La majorité des conseillers, quel que soit leur âge, ciblent des clients de plus de 60 ans, étant donné la taille plus élevée de l’actif à gérer, constate l’étude The Fountain of Growth (www.pricemetrix.com/fountain-growth) de la société-conseil PriceMetrix. Et qu’ils ne meurent pas !
«Il y a une quinzaine d’années, nous disions continuellement à nos conseillers que la clientèle vieillissait rapidement et qu’il fallait se préparer à accueillir la relève. Mais nous ne savions pas à quel point les boomers vivraient longtemps… comme Mick Jagger», dit Jean Morissette.
Parmi les 3 500 conseillers de Cartier au Canada, plus de 1 000 étaient conseillers de plein exercice.
«Vue de l’esprit»
Selon Jean Morissette, les boomers vieillissent, mais rien n’annonce la grande vague tant attendue de la transmission de richesses entre générations.
«Les énormes héritages d’une génération à l’autre sont une vue de l’esprit. Les boomers vivront très vieux. Ils n’auront plus nécessairement beaucoup d’actif à léguer», dit-il.
En outre, ajoute-t-il, dans l’éventualité d’un décès rapide, «les héritiers ne veulent généralement pas être suivis par les mêmes conseillers que leurs parents».
Les jeunes conseillers qui veulent leur part du gâteau en gestion de patrimoine devraient-ils viser les clients âgés et riches qui sont déjà servis par d’autres conseillers ?
«Il y aura toujours des occasions. Un jeune conseiller peut s’imposer s’il arrive à convaincre le client qu’il connaît bien les produits et les stratégies de décaissement. Mais plus on vieillit, moins on veut prendre des risques. Les clients âgés sont par définition conservateurs et très fidèles à leurs conseillers existants», dit Jean Morissette.
Les firmes ont la même cible
Il n’y a pas que les conseillers qui recherchent les clients âgés et fortunés : les firmes de gestion de patrimoine en font aussi le coeur de leur cible.
«Il y a une quinzaine d’années, l’industrie du courtage comptait beaucoup de petits et moyens clients. Or, tout cela coûtait cher, car la rentabilité n’était pas au rendez-vous. Les banques ont encouragé les conseillers à diriger ces clients vers le courtage à escompte ou vers le conseil en succursale», constate Gordon Gibson, vice-président Vigie, stratégie et communications à la Financière Banque Nationale.
Selon Gordon Gibson, la moyenne d’âge des clients de l’industrie canadienne du courtage de plein exercice est d’environ 62 ans. «En gestion de patrimoine, l’actif atteint son sommet vers 75, 76 ou même 77 ans», dit-il.
Cependant, d’après Gordon Gibson, nous nous rapprochons du point où il faudrait commencer à s’inquiéter de l’impact du vieillissement de la clientèle : «Un pendule ne s’arrête jamais au milieu de son mouvement. Dans l’industrie, on doit commencer à réfléchir à la relève de la clientèle.»
Toutefois, prévient Gordon Gibson, le rééquilibrage générationnel est un exercice très délicat : «Oui, on peut encourager le conseiller à renouveler sa clientèle et à prendre de petits clients. Mais il faut s’assurer que le petit client ne restera pas petit éternellement.»
La clé : être rentable
«Notre rentabilité implique des stratégies de recrutement de clientèles plus fortunées», confirme Éric Lauzon, vice-président, développement des affaires et recrutement, Est-du-Canada, chez Gestion de patrimoine Assante.
«Notre avenir, ce sont les individus qui ont un actif de 0,5 M$ à 5 M$. C’est l’enjeu de l’heure. Plusieurs conseillers doivent faire la transition vers ces clientèles», dit-il.
À l’échelle canadienne, Assante compte quelque 800 conseillers. «Environ 60 % d’entre eux ont leur permis en valeurs mobilières», signale Éric Lauzon.
Au Québec, environ 90 des 100 conseillers d’Assante ont ce permis, une «nécessité pour servir les clientèles plus fortunées».
Étant donné que les places de conseillers auprès des clients âgés bien nantis sont déjà prises, que devraient faire les conseillers dans la quarantaine qui veulent prendre leur part du gâteau ?
«Viser les 30 à 50 ans, une catégorie d’âge où on peut encore établir une relation, et dans des secteurs où il y a une progression naturelle d’enrichissement», conseille Jean Morissette.
D’ailleurs, «On a tous tendance à graviter autour de gens qui ont le même âge que nous», ajoute Éric Lauzon.
Jean Morissette recommande de scruter les secteurs où la relation aura le plus de chance de se développer. «Si par exemple vous aimez les sciences et les techniques, vous pourriez avoir des affinités avec les ingénieurs».
Il faut également être en mesure d’accompagner le client au gré de ses besoins, en lui recommandant des spécialistes éprouvés comme un fiscaliste. «Une recommandation de qualité, fournie rapidement, augmente la fidélité du client», remarque Jean Morissette.
Pour sa part, Gordon Gibson constate que de plus en plus de conseillers vétérans intègrent des jeunes dans leur pratique.
«Cela facilite la relation avec les enfants des clients. Les conseillers peuvent encourager l’engagement des enfants des clients en organisant des séances familiales de planification successorale. Ils peuvent aussi stimuler cet engagement grâce à une tarification qui sera la même pour toute la famille», dit-il.
Dernier conseil : favoriser la rémunération par honoraires. «La transparence paie. Si vous liez votre rémunération à l’atteinte d’objectifs préétablis, le client saura que vous êtes prêt à aller au bâton. Sa fidélité augmentera», dit Jean Morissette. Et les chances de l’accompagner lorsqu’il aura à son tour 75 ans seront d’autant plus élevées.