Président-directeur général de SSQ Groupe financier de 2008 à 2015, René Hamel constate que la demande des produits de retraits garantis à vie a fondu comme neige au soleil malgré le lancement des produits à GRV, dits de deuxième génération.

Drapeau en berne

Selon une étude statistique de la firme d’étude de marché Investor Economics, les entrées nettes des produits à garantie de retrait à vie sont en territoire négatif depuis 2013.

Après avoir bénéficié d’entrées nettes de 3,8 G$ en 2012, les GRV ont affiché des sorties nettes de 3,11 G$ de janvier 2013 à mai 2016. L’actif en GRV s’établissait à 33,9 G$ en mai.

Cette profonde léthargie des ventes «ne résulte pas de décisions d’assureurs. Certains offrent maintenant des produits de deuxième génération», commente René Hamel, en faisant référence notamment aux Helios2 de Desjardins sécurité financière, Catégorie Plus 2.1 d’Empire Vie et RetraitePlus de Manuvie.

«Il se trouve que les produits de GRV sont mal connus et peu compris des consommateurs, explique-t-il. C’est injuste, car ils répondent à des besoins importants.»

L’ancien patron de SSQ fait référence à l’appétit de sécurité de retraités et de préretraités qui recherchent des revenus garantis et prévisibles pour la durée de leur retraite.

Cela dit, c’est lorsque les marchés boursiers fléchiront que les chiffres de ventes seront révélateurs pour l’avenir même des produits à garantie de retrait à vie.

«Lors d’une baisse des marchés, la protection qu’offrent les GRV devrait logiquement entraîner la reprise des ventes. Mais si les consommateurs continuent à se détourner des GRV, cela pourrait peut-être marquer la fin de cette gamme de produits», dit René Hamel.

Rappelons que dans la foulée de la crise financière de 2008, certains assureurs avaient frôlé la catastrophe à cause de GRV trop exposés aux fluctuations des marchés boursiers. Manuvie, qui avait symbolisé l’engouement pour les GRV avec des ventes de plus de 6 G$, devait se recapitaliser fin 2008 avec une émission de plus de 2 G$ en actions ordinaires.

Étant donné la faiblesse persistante des taux d’intérêt et les exigences accrues des autorités de réglementation en matière de réserves de capitaux, plusieurs assureurs ont quitté le terrain des GRV de première génération en 2012 et 2013, entre autres iA Groupe financier, SSQ, Sun Life et Transamerica.

En revanche, les assureurs restants ont redessiné leurs GRV avec des caractéristiques sensiblement moins généreuses, donnant naissance à la deuxième génération des produits à garantie de retrait à vie. Par exemple, les bonis annuels de 7 % initialement octroyés lorsque le client n’effectue pas de retraits ont disparu. Les versements annuels garantis de 5 % n’existent maintenant plus que pour les 75 ans et plus.

«Pour employer une métaphore, la voiture très luxueuse de 2012 a été remplacée par une voiture luxueuse. C’est tout de même une belle voiture, qui gagnerait à être mieux connue !» dit René Hamel, qui a siégé aux conseils d’administration de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP), du Regroupement des assureurs à charte du Québec (RACQ), du Centre de développement en assurances et services financiers (CDASF), de Québec, et du Comité consultatif de l’industrie d’Assuris.

Ventes positives pour les fonds distincts

À première vue, la performance en entrées nettes des fonds distincts diverge sensiblement de celle des GRV.

En 2012 et 2013, alors que les GRV affichaient des entrées nettes de 3,8 G$, les fonds distincts connaissaient des sorties nettes d’argent de 3,4 G$. La tendance s’est inversée par la suite, les fonds distincts traditionnels affichant des entrées nettes de 2,6 G$ en 2014 et en 2015, ainsi que des entrées nettes positives depuis le début de 2016, selon Investor Economics.

Cependant, c’est en comparant les fonds distincts aux fonds communs de placement (FCP) qu’on s’aperçoit que les équipes ne jouent pas sur la même patinoire. En effet, entre mars 2012 et mai 2016, les entrées nettes de FCP ont atteint la somme de 235,9 G$, selon Investor Economics.

«Il n’y a pas de comparaison possible. Il n’y a pas d’essoufflement des ventes en fonds communs de placement alors que les retraits frappent durement les fonds distincts», estime Robert Landry.

Consultant et ancien vice-président exécutif d’AXA Canada, Robert Landry estime que les fonds distincts ont perdu leur compétitivité par rapport aux FCP.

«Les consommateurs sont devenus très sensibles aux frais et aux commissions de ventes. Ce phénomène joue en faveur des fonds communs, qui ont pris beaucoup d’avance sur les fonds distincts. Les fonds communs ont innové, notamment avec des séries moins coûteuses. Et les distributeurs ont suivi avec des structures de commissions adaptées aux exigences des consommateurs», dit-il.

L’étude d’Investor Economics met en relief un élément qui fait réfléchir : les assureurs augmentent leur poids sur la patinoire des FCP. Ainsi, en mai 2015, ils détenaient 5,5 % de parts de marché en FCP. Un an plus tard, en mai 2016, ce pourcentage avait grimpé à 5,7 %.

«Les conseillers en sécurité financière ont intérêt à avoir un permis en épargne collective !» dit Robert Landry.