C’est ce qu’a indiqué Marc Champagne, avocat des souscripteurs de l’assureur en responsabilité professionnelle Lloyd’s lors d’un colloque sur la responsabilité légale des cabinets de services financiers organisé par Deontologie.ca, à la fin d’avril.
À cette occasion, cet avocat, qui représente les intérêts des conseillers et cabinets qui se défendent lors de litige et non les intérêts de l’assureur, a indiqué quoi faire pour être prêt si ceux-ci devaient se défendre lors d’un éventuel procès.
1. Connaissez votre client
Cette règle d’or du conseil financier est très importante. Pour bien conseiller son client et offrir des produits qui conviennent, un représentant doit être bien renseigné sur sa situation personnelle et financière, ses besoins et ses objectifs.
« Il ne suffit pas d’aller jouer au golf avec lui de temps en temps », a caricaturé Marc Champagne, qui travaille au cabinet d’avocats Jurilis, à Montréal.
2. Tenez bien vos dossiers
Un conseiller devrait idéalement avoir un journal de bord qui consigne le moment et le contenu des conversations avec le client. « Ne lésinez pas sur le contenu du dossier, a dit Marc Champagne. Si on n’a pas ça, comment on fait pour démontrer à la Cour que le conseiller a parlé à son client à maintes reprises, que la conversation durait 30 minutes? »
3. Documentez une recommandation refusée
Un client refuse une recommandation que vous jugez pertinente à sa situation et convenable en fonction de ses besoins? « Faites signer le client quand il refuse une suggestion que vous jugez appropriée », a souligné Marc Champagne.
Si un conseiller avait un problème par la suite, parce qu’il a refusé de prendre un avenant d’une police par exemple, celui-ci garde ainsi une trace.
4. Conservez bien vos dossiers
Un cabinet ou un représentant devrait conserver en lieu sûr une copie complète du dossier. « Si vous avez incendie, si un chat mange le dossier… Faites une copie de sécurité. Tous les moyens sont bons pour garder une copie intacte », a souligné l’avocat.
Cette copie peut être numérisée et reste valide. « Qui dit numérisation, dit technologie. Une technologie, comme une clé USB peut avoir une durée de vie limitée. Il faut prendre les moyens pour que le dossier soit complet et sécurisé », a-t-il mentionné.
Marc Champagne a rappelé que, dans l’affaire Norbourg, des conseillers se sont fait reprocher d’avoir tenu des dossiers éparpillés et incomplets, malgré le fait que ce sont les corps policiers et l’Autorité des marchés financiers qui avaient saisi les dossiers de plusieurs représentants.
5. Restez vigilant avec vos clients qui sont amis
« Quand vous faites affaire avec un membre de la famille ou un ami proche, soyez doublement vigilant et soyez certains de documenter les éléments importants du dossier, voire même tous les éléments du dossier », a insisté Marc Champagne.
L’avocat a raconté le cas d’un conseiller qui connaissait si bien son client, qu’il voyageait avec lui et allait même faire laver son auto. « Le problème est qu’une proximité s’était installée. Prenez pour acquis que même si c’est un ami proche, même si c’est un membre de la famille, faites un dossier aussi complet sinon plus complet que si c’était un pur étranger. »
6. Lisez bien vos polices d’assurance
Marc Champagne a souligné l’importance de bien lire la couverture de la police d’assurance responsabilité d’un cabinet ou d’un représentant : « On doit bien la comprendre avant de la signer. »
On doit aussi comprendre les limites de couverture d’une police et les conséquences si on est poursuivi pour un montant supérieur à ce plafond.
« On a eu un dossier où la poursuite initiale était de 6 M$ et la limite de couverture de 2 M$. Un avocat a été mandaté pour agir pour l’excédent. La personne était au bâton pour un montant important. Ultimement, on a eu un règlement satisfaisant bien en bas de la limite de couverture. Pendant tout ce temps, le conseiller devait assumer les frais de son propre avocat en surplus alors que l’assureur payait pour l’avocat de la [partie de 2 M$] », a-t-il expliqué.
Un cabinet ou un représentant devrait aussi vérifier que sa police d’assurance couvre aussi la responsabilité découlant des gestes posés par le vendeur d’un bloc d’affaire qu’on a acheté.
Marc Champagne cite l’exemple d’un cabinet qui a acheté « une belle clientèle », à la suite du décès d’un représentant. Malheureusement, parmi cette clientèle, un client a mal compris les nuances entre une police d’assurance libérée et une police prépayée. Une poursuite s’en est suivie : « Les nouveaux propriétaires de la clientèle se ramassent impliqués dans les poursuites. Donc le cabinet, les anciens conseillers, les nouveaux, la succession, tout le monde est poursuivi. »
Il a également souligné que les polices d’assurance responsabilité ne couvrent généralement pas les frais d’avocat d’une plainte disciplinaire : « J’ai vu plusieurs dossiers qui sont plus longs qu’un recours civil. Dans certains cas, pour une plainte portée devant le comité de discipline de la sécurité financière, l’audition a duré 12 jours. »
7. Oubliez la sympathie des juges
Lorsqu’un dossier est amené en cour, dans la grande majorité des cas, le client est ou prétend être un néophyte, voire même un ignorant en matières financières. Il avait reçu des garanties et son profil est conservateur, selon Marc Champagne.
« Quand je me présente en Cour, le débat se fait entre un individu qui a perdu une partie ou toutes ces économies, l’argent pour sa retraite, en raison des conseils et des agissements d’un conseiller, d’un courtier ou un cabinet. Lesquels sont représentés par une gigantesque compagnie d’assurance, parfois même pire, une compagnie étrangère. C’est rare que j’aie la chance de jouer la carte de la sympathie auprès du ou de la juge », a dit Marc Champagne.
Les magistrats sont tentés d’indemniser le client, sachant que le montant en cause fait souvent peu de différence dans le budget d’un important assureur, mais beaucoup dans le budget du client. « On est toujours sur la défensive et on n’a jamais la sympathie de qui que ce soit », note Marc Champagne.
8. N’oubliez pas l’aspect disciplinaire
Une plainte disciplinaire peut coûter cher au représentant et lui causer plusieurs ennuis.
Il cite le cas d’une cliente qui a admis avoir déposé une plainte disciplinaire non fondée simplement pour faire pression sur le représentant qu’elle poursuivait déjà dans un recours civil. « Le dossier disciplinaire a finalement été abandonné », a-t-il dit. Le conseiller a tout de même subi le stress physique et financier d’une telle démarche.
Marc Champagne note que l’enjeu est souvent de taille dans le cas d’une poursuite disciplinaire, puisque ce processus peut mener un représentant à perdre son droit de travailler.