Se préparer à la hausse

«Les taux d’intérêt artificiellement bas incitent à emprunter davantage alors que l’endettement est déjà très élevé. Bien des consommateurs ont des marges hypothécaires de 50 000 $ ou 60 000 $. C’est très malsain !» dit Flavio Vani, président du cabinet Assurance et Produits Financiers Vani.

Flavio Vani, qui est aussi président du Regroupement indépendant des conseillers de l’industrie financière du Québec (RICIFQ), estime que le relèvement des taux favoriserait l’épargne.

Par contre, il ferait aussi baisser les cours obligataires, ce qui ne ferait pas le bonheur de tous.

À la tête du cabinet Services financiers Éric F. Gosselin, le planificateur financier Éric F. Gosselin a choisi de prendre les devants. «Depuis plusieurs mois déjà, je prépare mes clients à une éventuelle remontée des taux. Je leur conseille d’allouer davantage d’argent aux actions versant des dividendes», remarque-t-il.

Conformité aux effets pervers

Le président du RICIFQ s’intéresse surtout aux enjeux de la conformité, qui va droit au but. «Les exigences de la réglementation sont devenues un grand problème», dit Flavio Vani.

Selon lui, le poids est plus lourd chez les indépendants que dans les banques, où la réglementation relève du gouvernement fédéral. En conséquence, il y a iniquité, d’après lui. Comment y faire face ?

«En créant un ordre professionnel. Tous les membres seraient obligés d’oeuvrer dans le meilleur intérêt de leurs clients. Un conseil de discipline appliquerait ensuite les mêmes règles de conduite pour tout le monde», explique Flavio Vani.

Cité une douzaine de fois dans les journaux en 2013, Gaétan Veillette est une des grandes voix médiatiques du milieu des conseillers. Le planificateur financier et Fellow administrateur agréé dénonce un des effets indésirables d’une réglementation trop stricte, «l’abandon de certaines pratiques par les conseillers».

Par exemple, dit-il, les prêts aux fins d’investissement sont moins nombreux qu’il y a dix ans.

«Ce n’est pas dans le meilleur intérêt des clients. Prenons garde aux règles qui limitent la productivité et la qualité du service à la clientèle !» prévient Gaétan Veillette.

Pour sa part, Marc Beaudoin, président du cabinet de Sherbrooke Beaudoin, Rigolt et associés, ne mâche pas ses mots. En effet, par crainte des plaintes, dit-il, certains conseillers se réfugient dans des stratégies d’investissements hyperconservatrices qui nuisent à leur clientèle.

«Certains représentants recommandent des produits trop conservateurs pour la situation de leurs clients. Ils n’ont pas le temps de les éduquer et ils ne veulent pas avoir de plaintes. Certains de ces clients manqueront d’argent à 75 ou 80 ans. Et lorsque cela arrivera, il sera trop tard pour se plaindre», affirme le coauteur du livre L’a b c d’une bonne planification financière (Sherbrooke, 2013), dont la dernière édition met l’accent sur l’utilisation de prêts leviers.

Rémunération au pilori

La conformité suscite l’exaspération. La rémunération suscite la passion. L’avancée apparemment inéluctable de la rémunération à honoraires provoque des commentaires sans indulgence.

«Cette transformation entraînera la gentrification des services financiers», s’exclame Éric F. Gosselin, qui est également représentant en épargne collective auprès de Services en placements Peak.

La gentrification – du mot anglais gentry, petite noblesse – décrit la migration de gens fortunés vers des quartiers habités par des gens plus pauvres. Et comme ils ont plus d’argent, les premiers finissent par prendre toute la place.

«C’est ce qui se passera dans le conseil financier, car seuls les plus riches pourront s’offrir nos services», dit Éric F. Gosselin.

Ce scénario est également invoqué par Flavio Vani. «Au Royaume-Uni et en Australie, le modèle à honoraires est loin d’être un succès. Les petits clients se font évincer du conseil», dit-il.

Ce phénomène d’exclusion, prévoit Flavio Vani, aura de graves répercussions sur l’avenir de la profession étant donné que la plupart des conseillers commencent leur carrière avec des petits clients. «Où la relève pourra-t-elle se développer ?» se demande le président du RICIFQ.

Gaétan Veillette estime toutefois que la poursuite de l’informatisation pourra abaisser les coûts d’opération des conseillers. «Bien pensée, par exemple par l’amélioration de la gestion des dossiers clients, l’informatique pourrait devenir notre alliée», estime-t-il.