvelles infrastructures aux États-Unis seulement. La majorité des occasions sont dans le secteur de l’énergie et les infrastructures routières.

Le défi selon lui est de choisir les bons partenaires. Dans les projets de taille intermédiaire qui l’intéressent, il voit moins qu’ailleurs de pression à la hausse sur le prix des infrastructures elles-mêmes.

Cependant, dans les très grosses transactions, il remarque que l’appétit des acteurs s’est accru ces dernières années en raison de l’augmentation du nombre d’investisseurs.

Au chapitre du risque, il fait surtout observer la différence entre les promoteurs qui sont à l’étape plus spéculative de la recherche de permis, ceux qui sont en construction et ceux qui sont en exploitation avec des perspectives plus stables.

Frédéric Paul, conseiller en placement à la Financière Banque Nationale à Québec, s’intéresse aux FNB et aux fonds communs de placement d’infrastructure du point de vue des clients.

Certains produits, prévient-il en entrevue, sont réservés aux investisseurs qualifiés et peuvent comporter des investissements minimaux élevés à l’entrée et des délais longs à la sortie.

Il cite notamment au Canada le cas de Fiera Capital qui s’appuie sur les stratégies de Fiera Axium pour s’approcher le plus près possible de l’infrastructure «pure», ou détenue directement par l’investisseur.

D’autres fonds mondiaux ont des caractéristiques plus semblables à celles de fonds d’actions, et leur corrélation est faible par rapport aux actions canadiennes, mais plus élevée par rapport aux actions mondiales.

L’effet de diversification dans un produit géré est par conséquent moins fort que lors d’un investissement direct dans un projet d’infrastructure.

Frédéric Paul observe que plusieurs gestionnaires situent leur portefeuille entre les titres à revenus fixes et les actions cotées dans la grille risque/rendement. Il insiste lui aussi sur la qualité des infrastructures choisies par ces derniers. Le type de financement, le caractère monopolistique et le cadre réglementaire doivent compter fortement dans les critères d’évaluation.

À sa première analyse, Frédéric Paul s’inquiétait beaucoup de l’impact d’une hausse des taux d’intérêt sur le rendement du secteur des infrastructures. Mais le financement des projets par des emprunts à long terme et l’indexation contractuelle des revenus des promoteurs en fonction de l’inflation ou des taux d’intérêt atténuent ces risques, fait-il remarquer.

Il constate que les fonds détiennent souvent les mêmes titres et visent un rendement annuel autour de 7 %. L’écart entre cette cible et les attentes par rapport aux obligations gouvernementales s’explique aussi par les risques opérationnels et de levier financier. À cela, Frédéric Paul ajoute : «Attention aux innovations technologiques» qui peuvent changer la donne, ce qui risque d’amener des gens à abandonner la consommation d’une forme d’énergie, par exemple.

Terres rares

Par ailleurs, les terres agricoles offrant des possibilités de placement dans le monde sont évaluées à quelque 1 000 G$ US.

Environ les deux tiers de ces actifs se trouvent aux États-Unis et près du quart en Amérique du Sud, par rapport à seulement 1 % au Canada, rapporte Jean-François Tessier, directeur genéral, ventes institutionnelles, chez Gestion d’actifs Manuvie. «Et les investisseurs institutionnels ne détiennent qu’une infime partie de cet ensemble».

De plus, Jean-François Tessier a indiqué que le quart des 285 G$ US de terrains forestiers offrant des possibilités de placement sont entre les mains de gestionnaires de grands portefeuilles.

Plus des deux tiers de ces surfaces se trouvent en Amérique du Nord. Ici, la croissance des arbres est moins rapide qu’en Amérique du Sud (20 % du domaine ouvert à l’investissement), mais elle se chiffre quand même entre 4 et 7 % par an.

En conclusion du colloque, Roger Renaud, président d’Investissements Standard Life, a rappelé qu’au cours des 10 dernières années, les régimes de retraite canadiens ont augmenté de 12 % leurs investissements dans des placements alternatifs. Pour suivre la tendance qui s’étend aux régimes à cotisation déterminée, l’industrie «va créer des fonds d’actifs réels», dit-il.